samedi 12 septembre 2015

Zoe Konstantopoulou : « Tsipras a accepté de dissoudre Syriza »


De retour de New York où elle s’est exprimée devant l’ONU, la présidente du parlement grec Zoe Konstantopoulou explique sa rupture avec Alexis Tsipras et rappelle qu’en Grèce comme au sein de l’Europe, « la première question est celle de la démocratie ».
 
Dix-huit heures de vol aller et retour, un programme chargé ne laissant que peu de temps au sommeil... En se rendant à New York, pour la quatrième Conférence mondiale des présidents de parlement sous l’égide des Nations unies, Zoe Konstantopoulou, la présidente de la Vouli, n’avait pas de temps à perdre : le parlement grec vient en effet d’être dissout. Mais elle tenait à participer à cette « occasion unique de dialogue et de coopération qui s’offre aux parlements au plus haut niveau » pour faire passer un message : la dette est utilisée comme moyen de pression sur les peuples – quand bien même l’audit mené a démontré qu’elle était illégitime, odieuse et illégale.

« Il est capital que la situation grecque soit connue par les parlementaires du monde et qu’il soit révélé à la face du monde qu’en ce moment, en Grèce, la démocratie est attaquée », confie-t-elle. Elle a voulu défendre ses engagements de campagne et son mandat : avec trente autres députés élus en janvier, elle est critiquée. Alors qu’elle ne sera pas sur les listes établies par l’état-major de Syriza pour les élections du 20 septembre, elle livre son analyse sur la situation grecque à son retour de New York.

Regards. Comment faire reconnaître les conclusions présentées dans le rapport sur l’audit de la dette et, ensuite, obtenir l’annulation d’une part de la dette ?


Zoe Konstantopoulou. Il est très important de montrer ce qui s’est vraiment passé en Grèce et de révéler le vrai rôle qu’ont joué les banques, les politiques menées et les politiciens corrompus, les représentants des institutions, dans cette affaire de la dette grecque. C’est celle de la victimisation de toute une population, de la marginalisation de générations innocentes par ceux qui veulent toujours que leurs crimes soient payés par les peuples et les sociétés. La société et l’État grecs disposent de plusieurs voies pour se défendre contre cette injustice : juridique, politique et diplomatique. Chaque fois qu’il y a violation des dispositions internationales, il y a des remèdes, y compris juridiques. À mon avis, la Grèce devrait non seulement revendiquer l’abolition de la dette, mais aussi des réparations pour les dommages provoqués par cette politique criminelle contre la population.
 
Le gouvernement grec d’Alexis Tsipras a-t-il vraiment pris en compte les conclusions des travaux sur l’audit de la dette fournies le 18 juin ?
Malheureusement, l’impression est que ces conclusions n’ont jamais été exploitées sur le plan des négociations, ni sur celui des discussions au sein de l’Eurogroupe ou des institutions créancières.

Vous avez soutenu Alexis Tsipras jusqu’à la fin du mois de juillet. Comment la rupture est-elle survenue ?

Je ne parlerai pas de rupture, mais d’une prise de conscience : celle qu’après un moment, le premier ministre – qui a démissionné – a non seulement entrepris de faire adopter par le parlement le mémorandum le plus antisocial, le plus injuste, le plus dur contre la société, mais il a aussi accepté de dissoudre notre parti.

Il garde l’étiquette Syriza...

Syriza a été détruit par la décision de violer toute résolution collective et de passer en force les textes.

Comment la gauche peut-elle survivre dans ces conditions ?

Cette situation déplorable correspond sans doute à la volonté de faire d’un gouvernement de gauche en Grèce une simple parenthèse. En ce qui me concerne, je lutterai pour que la gauche soit représentée d’une manière sincère, qui corresponde à son histoire, à notre programme, et à nos valeurs communes.

« L’histoire ne s’est pas terminée ce 13 juillet »


Envisagez-vous de créer un parti ?

Les partis ne sont pas créés du jour au lendemain. Ils sont le produit d’une série de délibérations, de procédures collectives, et pas le produit de la décision unilatérale de n’importe quelle personne. Je veux aider à ce que nous créions ensemble un front très étendu, très radical et fidèle à la défense de la société et à la défense du peuple.

Mais Alexis Tsipras dit, lui aussi, qu’il reste fidèle à la défense du peuple, qu’il a été obligé de signer le fusil sur la tempe. En réalité, le cas grec ne pose-t-il pas plutôt la question du rapport de forces au sein de l’UE et de l’euro ?

Cette décision a certes été le produit d’un chantage, mais l’histoire ne s’est terminée le 13 juillet. Or il n’est pas possible de comprendre les décisions prises par le premier ministre par la suite, notamment son refus de laisser son parti et son groupe parlementaire s’ériger en protection du gouvernement, la société, le peuple. La décision d’agresser toute personne qui a choisi de résister aux textes et procédures imposés ne peut pas être justifiée par cet argument du chantage. Au moment où nous abandonnons notre collectivité, au moment où les créanciers qui effectuent ce chantage sont plus informés et plus proches du gouvernement que les camarades et les responsables de la procédure parlementaire, nous vivons un glissement dans une direction qui ne correspond plus à notre mandat, et qui ne peut être conciliée avec une prise de position radicale.

La Grèce doit-elle donc rester dans l’euro ?

À mon avis, la première question est celle de la démocratie. Il faut bien voir dans quelles conditions fonctionne l’Europe en ce moment. Il n’est pas acceptable que sous prétexte de servir l’appartenance à une zone monétaire commune, l’euro fonctionne d’une manière antidémocratique avec, pour conséquence, la violation de toute garantie constitutionnelle, parlementaire et de tout acquis en matière de droits de l’homme. La monnaie n’est qu’un moyen d’atteindre la prospérité sociale. La prospérité des peuples et des sociétés est censée être un but de l’Europe. Alors que la monnaie devrait servir cet objectif, l’euro est actuellement utilisé par des gouvernements des États membres de l’Europe pour adresser des chantages, subordonner des pays et exercer un totalitarisme économique qui va à l’encontre de toute valeur européenne. Je n’accepterai jamais de parler juste de la monnaie avant de résoudre la question de la démocratie.

www.regards.fr

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