Mariana Mortagua (à g.) et Catarina Martins |
La coalition de la droite portugaise a perdu la majorité absolue au Parlement, mais demeure la principale force politique issue de l’élection de dimanche. Le Bloc de gauche a fait un retour spectaculaire, avec le meilleur résultat jamais atteint, doublant quasiment son nombre d’électrices et d’électeurs et faisant plus que doubler son nombre de député.es.
C’est d’abord la fin de la majorité de droite au parlement que les 5.37 millions d’électrices et d’électeurs ont décidée aux élections législatives. Entre ces élections et les précédentes, qui se sont déroulées en 2011, quelques semaines après la signature du mémorandum de la troïka, les deux principaux partis de la coalition au pouvoir ont perdu environ 700 000 électeurs. L’austérité radicale imposée au peuple portugais a conduit presque un demi-million d’électeurs potentiels à émigrer. Ceux là n’ont pas pu participer au vote de dimanche.
Le Parti socialiste n’a pas été en mesure d’attirer à lui le mécontentement et n’a que 200 000 voix supplémentaires, à 32%. L’alternance habituelle entre les partis dominants semble écornée parce que le PS est largement considéré comme coresponsable du mémorandum signé avec la troïka juste avant les élections de 2011. Son silence sur les grands enjeux européens lui est également reproché, notamment sur la dette.
Le fait que l’ancien premier ministre José Socrates ait été en prison depuis l’année dernière en raison de soupçons de corruption (il a été renvoyé chez lui sous surveillance au début de la campagne électorale et il n’y a toujours pas d’accusation contre lui), et la reprise en main du parti par Antonio Costa, contraignant à des élections internes juste après la courte victoire du PS aux élections européennes, alors qe le PS était alors représenté par un opposant à Socrates, ont contribué à diviser et à démobiliser l’électorat.
Du côté des forces anti-austérité, le Parti communiste n’est pas parvenu à capitaliser la révolte qui s’est exprimée dans la rue pendant “les années troïka », et a conservé son électorat des élections précédentes, gagnant un député (8%, 17 députés)
La seule force politique qui soit parvenue à attirer les électrices et électeurs mécontents, c’est clairement le Bloc de gauche. Avec 10% des voix (550 000, presque le double du score de 2011) et 19 députés, le Bloc de gauche est parvenu à remporter des circonscriptions contre des députés sortants de droite et constitue aujourd’hui une force nationale, avec des élu.es dans 10 circonscriptions différentes.
L’une de ces victoires constitue un symbole historique après 40 ans de démocratie : pour la première fois, l’archipel de Madère a élu un député de la gauche radicale. Trois des député.es nouvellement élu.es sont des indépendants, dont un activiste vétéran de la lutte pour les droits, avec un handicap qui va contraindre le Parlement à rendre le bâtiment, les bancs et la tribune accessibles aux fauteuils roulants.
Ce résultat s’est essentiellement construit sur la performance de la nouvelle direction du Bloc de gauche après la convention nationale du parti qui s’est tenue en novembre 2014. La porte parole Catarina Martins a remporté sous les applaudissements tous les duels télévisés avec le premier ministre, le vice-premier ministre et le leader du PS, et a rassemblé un soutien populaire d’une ampleur inégalée dans l’histoire du Bloc, durant sa campagne. Le résultat électoral a confirmé le chaleureux accueil qu’elle avait reçu dans les rues partout dans le pays depuis deux mois.
De son côté, Livre, un parti composé de dissidents du Bloc en cours de rapprochement avec le PS (avec une large couverture médiatique) était condamné à la disparition politique, obtenant 0.72% ds voix. PAN, parti favorable aux droits des animaux, et la seule petite organisation qui rentre au Parlement, et elle est prête à soutenir n’importe quel gouvernement.
Avec une majorité de gauche au Parlement, le moment est venu pour le PS d’assumer ses responsabilités et d’essayer de négocier une alternative gouvernementale qui pourrait être soutenue par le Bloc de gauche et le Parti communiste (ou du moins à laquelle ces forces ne s’opposeraient pas).
Mais la première réaction d’Antonio Costa au soir de l’élection, déclarant que le PS n’opposerait pas d’obstacle parlementaire au programme gouvernemental de la droite (le Bloc et le PCP ont déjà indiqué qu’ils s’y opposeraient) ouvre la voie à un large accord entre les 3 partis qui ont signé l’accord avec la troïka et soutiennent le traité budgétaire européen.
En pratique, toute nouvelle mesure d’austérité qu’un gouvernement PSD/CDS essaierait d’imposer (par exemple la baisse de 600 millions d’euros sur le budget des retraites, déjà promise à Bruxelles), devra avoir l’accord du PS pour être adoptée au parlement.
L’hypothèse d’une chute du gouvernement et de nouvelles élections à court terme n’est pas envisageable dans la loi portugaise : il y a une élection présidentielle en janvier et le président en exercice ne peut dissoudre le parlement dans les 6 derniers mois de son mandat. De même, le parlement ne peut être dissous dans les 6 premiers mois de mandat du prochain président élu.
Luis Branco. Publié sur le site d'International Viewpoint. Traduit par Ingrid Hayes.
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