Combien de fois avons-nous été attaqué, dans le cadre de la campagne BDS, pour avoir soutenu le boycott universitaire et culturel ? Des dizaines de fois, avec une présence substantielle de militant/es de gauche dans le camp des critique.
Leur argument est a double volet: premièrement, que la culture serait une zone neutre, qui n'est pas et ne doit pas être mêlée au conflit colonial en Palestine, la culture serait la Confédération Suisse du conflit. Deuxièmement, les acteurs culturels et universitaires seraient de "notre" camp, des gens biens qui ne doivent donc pas être sanctionnés.
A ce propos, il est important de rappeler que le BDS n'a jamais cible des individus ou des œuvres mais des institutions et des évènements.
La récente affaire du Théâtre Habima dans la colonie de Kiryat Arba démontre à quel point cette position ne tient pas la route. Déjà le nom de la compagnie théâtrale montre l'inanité de cette "exceptionalité culturelle": une décision gouvernementale datant de 1958 a changé le nom de cette noble et trés ancienne institution en "Théâtre National Habima".
On ne peut donc pas séparer le théâtre de sa fonction nationale: Habima est le bateau amiral de la culture israëlienne, autant pour le public domestique que pour le public international. Représenter l'Etat d'Israël et faire briller son image de marque à l'étranger sont des missions que toutes les grandes institutions culturelles israëliennes revendiquent, ne serait-ce que pour garantir les subventions dont elles jouissent.
Dans l'affaire présente, ou Habima annonce qu'il va jouer dans la colonie de Kiryat Arba, la direction du théâtre assume politiquement sa décision, et la déclaration de son directeur mérite d'être citée: "[notre] mission est de continuer a diffuser une culture de qualité a tous les citoyens d'Israël", et plus loin: "nous rejetons avec indignation tout appel qui viserait a exclure des citoyens ou des localités, et dénonçons toute tentative de boycott culturel la ou habitent des citoyens israéliens."
Tous des citoyens, toutes des "localités israéliennes": ce porte parole des Israéliens qui se définissent comme éclairés a effacé d'un revers de main la ligne verte et ce qui sépare Israèl des territoires occupés.
Quant à cette autre personnalité progressiste, la journaliste Ilit Karp (Haaretz, 26 Octobre 2016) elle n'hésite pas a écrire: "Habima doit jouer à Kiryat Arba". Et de nous expliquer pourquoi: "la voix de la gauche, la voix de l'humanisme et de l'opposition a l'occupation… doit être plus particulièrement entendue par ceux qui habitent les colonies […] en d'autres termes, il faut convaincre les égarés."
Avec toute ma volonté de comprendre Karp et ses amis de la gauche sioniste, je ne vois pas comment en allant à Kiryat Arba, les acteurs de Habima vont convaincre les soit-disant égarés, qu'ils se trouvent là où ils ne devraient pas être.
Ils confortent, au contraire, leur projet de normalisation, et leur certitude qu'avec le temps, il n'y aura plus de différence entre Kiryat Arba et Kiryat Ata, dans la banlieue de Haifa.
Si on l'en croit Ilit Karp, ce serait un manque de culture qui expliquerait la violence coloniale des habitants de Kiryat Arba: un peu de Molière, de Shakespeare ou de Hanoch Levin, et les colons deviendront des pacifistes et leurs mitraillettes des colombes en papier…
Quoi qu'il en soit, le fait que des gens éclairés comme Ilit Karp ou le directeur du Habima effacent la ligne verte devrait mettre fin au débat boycott des colonies ou boycott d'Israël.
C'est bien Israël et ses institutions qu'il faut boycotter, et pas seulement les colonies et leurs produits, et c'est uniquement comme cela qu'il sera possible de "convaincre les égaées" que sont l'immense majorité des citoyens israèliens.
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