jeudi 13 août 2015

Grèce : des leçons à tirer avec prudence et sérieux, par Jean-Claude Mamet, Roland Mérieux et Francis Sitel




La récente séquence que vient de connaître la Grèce représente un traumatisme considérable, pour la Grèce et Syriza bien sûr, et aussi à un moindre degré pour toutes les gauches européennes.

Il faut travailler à analyser la situation ainsi créée. Cela en se gardant de « penser trop vite » et de tirer des leçons définitives se contentant en fait de répéter des schémas préétablis.

Il convient donc d’organiser cette réflexion collective, à partir des nombreuses contributions existantes et d'autres à venir. Nous soumettons celle-ci à la discussion.
Dans le même temps nous pensons que nous devrions être collectivement vigilants à ne pas nous laisser déborder par certaines accélérations qui peuvent conduire à la cristallisation de positionnements politiques non maîtrisés. Ainsi circulent à présent de multiples rumeurs sur le fait qu'une scission de Syriza serait inévitable, voire souhaitable.

Il nous semble qu'il nous faut veiller à ce que nos échanges ne puissent être perçus comme alimentant à quelque titre que ce soit une telle vision. D'où la petite note ajoutée à notre contribution.


L'acceptation par le gouvernement Tsipras des diktats du pouvoir européen le 13 juillet, en contradiction avec ses engagements à refuser les mémorandum précédents, a représenté un événement politique majeur dont on ne saurait relativiser l'importance. Mais qu'il ne faut pas non plus, à ce stade, absolutiser, pour en tirer des leçons définitives. C'est la fin d'une séquence, pas celle de toute l'histoire, qui est de confrontation inédite entre un gouvernement de gauche radicale et la politique ultralibérale, d'austérité et d'autoritarisme, défendue par l'ensemble des classes dirigeantes européennes et les institutions de l’Union européenne.


Il est significatif et normal que jusqu'à présent le débat à propos de la Grèce ait été marqué de traits contradictoires. D'une part, une tendance à porter des jugements très péremptoires ou définitifs. D'autre part, et contradictoirement, une certaine prudence fort heureusement  demeure lorsqu'il s'agit de caractériser l'événement : défaite, reddition, ou capitulation, voire trahison ? Hésitation aussi pour établir l'origine du problème : la nature de Syriza ? son projet stratégique fondamental ? un choix initial par rapport à l'euro et à l'Union européenne ?  l'impréparation d'une sortie ? une défaillance dans la négociation finale du 13 juillet ?

Encore aujourd'hui chacun tente de proposer des « premières leçons » à tirer de l'expérience. Mais certaines risquent fort, si elles étaient validées trop rapidement, de s'avérer définitives. Il convient de rester prudent, face à des événements auxquels nous n’étions pas ou très peu préparés, tant sur le plan stratégique que politique.  

Il nous semble qu’il convient sur plusieurs points de pointer certains raccourcis hâtifs ou de lever certaines ambiguïtés ou malentendus  :

-        Ainsi du verdict de faillite politique du gouvernement Tsipras, lequel conduirait à juger achevée l'expérience même et à rechercher une alternative nouvelle à ce qu'a représenté jusque-là Syriza.
-        Ainsi également le jugement (qui pour une bonne part  se combine au précédent) que c'est le refus d'assumer la sortie de l'euro qui est cause de la défaite. Lequel amène pour certains à ériger en impératif politique la sortie de l'euro (voire de l'Union européenne), comme condition sine qua non de toute politique de transformation sociale, en Grèce évidemment, et ailleurs aussi...
-        On voit aussi apparaître des arguments laissant entendre que le refus de sortir de l’euro  (par exemple en janvier 2015, ou pendant les européennes de 2014) résulterait de la conviction que l’Union européenne est un espace politique que l’on pourrait réformer par petits pas successifs. Si cette opinion peut exister, nous ne la partageons pas. Le proto-Etat européen est gros de contradictions, sur lesquelles il est nécessaire d’agir. Mais l’objectif stratégique est bien de désobéir, et en fin de compte de rompre avec les traités, ces institutions et les politiques qu’elles imposent. Donc d'affirmer un autre projet européen.
-        De même, se fait jour l’idée que l’euro et l’Union européenne sont intrinsèquement liés, et que rompre avec l’euro devrait automatiquement conduire à en finir avec l’UE. Ce risque (ou ce projet) existe, mais les deux réalités doivent être distinguées.  Autant une sortie de l'euro peut s'imposer, autant toute politique de rupture durable avec l'ultralibéralisme, ou avec le productivisme et ses effets écologiques dévastateurs, sera appelée à s'inscrire dans une dimension européenne, en libérant celle-ci du carcan de ses institutions actuelles.

Quelques données invitant à davantage de prudence

a) La fameuse sortie de l'euro est une perspective qui est débattue à gauche, mais aussi à droite, et défendue vigoureusement par l'extrême-droite. Elle a été récusée par Tsipras, elle a failli être imposée par Schäuble. Donc la sortie de l'euro n'est pas en tant que telle une réponse évidente ni progressiste. Elle nécessite, pour acquérir cette dimension progressiste, une série de conditions (voir ci-dessous).

b) Il existe plusieurs sorties possibles de l'euro, et il conviendrait d’en faire une analyse sérieuse :

-       Un scénario de « sortie accompagnée » : un retour à une monnaie grecque, aidée techniquement et financièrement par les autorités de la zone euro, voire appuyée par une réduction conjointe de la dette... Ce scénario, un moment évoqué par certains, ne semble pas avoir été sérieusement envisagé.
-       Un scénario de décision grecque de sortie de l'euro, au nom du refus des mesures d'austérité imposées par ces mêmes autorités, et accompagnée d'une suspension unilatérale du paiement de la dette. Dans ce cas le gouvernement grec assumerait face à la société grecque la responsabilité politique de cette décision et de ses conséquences. C'est ce scénario qui est le plus souvent évoqué par ceux qui reprochent à Tsipras d'y avoir renoncé pour rester à tout prix dans l'euro.
-       Le scénario Schäuble : l'expulsion de la Grèce de l'euro. Dans ce cas de figure ce sont les instances européennes, et au premier chef le gouvernement allemand, qui porteraient la responsabilité de la situation ainsi créée. 

Il semble bien que le scénario 2 étant écarté par Tsipras, se sont trouvées en présence lors de la négociation finale deux options : le maintien de la Grèce dans l'euro, en en payant le prix (fort différent pour les uns et les autres), l'expulsion de la Grèce de la zone euro. Et un bras de fer très inégal, puisque dans cette configuration la sortie est refusée par le faible, et voulue par le fort. Cette situation, à cet instant précis, relativise l’accusation à l’encontre du pouvoir grec de ne pas avoir disposé d’un "plan B". Celui-ci, étant conçu comme instrument dans le rapport de force pour refuser les mesures d’austérité imposées, ne pouvait pas être mis en œuvre réellement à ce moment, car il présuppose une préparation et une adhésion du peuple grec dans sa majorité.
 
La question est donc de savoir si le gouvernement grec aurait dû décider, lui, de la sortie dans ces conditions. On peut répondre positivement. Mais on doit se montrer convaincant pour expliquer :
1) Que cela ne se serait pas traduit par l'effondrement immédiat non seulement du système bancaire grec, mais de toute l'économie, créant une situation de faillite. 

2) Que les rapports de force au sein de la société grecque auraient permis au gouvernement d'assumer ce choix sans provoquer un conflit politique à la dynamique incontrôlable (situation quelque peu différente si l'agression était venue des instances européennes, faisant jouer le ressort social et national en faveur du gouvernement).

3) Que préalablement la préparation d’un tel scénario n’aurait pas pu se faire simultanément à la « négociation-bras de fer » pour tenter de dégager un compromis provisoire avec l’UE, alors qu'il nécessiterait un intense débat dans la société grecque.


c) Il n'y a pas de position sûre pour analyser ces problèmes.

Si on n'est pas en Grèce, on se trouve placé dans une extériorité confortable, et toute intervention peut être considérée comme une ingérence.

Si on est en Grèce, directement impliqué, on peut se laisser dominer par une émotion tout à fait légitime. On voit bien que l'enchaînement rapide, et proprement bouleversant des événements - le référendum, la victoire éclatante du non suivie de la défaite humiliante essuyée à Bruxelles...-, représente un traumatisme considérable. La manière dont, ici, le non au TCE en 2005 a été bafoué, n'en donne sans doute qu'une minuscule idée...

Il convient donc d'ajuster le plus précisément possible nécessité d'analyser les problèmes posés, et responsabilité politique dans les leçons qu'on propose d'en tirer.

N'oublions pas que la solidarité avec les Grecs, qui progressivement s'est affirmée, est restée par trop modeste (ce que tout le monde reconnaît aujourd'hui). Sans doute pour une part parce que autour de nous (syndicalistes, mouvements sociaux…et beaucoup d'autres) ne croyaient pas que la politique de Syriza pouvait réussir, au vu de successions de défaites, de reculs, etc. 

Aujourd'hui, une excessive sévérité à l'égard du gouvernement Tsipras et de Syriza peut conduire à entretenir l'idée qu'une scission de Syriza est à présent inévitable et à en relativiser les conséquences, qui seraient absolument désastreuses pour toute la gauche européenne, à l'heure où il lui faut faire face aux échéances auxquelles elle est confrontée à court terme (Portugal et État Espagnol).

Il ne s'agit pas de s'autolimiter dans les analyses critiques qui sont indispensables, mais de les mener à la lumière de deux éléments décisifs :

° Ce que sont les rapports de force. Rapports de force entre classes, à l’échelle mondiale (cf. rôle du FMI et de la Banque mondiale) et européenne, et au sein de la société grecque. Rapports de force entre formations sociales : une petite Grèce, dirigée par un gouvernement de gauche radicale, et la puissante Union européenne dominée par les bourgeoisies européennes et dirigée par des forces conservatrices et sociales-démocrates totalement inféodées à l'ultralibéralisme. De tels rapports de force impliquent qu'il serait totalement illusoire de parier sur une rupture nette par rapport à ce qui est infligé à la Grèce et l'engagement sur une voie radicalement différente. Le possible c'est un aménagement des contraintes : moins d'austérité, moins de dette, pour permettre une remise sur pied du pays. Pas la révolution : un début de transition... C'est cela que l'oligarchie européenne était déterminée à empêcher. D’autant, comme dit plus haut,  qu’il est impossible de mener deux politiques gouvernementales en même temps : négocier un aménagement, et préparer publiquement un "plan B". Deux options s'inscrivant dans deux séquences distinctes. 

° Si, dans ces conditions, le gouvernement Tsiras a pu défier les classes dirigeantes européennes et les institutions, ce n'est pas par son seul talent et sa détermination (réels par ailleurs), mais du fait des contradictions internes au système européen. Compte tenu des difficultés économiques que connaît le capitalisme, il existe un doute quant aux possibles risques économiques que ferait encourir à l’euro et au système bancaire une faillite de la Grèce. Compte tenu de l'état du monde, et en particulier aux marches de l'Europe (frontières avec la Russie, situation des Balkans, déstabilisation du Moyen-Orient, mouvements migratoires à partir du Moyen-Orient...),  la Grèce est placée dans une position clé : son effondrement social et politique aurait nécessairement des conséquences géopolitiques majeures et imprévisibles. C'est une réalité que prennent en considération des gouvernements européens, une partie des droites, et l'Administration américaine (et que seuls veulent ignorer les plus fanatiques de la rigueur économique érigée en unique règle de conduite politique). 

Il faut se garder de simplifier les analyses, en évoquant une « Union européenne » fantasmatique qui se comporterait en un acteur impérial sûr de ses objectifs et de ses moyens, ou de comprendre les relations de l’Allemagne aux pays de l’Est et du Sud comme un colonialisme visant à les piller et à les dépecer. La réalité du capitalisme européen et de la construction européenne est d'une tout autre complexité. Le danger de trop grandes simplifications est en effet de conduire à des conclusions politiques exagérées et peu responsables. Il conviendrait de préciser les analyses sur les avancées de l’Union européenne comme proto-Etat adéquat à la mondialisation, en quoi il se dissocierait des États qui le composent et le construisent depuis l’Acte unique, et s'interroger sur le problème de savoir en quoi la résistance à la mondialisation capitaliste serait beaucoup plus efficiente à l’échelle des États séparés (en Allemagne, Grande Bretagne, France, Italie…) que dans le cadre d’une politique articulant en même temps la lutte dans les États et dans l’Union...

Des « leçons », mais provisoires et limitées

a) L’expérience Syriza n'est pas achevée.

Syriza avait fixé des objectifs modestes : le programme de Thessalonique portait des réformes visant à desserrer l'étau ultralibéral, celles-ci sous la pression des institutions de l'UE ont été progressivement laminées, puis empêchées. Il ne s'agissait donc pas de l'engagement sur une voie de rupture radicale, anticapitaliste. La politique concrète à mener dans ces conditions précises est une chose, qui ne saurait être contradictoire, bien au contraire, avec la refondation d'une perspective anticapitaliste et d'un projet émancipateur. Compte tenu de ce qu'est l'économie de la Grèce et de ce que sont les rapports de force en Europe, une telle perspective n’était pas à l’ordre du jour (et affirmée en tant que telle, elle aurait certainement empêché que Syriza parvienne au pouvoir).

En Grèce même, la mobilisation populaire, si vigoureuse au long des années passées,  marquait des traits d’épuisement, et la victoire électorale de Syriza (qui n'a correspondu qu'à une majorité électorale relative) est apparue comme une nouvelle chance de changer le cours des choses, mais dans un pays épuisé par l'austérité, humilié dans son honneur national. Cette majorité demandait à être consolidée, ce qui s'est concrétisé (dans l'opinion publique et lors du référendum). Cela malgré la difficulté où le gouvernement s'est trouvé pour appliquer sa politique y compris dans ses objectifs les plus modestes, et alors qu'il se trouvait englué dans des négociations à répétition au moyen desquelles l'Union européenne lui a interdit de desserrer l'étau de l'austérité et de la dette.

Le paradoxe est qu'à la modestie au plan économique a correspondu un enjeu politique considérable. Ce qui est une caractéristique de tous les combats d’aujourd’hui, du fait que le capitalisme libéral refuse le moindre écart politique au regard de ce qu'il estime être l'orthodoxie néolibérale. Syriza joue son engagement fondateur. Pour les bourgeoisies européennes, il faut empêcher à tout prix qu'un gouvernement de gauche radicale fasse la démonstration qu'il est possible de modifier ne serait-ce qu'à la marge  la politique dominante en Europe. Ce pourquoi certains des dirigeants européens ont montré qu'ils sont prêts à aller jusqu’à la destruction d'un pays membre de l'Union.
 
Le bilan de cette confrontation ne peut être ni relativisé ni vu de manière unilatérale : plus le gouvernement grec s'est montré « raisonnable »,  plus le pouvoir européen s'est aux yeux de l'opinion publique européenne révélé déraisonnable : indifférent à l'image qu'il a donné de lui au cours de ces interminables pourparlers, sous-estimant les risques géopolitiques de ses décisions, jusqu’à provoquer des débuts de divisions entre gouvernements pourtant d'accord sur les grandes options économiques, imposant avec une brutalité et une arrogance disproportionnées des mesures dont tout le monde voit qu’elles vont aggraver la situation.

Tsipras évoque une victoire à la Pyrrhus, on pourra considérer qu'il s'agit pour lui de relativiser la défaite subie, mais il y a là un grain de vérité. Christian Salmon, dans Mediapart,  dit la chose en d'autres termes : « Jamais l'Union, sans doute imparfaite, n'était apparue comme une organisation aux mains des banques et des marchés financiers. Un voile se déchirait. Le vainqueur n’est plus tout à fait sûr de sa victoire. Il a obtenu gain de cause. Mais il a perdu sa légitimité démocratique. Et si le vaincu n'a pas réussi à faire valoir ses droits, dans son combat, il a démystifié son opposant, que l'essayiste allemand Hans Magnus Enzensberger a qualifié de « doux monstre de Bruxelles » dans un essai récent. » Il conviendrait donc d’examiner, en lien notamment avec les prochaines échéances portugaise et espagnole, comment il est possible d’accroître les contradictions entre gouvernements.

b) La contradiction de cette politique imposée à la Grèce, qui va aggraver la situation de celle-ci et peut-être affaiblir l'Union européenne, est appelée à se développer. Selon des rythmes sans doute lents du côté de l'Union européenne, mais rapides du côté grec. Du coup, un facteur décisif est celui de la capacité de résistance de Syriza aux tensions qu'il subit. Voici un gouvernement qui dit appliquer une politique parce qu'il y est contraint, mais qu'il combat et qui ne peut conduire qu'à l'aggravation de la situation. Situation qui à l'évidence n'est pas tenable durablement. Il est légitime que le débat ait lieu sur ce qu'ont été les erreurs commises, sur les alternatives qu'il aurait fallu prévoir et qu'il faut dégager. Autre chose serait qu'un jugement, non pas seulement d'erreur, mais de renoncement, voire de trahison, soit porté, ce qui ne pourrait qu'exacerber les tensions internes et conduire Syriza à la scission, voire à l’implosion. Ce à quoi travaillent depuis le début les forces ennemies à l’échelle européenne.

Un jugement d'échec définitif de l'expérience Syriza aurait des conséquences à l'échelle européenne, car Syriza a témoigné d'éléments positifs pour toutes les gauches européennes : la possibilité d’une victoire électorale, la capacité à engager une épreuve de forces avec les classes dirigeantes européennes, celle-ci débouchant à cette heure sur une défaite, mais payée par une sérieuse perte de légitimité du pouvoir européen, et appelée à connaître d'autres confrontations. Si Syriza doit tenir, c'est au niveau européen que le rapport de forces doit être modifié. Car la rupture avec l’austérité et l'engagement d'une autre politique se pose à ce niveau. Ce qui signifie que les réponses en termes de rupture avec l'Union européenne elle-même (au-delà de la question de l’euro) ne peuvent conduire qu'à des impasses. Dans cette logique, en effet, ce sont les forces nationalistes qui se montreront les mieux armées et les plus dynamiques.

Les forces progressistes européennes viennent avec Syriza de subir un sérieux échec. Mais il ne s'agit pas d'une rupture complète qui obligerait à tout reconsidérer, l'histoire continue et les contradictions accumulées vont se développer.

Les rapports de force n'opposent pas tel pays à l'ensemble de l'Union, les confrontations sont transversales et combinées entre toutes les composantes (classes sociales, nations, institutions...)
L'Union européenne dans ses diverses dimensions (zone euro, espace Schengen, politique internationale...) ne peut perdurer par simple inertie : les inégalités en son sein et les tensions politiques croissantes ne peuvent être résorbées uniquement par un mode de gouvernance anti-démocratique et de plus en plus autoritaire.

Le magistère allemand n'est sans doute pas en mesure de contenir à lui seul
ces contradictions, qu'au contraire il aggrave.

Toutes ces questions ne se posent pas dans les cercles où l'oligarchie voudrait les confiner. Elles sont exposées à la vue de tous dans la vitrine grecque.

Pourquoi ce petit pays a-t-il tous ces mois durant capté l'attention du monde ? L'Histoire a voulu que là se noue de manière spectaculaire les devenirs possibles des peuples européens. C'est toujours  le cas aujourd'hui : à l'heure où dans toute l'Europe s'exacerbent les tensions nationalistes, xénophobes et racistes, la perspective d'une rupture avec l'ultralibéralisme est urgente et vitale. Sans une modification positive des rapports de forces globaux entre classes, ce sont les extrêmes droites qui se renforceront et se présenteront comme une alternative. 

La Grèce reste au cœur de cet enjeu. D'où nos grandes responsabilités à son égard, celles d'Ensemble !, du Front de gauche et de toutes les forces progressistes.

12.08.2015
Jean-Claude Mamet, Roland Mérieux, Francis Sitel

Post-scriptum :

Par rapport aux débats qui traversent ou déchirent Syriza, commenter présente le risque de s'ingérer...
Pourtant, tout ce qui est dit sur les enjeux grecs exerce de facto une pression sur ces débats. Hier, le thème de la sortie de l'euro a pour une bonne part cannibalisé la réflexion à mener. Aujourd’hui, on peut craindre que celui de l'inévitable scission de Syriza s’installe dans le paysage, sans que soient mesurées les conséquences désastreuses de ce qui peut se présenter comme un simple pronostic.
Prophétie auto-réalisatrice d'une nouvelle défaite, inéluctable sinon souhaitable... Car, ou bien cette scission donne naissance à une nouvelle force extérieure à Syriza qui pourrait bien rester marginale au plan électoral et politique, et c'est un échec pour la gauche de Syriza, et un affaiblissement de Syriza dans son ensemble. Ou bien la scission dessine une implosion de Syriza (ce à quoi travaillent de longue date et efficacement les forces ennemies à l’échelle européenne), et c'est une catastrophe totale pour la gauche grecque. Et dans les deux cas des effets dévastateurs pour les gauches européennes...

Donc assumons de discuter du problème.

Syriza paraît confronté à une contradiction forte qu'on peut analyser dans les termes suivants :

° Tsipras en tant que chef de gouvernement et de Syriza ne peut accepter qu'une opposition interne au gouvernement et au groupe parlementaire se donne pour objectif de provoquer un désaveu de l’engagement qu'il a pris en acceptant le nouveau mémorandum.
° La gauche de Syriza ne peut assumer d'approuver ce mémorandum qu'elle condamne, donc ne saurait se plier à une discipline de vote qui lui serait imposée, ni même à une censure de son droit de critique des choix gouvernementaux.
Au regard de cette contradiction on voit où sont les points de rupture :
° Côté Tsipras, ce serait de normaliser le parti, en opérant des exclusions et en imposant une mutation de Syriza (la « mémorandisation de Syriza » évoquée par certains).
° Pour la gauche, ce serait de dire ouvertement que le choix de Tsipras ne relève pas d'une erreur mais d’une trahison, et que Syriza ne représente plus les intérêts populaires.
Ces points de rupture atteints, une scission s’imposerait.
En est-on là ? Quelles preuves en apporter ?

Dans les discours tenus jusqu'à présent à l'extérieur de la Grèce et de Syriza a pesé l'idée, présentée comme une évidence, que face au choix de Tsipras, catastrophique politiquement et socialement, il existait une alternative disponible : la sortie de l'euro. C'était alimenter l'idée que Tsipras, en refusant de le faire, avait capitulé, voire trahi... Alors que peut être défendue l'idée que le refus d'une sortie de l’euro est une erreur grave, car celle-ci serait possible à un moindre coût pour la Grèce. Dans ce cas, il s’agirait d’accepter le débat avec ceux qui pensent que le coût en eut été exorbitant, et ainsi de préserver Syriza, tout en menant le débat public sur les dites erreurs du gouvernement. Et en défendant aussi que le parti devrait avoir une liberté de parole et d’action indépendamment du gouvernement. 

Aujourd'hui, loin d’entretenir l'idée que la scission de Syriza va s'imposer, ne conviendrait-il pas de défendre celle que, sauf nouveaux sauts qualitatifs dans le développement de la contradiction, et avérés, cette scission doit être conjurée ?




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