Les plus grands perdants ont été les petits partis représentant les extrêmes du débat après le référendum. Unité Populaire n’est pas parvenu à exploiter la souffrance ressentie par une majorité des électeurs du « Non » après que Tsipras eut adopté un accord qui réduit la souveraineté nationale et accroît le niveau déjà terrible de l'austérité. Potami, un parti réformiste chéri de la Troïka, a également échoué à rallier le plus petit vote «Oui». Avec Tsipras conquérant d'un nouveau genre, maintenant fermement la barre du programme de la Troïka, les partis pro-Troïka n'avaient rien à offrir.
Le plus grand gagnant est la Troïka elle-même. Au cours des cinq dernières années, les projets de loi de la Troïka sont passés par le parlement avec des majorités ultra-minces, procurant des nuits blanches à leurs auteurs. Maintenant, les projets de loi nécessaires au troisième Mémorandum passent avec de confortables majorités, car Syriza s’y est engagé. Presque tous les députés de l'opposition (à l'exception des communistes du KKE et les nazis de l'Aube dorée) votent pour eux.
Bien sûr, pour en arriver là, il a fallu meurtrir profondément la démocratie grecque. Un million 600.000 Grecs qui avaient voté lors du référendum de Juillet n'ont pas pris la peine de se présenter aux bureaux de vote dimanche - ce n'est pas une grande perte pour les bureaucrates de Bruxelles, Francfort et Washington, qui semblent concevoir la démocratie comme une nuisance.
Tsipras doit maintenant mettre en œuvre un programme de consolidation et de réforme fiscale qui a été conçu pour échouer. Les petites entreprises, sans accès aux marchés de capitaux, doivent désormais prépayer l'impôt de l'année à venir sur leurs bénéfices prévisionnels 2016. Les ménages devront débourser des impôts fonciers scandaleux sur des appartements et des magasins qui ne fonctionnent pas bien et ne peuvent même pas être vendus. Des hausses du taux de la TVA risquent d’augmenter les fraudes à la TVA. Semaine après semaine, la Troïka exigera plus de récession, des politiques antisociales: coupes dans les retraites, baisse des allocations familiales, augmentation du nombre de saisies.
Le plan du premier ministre pour braver cette tempête est fondé sur trois engagements.
D'abord, la poursuite des négociations avec la Troïka pour régler des détails importants.
Ensuite, la question de l'allégement de la dette.
Enfin, la question de l'oligarchie.
Les électeurs ont appuyé Tsipras parce qu'il leur a semblé le candidat le mieux à même de remplir ces objectifs. Le problème est que sa capacité à le faire est sévèrement limitée par l'accord qu'il a déjà signé.
Son pouvoir de négocier est négligeable, compte tenu du fait que, selon les termes du Mémorandum, le gouvernement grec doit "obtenir l'accord de la [troïka] sur toutes les actions pertinentes pour la mise en œuvre des objectifs du Mémorandum" (Notez l'absence de tout engagement de la part de la Troïka avec le gouvernement grec.)
L'allègement de la dette viendra sans doute, sous une certaine forme, mais pas de façon thérapeutique. L’allègement de la dette est important car il permet de réduire l'austérité (c’est-à-dire baisser les objectifs d'excédent primaire) pour stimuler la demande et attirer les investisseurs. Mais une austérité dure a déjà été acceptée (excédents primaires absurdes de 3,5% du PIB à partir de 2018), dissuadant les investisseurs.
La troisième promesse est la clé du succès de Tsipras. La seule raison d'être d'un gouvernement de gauche qui a accepté un nouveau prêt limitant sa capacité à réduire l'austérité et à prendre soin des plus faibles, est d'attaquer les avantages acquis et les privilèges. Cependant, la Troïka est la meilleure amie des oligarques, et vice versa. Au cours des six premiers mois de 2015, lorsque nous avons contesté le monopole de la Troïka sur l’élaboration des politiques en Grèce, ses plus grands supporters nationaux ont été les médias appartenant aux oligarques et leurs agents politiques. Ces mêmes personnes et intérêts ont maintenant embrassé Tsipras. Peut-il se retourner contre eux? Je pense qu'il le veut. Mais la Troïka a déjà désactivé ses principales armes (par exemple en forçant la dissolution de l'unité de lutte contre la criminalité économique, SDOE).
En 2014, le Premier ministre conservateur Antonis Samaras s'est trouvé face à un dilemme similaire, celui d'avoir à mettre en œuvre un programme en échec de la Troïka. Il a feint une allégeance à la Troïka sur un mode évasif et laxiste, de peur que Syriza ne gagne.
Tsipras aura-t-il plus de succès en s’engageant dans un autre programme en échec de la Troïka? Les perspectives ne sont pas brillantes, mais nous ne devons pas les nier. Le sort du nouveau gouvernement dépend des liens qu’il va nouer avec les victimes du Mémorandum, de la mise en œuvre de véritables réformes pour donner aux entreprises la confiance d’investir. Il dépend aussi de sa capacité à utiliser l'intensification de la crise pour exiger de réelles concessions de Bruxelles. C'est un défi de taille. La victoire, même douce, ne compte pas: l’objectif est de faire la différence.
À propos de différence, les conservateurs ont fait de leur mieux pour donner une image plus douce lors de la campagne. Hélas, pour eux, la crise des réfugiés a forcé leur misanthropie à remonter à la surface. Le contraste entre l'accueil réservé à des milliers de réfugiés au cours des dernières semaines et les camps construits par le gouvernement Samaras explique pourquoi les progressistes déçus se sont tournés vers Syriza dans les bureaux de vote.
Dans mes rares moments d'inexplicable optimisme, je me plais à imaginer que la bonté envers les étrangers en détresse est, peut être, le signe avant-coureur d'une campagne du gouvernement grec contre la vision dystopique de la Troïka européenne.
http://www.theguardian.com/commentisfree/2015/sep/21/alexis-tsipras-greece-greek-leader-troika-yanis-varoufakis
http://blogs.mediapart.fr/blog/monica-m/210915/yanis-varoufakis-propos-des-elections-du-20-septembre
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