vendredi 31 juillet 2015

Syriza (Grèce) : « nous faisons face à une lourde défaite ; à l’effondrement d’une stratégie particulière », par Antonis Ntavanellos


Intervention au meeting public, le 27 juillet à Athènes, de la Plateforme de Gauche de Syriza [1].

Camarades,

Merci à Iskra pour l’invitation et je voudrais lui souhaiter, avec l’ensemble des forces de la plate-forme de gauche, avec les plus larges composantes de la gauche radicale au sein de SYRIZA, mais aussi avec celles se situant en dehors de ses rangs, de trouver l’énergie et la fermeté pour faire face à un défi qui a des dimensions historiques.
Nous sommes confrontés à un accord où chaque militant du mouvement ouvrier, chaque combattant des mouvements plus large de résistance sociale, chaque militant de la gauche politique, ne pourrait que le caractériser comme un nouveau mémorandum [le troisième « MoU – Memorandum of Understanding » qui implique donc prétendu accord entre la Commission européenne, agissant au nom des Etats membres de l’Eurozone et la République hellénique].

Et même un mémorandum plus dur :

• équipé d’un turbo TAIPED [TAIPED : Hellenic Republic Asset Development Fund ; le fonds chargé « de valoriser et de vendre » les biens publics dans le cadre du programme [2] privatisations] ;

• d’un turbo mécanisme de surveillance [la nouvelle Troïka est un quartet : Commission européenne, FMI, BCE, Mécanisme européen de stabilité ; les 12 premiers « techniciens » qui auront accès à tous les ministères sont arrivés le mardi 28 juillet. Les lois soumises au vote de la Vouli devront être, antérieurement, « examinées » par les représentants du Quartet pour s’assurer qu’elles sont conformes à « l’accord ».]

• un turbo mécanisme turbo de coupure automatique des dépenses sociales pour compenser toute défaillance économique. [Dans la mesure où les objectifs budgétaires ne pourront être atteints suite aux mesures d’austérité anciennes et nouvelles, des mécanismes de coupes automatiques dans les dépenses.]

mercredi 29 juillet 2015

La soumission totale d’un pays démocratique à la volonté d’autres gouvernements ne constitue pas un accord, par Zoe Konstantopoulou, Présidente du parlement grec


Je dois bien l’admettre, cette session parlementaire aura vu se multiplier des choix personnellement et politiquement douloureux. En ma capacité de Présidente du Parlement, j’ai écrit au Président de la République grecque, M. Prokopis Pavlopoulos et au Premier ministre Alexis Tsipras pour leur faire remarquer qu’il est de ma responsabilité institutionnelle de souligner que les conditions dans lesquelles cette loi est présentée n’offre aucune garantie que la Constitution sera respectée, pas plus que le processus démocratique que doit favoriser le Parlement dans l’exercice du pouvoir législatif, pas plus qu’elle ne permet aux députés de voter en conscience. 

Nous nous trouvons dans une situation de chantage flagrant exercé par les gouvernements d’autres États membres de l’Union européenne sur ce gouvernement et sur les membres du parlement. 

En effet comme le reconnaît le Ministre de la Justice que je respecte profondément comme il le sait, à cause des exigences d’autres États membres, le parlement ne peut pas amender le texte de cette loi qui constitue une intervention majeure dans le fonctionnement de la justice et dans l’exercice des droits fondamentaux des citoyens, d’une manière qui nie le fonctionnement de la démocratie grecque en tant qu’État de droit qui doit préserver la séparation des pouvoirs selon la Constitution ainsi que le principe de jugements équitables. 

mardi 28 juillet 2015

Grèce : « Le non n’est pas vaincu, nous continuons », entretien avec Stathis Kouvelakis


Résumons à très grands traits. Le 25 janvier 2015, Syriza remporte les élections législatives grecques sur un programme de rupture ; le 5 juillet, c’est un tonitruant « OXI », à 61 %, qui envoie les petits barons de l’ordre européen dans les cordes ; le lendemain, Yánis Varoufákis, ministre des Finances grec, est poussé vers la sortie ; le lundi 13 juillet, le tout-venant apprend que les dix-huit heures de bataille psychologique, à la fameuse « table des négociations », ont eu raison des espoirs mis dans le gouvernement grec : capitulation en rase campagne, entend-on. La couleuvre de l’austérité avalée contre un hypothétique rééchelonnement de la dette. « J’assume la responsabilité d’un texte auquel je ne crois pas », affirme Tsipras à la télévision publique grecque. Mercredi, le comité central de Syriza rejette l’accord et dénonce « un coup d’État contre toute notion de démocratie et de souveraineté populaire ». Les ministères démissionnaires partent en claquant la porte, le texte passe avec les voix de la droite et de la social-démocratie grecques, les grèves générales repartent et la place Syntagma s’enflamme. « Trahison » ; la messe est dite. Pour Stathis Kouvélakis, philosophe francophone, membre du Comité central de Syriza et figure de la Plateforme de gauche, l’équation s’avère toutefois plus complexe, si l’on tient à prendre toute la mesure de ces récents événements. Entretien pour y voir plus clair et, surtout, organiser la riposte.

Ballast – Vous émettez des réserves quant à la critique de Tsipras en termes de « trahison », qui revient pourtant fréquemment dans les gauches radicales européennes depuis l’accord du 12 juillet. Pourquoi la considérez-vous comme inefficace ?

Stathis Kouvélakis – Je ne nie pas que le terme de « trahison » soit adéquat pour traduire une perception spontanée de l’expérience Syriza. Il est évident que les 62 % qui ont voté « non » au référendum et les millions de gens qui ont cru en Syriza se sentent trahis. Néanmoins, je nie la pertinence analytique de la catégorie de trahison car elle repose sur l’idée d’une intention consciente : consciemment, le gouvernement Tsipras aurait fait le contraire de ce qu’il s’était engagé à faire. Je pense que cette catégorie obscurcit la réalité de la séquence en cours, qui consiste dans la faillite d’une stratégie politique bien précise. Et quand une stratégie fait faillite, les acteurs qui en étaient les porteurs se retrouvent uniquement face à de mauvais choix ou, autrement dit, à une absence de choix. Et c’est très exactement ce qui s’est passé avec Tsipras et le cercle dirigeant du gouvernement. Ils ont cru possible de parvenir à un compromis acceptable en jouant cette carte de la négociation – qui combinait une adaptation réaliste et une fermeté quant à des lignes rouges, dans le but d’obtenir un « compromis honorable ».

Or la Troïka des créanciers n’était nullement disposée à céder quoi que ce soit, et a immédiatement réagi, en mettant dès le 4 février le système bancaire grec au régime sec. Tsipras et le gouvernement, refusant toute mesure unilatérale, comme la suspension du remboursement de la dette ou la menace d’un « plan B » impliquant la sortie de l’euro, se sont rapidement enfermés dans une spirale qui les amenait d’une concession à une autre et à une détérioration constante du rapport de force. Pendant que ces négociations épuisantes se déroulaient, les caisses de l’État grec se vidaient et le peuple se démobilisait – réduit à un état de spectateur passif d’un théâtre lointain sur lequel il n’avait prise. 

Ainsi, quand Tsipras affirme le 13 juillet qu’il n’avait pas d’autre choix que de signer cet accord, il a en un sens raison. À condition de préciser qu’il a fait en sorte de ne pas se retrouver avec d’autres choix possibles. Dans le cas précis de la Grèce, on assiste à une faillite flagrante de cette stratégie pour la simple raison qu’elle n’avait prévu aucune solution de repli. Il y a un véritable aveuglement de Tsipras et la majorité de Syriza dans l’illusion européiste : l’idée qu’entre « bons européens », nous finirons par nous entendre même si, par ailleurs, demeurent des désaccords importants ; une croyance dure comme fer que les autres gouvernements européens allaient respecter le mandat légitime de Syriza. Et, pire encore, l’idée de brandir l’absence de « plan B » comme un certificat de bonne conduite européiste, qui fut le comble de cet aveuglement idéologique...

lundi 27 juillet 2015

Lettre de solidarité avec le HDP de Turquie


Chers camarades, 

Au nom d’Ensemble ! Mouvement pour une Alternative de Gauche Ecologique et Sociale, membre du Front de Gauche, nous tenons à exprimer toute notre solidarité face à la terrible attaque qui a eu lieu cette semaine à Suruç contre des camarades se rendant à Kobanê pour la reconstruction de cette ville devenue un symbole. 

Nous transmettons nos condoléances à toutes les victimes de ce meurtre de masse et à leurs proches. 

Votre appel international à l’occasion de la manifestation prévue le 26 juillet à Istanbul pour protester cet attentat doit être absolument entendu et une solidarité active ne doit pas faire défaut. En effet, face à l’horreur de cet acte, nous sommes conscients que l’Etat Islamique poursuit un objectif bien déterminé : briser la résistance héroïque du peuple kurde dans le Rojava et le mouvement de solidarité qu’elle a suscité. 

Comme chaque observateur attentif de la situation, nous constatons que l’Etat Islamique a bénéficié de la bienveillance et même de la complicité du gouvernement turc pour mener à bien ses desseins. 

En adversaire redoutable, l’Etat Islamique n’hésite pas à s’appuyer sur les ressorts les plus obscures de la Turquie tel que le racisme antikurde et la tradition étatique issue du coup d’Etat de 1980 que Recep Erdogan prolonge. 

dimanche 26 juillet 2015

Grèce : "toutes ces mesures reviennent à couper la branche sur laquelle la coalition de «gauche radicale» est assise" - entretien avec Sotiris Martalis


Le «mini-gouvernement» virtuel grec a remboursé lundi le FMI et la BCE. Il «reçoit» 7,16 milliards de prêt relais (avec intérêts) du Mécanisme européen de stabilité et renvoie de suite 6,65 milliards, le lundi soir au FMI et la BCE. Les créanciers et leurs institutions tiennent la barre dans tous les domaines. Tsipras veut obtenir l’assurance de disposer de 120 députés loyaux, pour ne pas être soumis à un vote de «défiance». Or, il dispose de 149 députés de Syriza. Si les 39 ayant voté non ou abstention (32 plus 7) sont soustraits, il lui en reste 110. L’effort pour «regagner» des «opposants» s’accentue. Cela, alors que les difficultés s’accumulent. Une partie des députés de la Nouvelle Démocratie (ND)  – et, y compris, des députés de Syriza qui avaient voté Oui à l’accord – dépendent du vote des régions rurales. Pour défendre leur siège à la Vouli, ils ne peuvent soutenir la partie de «l’accord» ayant trait à l’agriculture. Comment, dès lors, voter une hausse des prix du carburant (par suppression de la subvention), des entrants par hausse de la TVA? Sans mentionner la preuve à faire par les agriculteurs déclarés qu’ils sont des «agriculteurs directs». Donc ce chapitre du plan de la Troïka a dû être reporté; comme les «détails» de la nouvelle loi sur les retraites. Quid, demain, de l’attitude de certains députés d’ANEL?  



Nous publions ci-dessous un entretien avec Sotiris Martalis, membre du Comité central de Syriza, membre de DEA et syndicaliste présent actif dans ADEDY et le courant syndical de gauche META. Dans les semaines à venir, il est très peu probable qu’une mobilisation sociale s’exprime, alors que la scène politique et parlementaire est agitée. (Rédaction A l’Encontre)
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Quelle est la situation au sein de Syriza suite au vote au parlement?

jeudi 23 juillet 2015

Grèce : Le Parlement vote sous le chantage et la menace, par Zoé Ν. Konstantopoulou, Présidente du Parlement


À M. le Président de la République, M. Prokopis Pavlopoulos 
 À M. le Premier ministre, M. Alexis Tsipras 

Du fait de mes devoirs institutionnels, je vous signale que les conditions dans lesquelles est introduit au débat le projet de loi « Mesures urgentes de mise en œuvre de la L. 4334/2015», composé du texte déposé dans la nuit du 20 au 21 juillet 2014, comportant 977 pages, incluant tous les textes que les parlementaires doivent étudier et prendre en considération afin de former un avis et de voter selon la procédure d’urgence dans la journée en cours, et qui contient : en 1 article (article premier) les 008 articles du Code de procédure civile et ceux de la loi d’introduction du Code de procédure civile, et en un article (article 2) les 130 articles relatifs à la transposition au droit grec d’une directive de l’UE [directive sur les banques et le bail-in, entre autres, NdT] ne garantissent pas que la Constitution soit respectée, que le fonctionnement démocratique soit protégé, que le pouvoir législatif du Parlement soit exercé ni que les parlementaires votent selon leur conscience. 

Sous un régime de chantage plus qu’évident, provenant de gouvernements étrangers – membres de l’UE, et dirigé contre le Gouvernement grec et les parlementaires, il est introduit et, qui plus est, « sans la possibilité d’introduire le moindre amendement », un texte législatif qui entreprend une intervention majeure sur le fonctionnement de la Justice et sur l’exercice des droits des citoyens, de manière qui abolit tant le fonctionnement de la République grecque en tant qu’Etat social de droit, où la séparation des pouvoirs peut fonctionner, que la préservation du principe du procès équitable. 

mardi 21 juillet 2015

Sur l'accord mémorandum et l'avenir de Syriza, par la Jeunesse de SYRIZA


Athènes, le 20 juillet 2015 

L’accord auquel ont abouti le 13 juillet les négociations, longues de plusieurs mois, menées par le gouvernement SYRIZA-ANEL, constitue sans aucun doute une défaite énorme des forces de la Gauche radicale en Grèce. 

Le coup d’état inédit mis en œuvre par les créanciers, n’était que le dernier épisode d’une série de chantages extrêmes ayant conduit le gouvernement à une impasse politique suffocante. Il serait cependant bien elliptique d’interpréter le résultat des négociations comme uniquement déterminé par les choix des créanciers. 

Nous sommes obligés d’évaluer de manière négative la sous-estimation des rapports de force au sein de la zone euro, l’inébranlable conviction que des arguments rationnels pourraient persuader les « institutions » en la faveur d’un accord « mutuellement profitable », mais aussi que la menace d’un GREXIT pourrait jouer un rôle catalysant pour que notre proposition l’emporte. 

Tous ces points ont contribué de manière décisive à l’absence d’un plan alternatif de rupture qui aurait pu fonctionner aussi bien dans le cadre de la négociation, qu’en tant que choix pour le gouvernement ; tout cela a était facteur décisif pour notre séquestration politique. 

lundi 20 juillet 2015

Grèce : "La voie de la sagesse, c’est celle de la sortie de l’euro et du changement social", par Costas Lapavitsas


Ce texte est la transcription traduite de l’intervention de Costas Lapavitsas au colloque « Democracy Rising », tenu à Athènes le 17 juillet 2015. Les intertitres sont de notre responsabilité.
Costas Lapavitsas est député élu au Parlement grec, membre de la Plateforme de gauche de Syriza, et professeur d’économie à SOAS (School of Oriental and African Studies, Londres).

Une capitulation désastreuse

Le gouvernement Syriza vient de signer un nouvel accord de sauvetage. C’est un très mauvais accord, pour des raisons évidentes que je vais énumérer.

Tout d’abord, cet accord est récessif. Il va plonger l’économie grecque dans la récession. Parce que les seules augmentations d’impôts s’élèvent à 2% du PIB. Elles concernent surtout la TVA, impôt indirect prélevé sur des produits principalement consommés par les travailleurs. Mais elles concernent aussi les entreprises et vont d’abord frapper les petites et moyennes entreprises, qui demeurent la colonne vertébrale de l’économie grecque. L’agriculture est sans doute le secteur le plus durement touché par cette augmentation : l’impôt sur le revenu versé par les agriculteurs va doubler, et ils seront soumis à de nouvelles obligations. Ces mesures sont incontestablement récessives. Elles arrivent à un moment où l’économie grecque chancelle au bord du précipice. Il ne fait aucun doute qu’elles vont la faire basculer dans la récession.