Depuis le traumatisme grec – à la fois diktat néo-colonial de
l’euro-groupe et acceptation par Tsipras de s’y soumettre malgré
« l’OXI » - le « Non » populaire grec – la gauche radicale européenne
débat de « plans B », sans aucun consensus stratégique ni tactique. Le
référendum du Royaume-Uni (RU) en est l’amère illustration sans que la
gauche anti-raciste et opposée à l’UE ait les conditions d’expression
d’une alternative crédible aux institutions et politiques dominantes,
nationales, européennes et internationales. Moins médiatisé que le
Brexit, le referendum du 6 avril dernier aux Pays-Bas, rejetant l’accord
d’association de l’Ukraine avec l’UE illustre honteusement les mêmes
« choix » piégés pour la gauche internationaliste.
N’est-il pas temps de rendre visible une « Europe Debout ! »
plurielle mais contestataire des politiques et institutions dominantes,
construisant un espace politique européen alternatif dans/hors/contre
l’UE ?
La gauche alternative dans les pays dominants de l’UE –notamment en France, comme en Allemagne- a une responsabilité majeure dans la possibilité de blocage et de remise en cause des pouvoirs nocifs de l’UE vers un autre projet européen, organiquement lié, par en bas, aux mobilisations des populations les plus dépossédées de leurs droits et « périphérisées » de l’est, du sud... et du centre européens. La mise en cause des Traités et politiques, à l’échelle européenne, est un enjeu stratégique pesant à la fois sur les luttes nationales et internationalistes socio-politiques, écologiques, géo-politiques.
En réalité, la principale leçon positive de l’expérience grecque est que l’OXI était « intolérable » pour l’Eurogroupe parce que dangereux pour l’UE – qui est donc... fragile. C’est la France et ses protections qui étaient visée, a souligné Yannis Varoufakis. Et c’est vrai. « Nuit Debout » contre la Loi travail, a montré que les résistances sont toujours là et l’avenir incertain.
Mais surtout, on ne dira jamais assez combien une victoire de l’OXI grec était dangereuse en Allemagne même, comme dans l’ensemble de l’UE, s’il « parlait » aux peuples et non pas aux dirigeants de l’UE, comme Hollande et Merkel.
L’expérience de Syriza reste celle de la première (et non de la dernière) des batailles à la fois nationales et européennes, dans/contre l’UE et contre son rôle dans la guerre sociale mondialisée.
Se soumettre aux dirigeants de l’UE et à leur volonté de verrouiller plus que jamais la contestation de leurs projets est tout aussi suicidaire que renoncer à se battre dans/contre l’UE dès la première bataille perdue. L’histoire de l’OXI n’est terminée ni en Grèce, ni en Europe.
Pourtant, les mêmes résistances sociales aux mêmes politiques existent de fait dans l’atomisation et la diversité des Etats de l’UE ; et la difficulté de construire un mouvement européen n’invalide pas son urgente nécessité. Il ne faut ni repousser les luttes nationales dans l’attente d’impossibles consensus, ni dénigrer comme « soumission à l’UE » la recherche de scénarios collectifs, pour peser dans les rapports de force, aider les pays les plus vulnérables et délégitimer des orientations politiquement et socialement insoutenables imposées l’eurogroupe et de la BCE. La gauche alternative dans les pays du « centre », en France, en Allemagne – ou au Royaume-Uni - ont des responsabilités particulières sur ce plan.
L’absence de peuple européen n’implique pas qu’il n’y a pas d’enjeu stratégique européen pour la gauche internationaliste et qu’il faudrait « mettre l’Europe entre parenthèse ». C’est pourtant ce point de vue qui a été exprimé [4] et explicité notamment par Stathis Kouvélakis, Cédric Durand et Razmig Keucheyan [5] en défense d’un nouveau type d’internationalisme qui passerait par dessus l’enjeu européen, à partir de la reconquête des Etats-nations.
Il se concrétise en deux affirmations non démontrées : d’une part, l’idée que tout refus de sortie de l’UE serait une soumission à celle-ci, cachée par un discours « internationaliste » alors qu’il s’agirait d’une trahison de l’« internationalisme réel » ancré dans les luttes nationales, par ralliement à un « internationalisme du capital » ; d’autre part, la contestation que l’UE puisse être un « champ de bataille », en la qualifiant de « prison » [6] - dont il faut donc physiquement s’échapper à tout prix.
Pourtant, l’exemple grec peut illustrer l’inverse : non seulement la « construction européenne » était perméable aux luttes sociales mais on peut voir dans la violence exercée contre le programme pourtant modéré que défendait Syriza, la preuve d’une vulnérabilité sociale et politique spécifique de l’UE.
Mais ce n’est pas une logique sans contradictions et résistances. La situation de crise et d’instabilité s’accompagne de polarisations, y compris dans l’UE. L’instabilité et la difficulté de « gouverner » l’UE en témoigne. Mais en l’absence d’alternative progressiste et crédible européenne, ce sont les nationalismes xénophobes qui peuvent pousser à une désagrégation réactionnaire. Ne pas « voir » et « travailler » sur l’enjeu stratégique européen comme appui nécessaire des luttes aussi bien nationales qu’internationalistes, est non seulement faux, mais dangereux.
Le BREXIT en est une grave illustration.
Aucun raccourci sociologique, « national » et politique n’autorise à en faire un « atout » pour les luttes progressistes.
Sans doute s’agit-il également d’une gifle contre les politiques d’élargissement de l’UE et ses prétentions, mais une gifle non internationaliste et non pas un geste solidaire et progressiste : sur ce plan, il entre en résonance avec le vote de la population des Pays-Bas lors du référendum organisé le 6 avril dernier (avec 30 % de votants) où le « non » l’a emporté à plus de 60 % contre l’accord d’association proposé par l’UE à l’Ukraine. Mais dans quel sens ? Avec quels enjeux sous-jacents ?
En l’occurrence, il s’agissait pour l’UE de l’extension des traités de libre-échange (sans perspective d’adhésion), présentée à ses voisins comme « partenariats » spécifiques, visant, côté Europe de l’Est à forcer plusieurs pays limitrophes entre Russie et UE à « choisir » l’ancrage vers l’UE. Que fallait-il voter quand on était à la fois radicalement critique de l’UE et de cet accord désastreux de libre-échange, et en même temps contre toute logique de choix de la Russie poutinienne contre l’UE (ou l’inverse) ? Comment répondre aux espoirs populaires ukrainiens – notamment dans la jeunesse - de rapprochement avec l’UE ? Quoi qu’on vote, on n’offrait aucune réponse progressiste dans le faux dilemme de ce référendum qu’Alona Liasheva a fort bien analysé [8]. Rompre avec ces choix binaires impose, dit-elle de formuler autrement les questions elles-mêmes, en exprimant le point de vue des populations (de Russie, d’Ukraine et de l’UE) contre les élites de ces pays en s’appuyant sur des réseaux « d’en bas » entre ces populations.
Une vision euphorique de ces « claques » portées à l’UE risque aussi d’aveugler sur le fait qu’elles n’atténuent pas le risque de consolidation d’un noyau dur de l’UE ou de l’Eurogroupe qui imposerait de fait ses normes à différents « cercles » de membres et de non-membres de l’UE... Le Brexit est loin d’affaiblir cette menace, même si on n’en mesure pas encore tous les effets. Et il ne mettra pas du tout fin à la destruction des droits sociaux et aux emplois sans protection sociale qui s’est étendue en utilisant la pression d’une misère venant de l’Europe de l’est, mais selon une logique qui fait feu de tout bois, hors de l’UE comme dans l’UE.
Ce référendum piégé a dressé des murs entre les courants internationalistes du Lexit et ceux qui au sein du Remain ont mené campagne non pas pour soutenir l’UE mais pour la combattre avec pour horizon « une Autre Europe est Possible » (AEIP / Another Europe Is Possible), sans qu’ils puissent combattre ensemble les politiques dominantes au RU comme dans l’UE, et les forces politiques réactionnaires des deux cotés ; et sans pouvoir clarifier les flous sémantiques ni les réelles divergences qu’il faut débattre.
Le rejet de positions naïves ou apologétiques envers l’UE n’implique pas d’accepter, en sens inverse, des analyses occultant la diversité conflictuelle des projets « bourgeois » et leurs contradictions - dont la politique et les luttes sociales peuvent s’emparer.
L’affirmation que l’UE est « irréformable » est à la fois juste et source de faux et mauvais débats.
Elle est juste au sens où les méfaits de l’UEM – c’est-à-dire des choix qui ont été faits dans la construction de l’UE – ne sont pas là « par hasard » (ou ne sont pas de simples erreurs). Mais on ne peut en déduire aucune conclusion dénigrant l’intérêt de batailles « réformistes » au sens d’objectifs concrets ou mesures partielles mis en avant au sein même de l’UE, compatibles avec diverses logiques. On n’a jamais accompli de révolutions en revendiquant « la révolution », mais à partir d’exigences concrètes et de luttes dans le « système » contre ses mécanismes et effets.
Et il n’est pas nécessaire d’avoir une conception « claire » de ce qu’est l’UE et de ce que pourrait être une « autre Europe », pour s’engager dans des luttes égalitaires et progressistes en percevant leur conflit avec les politiques et institutions dominantes, à tous les niveaux, notamment dans l’UE.
D’où l’importance de la création d’un bloc hégémonique alternatif et pluraliste européen qui œuvre à la mise en place d’un espace autonome alternatif européen – une sorte d’Europe Debout ! ébauchée de façon embryonnaire dans les réunions de Nuit Debout ! en France avec des relais territoriaux multiples et ses réseaux thématiques que des conférences et internet peuvent aider à animer. Un tel espace et mouvement socio-politique devraient, comme les réunions de Nuit Debout !, être à la fois fermés aux courants xénophobes ou qui ont pu défendre une « loi Travail » mais « ouverts » et pluralistes sur le reste, sur la base de principes et objectifs fondamentaux égalitaires et démocratiques. Des « motions de défiance » envers les politiques dominantes de l’UE s’y sont exprimées sur le plan social comme face aux réfugiés. Le caractère ouvert des débats sur « quelle autre Europe » et « comment » y tendre doit s’appuyer sur le principe qu’une nouvelle Union devrait justement émaner d’un processus constituant démocratique.
Mais il faut affronter le débat stratégique : la sortie de l’euro est-elle la précondition de luttes progressistes ?
Les débats réels portent sur une série de choix, marqués par diverses bifurcations possibles et options, que l’on peut résumer succinctement ici.
− Le premier ensemble de débats porte logiquement sur l’enjeu d’un retour aux monnaies nationales dans l’UEM. Est-il une pré-condition pour mener des luttes progressistes sociales, démocratiques et écologiques efficaces ?
− Le second ensemble de débats porte sur la stratégie pour passer de l’UEM/UE à ...ce que l’on prône.
Il est évident que si l’on croît qu’il faut mettre tout européisme « entre parenthèse » en valorisant le caractère bénéfique du retour aux monnaies nationales, voire le fait que ce serait un préalable à toute lutte progressiste alors devrait s’imposer logiquement un slogan stratégique de sortie à tout prix et partout de l’UEM et de l’UE – avec des divergences possibles sur la question des « alliances ».
Si par contre, on estime qu’il faut aller vers une « autre Europe » dotée d’un système monétaire ad hoc, combinant une monnaie européenne et un dispositif permettant des politiques monétaires nationales, alors la nécessité d’une stratégie commune prend de la force.
Certes, le décalage des luttes entre pays, peut pousser vers une option de « sortie » unilatérale du système actuel plutôt que de rester dans l’UEM (la question reste entière pour la Grèce). Mais dans le cadre d’une stratégie collective, sortir ou « rester » sans se soumettre, sont alors des variantes d’une logique qui vise dans tout les cas à articuler luttes nationales (allant le plus loin possible dans la satisfaction du programme anti-austérité et de droits mis en avant) et l’enjeu de peser collectivement sur une crise ou un blocage de l’UE : donc cela implique la recherche de batailles communes dans le plus grand nombre de pays possibles, et de regroupements « significatifs ». Tous les débats tactiques sont évidemment légitimes, et doivent être très ancrés dans des conditions nationales de lutte, différentes d’un pays à l’autre et exprimées par les intéressé.es du pays concerné, avec toutes ses spécificités
Quoi qu’il en soit, isoler la monnaie – l’euro – du système qui l’entoure est une erreur théorique et pratique. Non pas que la monnaie soit « neutre » - elle ne l’est nulle part et condense de multiples relations sociales et de pouvoirs. Mais ce sont ces dernières qu’il faut mettre en évidence. Et il n’est pas évident dans le contexte d’instabilité et d’explosions sociales actuelles que les enjeux principaux et mobilisateurs soient monétaires. Dans un contexte de crises « sociétale », écologique et « systémique » et de très forte instabilité, l’exigence de réflexion sur d’autres « choix » de société, fondamentaux, devrait aussi infléchir des débats qui tendent trop à s’enfermer dans l’horizon marchand capitaliste.
On peut répéter aujourd’hui ce qui était vrai pour la Grèce en 2015 : le refus d’obéir à la Troïka et de payer une dette illégitime « implique de se protéger des chantages de l’eurogroupe par des mesures unilatérales comme cela fut proposé en Grèce mais non appliqué (ou trop tard et dans des conditions difficiles) : contrôle des banques et des mouvements de capitaux, préparation d’une monnaie parallèle, suspension du paiement de la dette, en tout premier lieu. Les propositions de « monnaie fiscale » limitant la dépendance envers l’euro et le marché mondial, peuvent préparer une conception alternative d’un système monétaire européen où les fonctions de l’euro seraient transformées, mais aussi être des formes provisoires de résistance » [9].
Cela impliquerait un sursaut dans la gauche alternative européenne et le dépassement des choix binaires (mouvements et droits nationaux ou européens ; soumission à l’UE/UEM ou exit) et à la caractérisation comme « opposition à l’UE » de la seule option de « sortie ».
Toute opposition de gauche à l’UE dans un pays donné, pourrait être organiquement impliquée dans les réseaux de cette Europe Debout dans bien d’autres pays. Au lieu de gérer les enjeux de la dette en ordre dispersé et en tête à tête avec la BCE et l’Eurogroupe, un peuple engagé dans une lutte similaire à celle de Syriza pourrait, après un audit citoyen décider d’un moratoire sur le paiement de cette dette tout en se battant, avec Europe Debout pour une conférence européenne sur les dettes publiques, qui déciderait de règles communes. Toutes les négociations et exigences émanant des dirigeants européens seraient rendues publiques dans toute l’UE et confrontées à d’autres propositions intéressant l’ensemble des peuples de l’Union, vers un processus de rébellions démocratiques collectives exigeant un processus constituant, ou se regroupant pour des projets communs.
Une « Europe Debout » pèserait d’en bas sur les possibles alternatives, avec ses propres agendas de luttes et de débats, appuyer toutes les campagnes et rebellions progressistes contres les « règles » dominantes, en défense de droits et besoins fondamentaux. Elle pourrait « européaniser » des luttes pour l’instant éclatées, des ruptures ébauchées mais sans crédibilité et rapport de force, permettre des convergences – permettre l’appropriation par en bas et pluraliste des bilans des luttes et révolutions du Xxè siècle, sans « passéisme », mais contre la criminalisation des résistances passées et présentes.
La popularité de la libre circulation transnationale chez les jeunes, doit devenir un atout pour un mouvement étudiant altereuropéiste, spectaculairement coloré dans sa diversité mais défendant les mêmes « biens communs », en faisant « tourner » ses initiatives et « plenums » ouverts aux sociétés civiles et aux luttes, comme la Croatie en a connus. On peut de même rendre « visibles » à l’échelle européenne et mutualiser des expériences phares de re-municipalisation de l’eau, en Italie ou en France, ou encore la défense du droit d’avoir « un toit » contre les expulsions et les crédits toxiques des banques – à l’exemple de l’Etat espagnol. Contre l’enlisement syndical dans les institutions, nationales ou européennes, il faut également mutualiser et européaniser les expériences de grèves transnationales, et de luttes associant travailleurs et usagers contre des firmes multinationales...
Sur la base de projets déjà élaborés et discutés notamment dans l’Altersommet, un site Europe Debout pourrait rendre visible toutes ces initiatives et réflexions, et aider à l’actualisation d’un Manifeste en défense des biens communs et des droits européens qui pourrait être une base commune pour de futures élections contre les politiques dominantes, nationales et européennes. On devrait pouvoir s’impliquer dans une telle dynamique en ayant été membre ou pas de Syriza, membre ou pas de sa gauche, adhérant ou non ensuite à l’Unité populaire (UP), partisan ou pas du Brexit ou de la campagne « une Autre Europe est Possible » dans le cadre du « Remain » - à la condition de respecter le débat démocratique et d’exclure donc tout comportement hégémoniste ; mais aussi par l’engagement pratique en faveur de mobilisations par en bas comme condition essentielle de la construction d’une position qui résiste aux enlisements et aux échecs.
Un tel front se dresserait en opposition aux guerres « de civilisation » et à toutes les politiques de mise en concurrence des populations subalternes et de démantèlement de droits égalitaires – au plan social, de genre, de « races » - en défense des biens communs (de la nature aux biens et services gérés en communs) : la construction d’une Europe Debout serait à la fois un appui essentiel des luttes nationales et internationalistes, vers les autres continents.
Catherine Samary
La gauche alternative dans les pays dominants de l’UE –notamment en France, comme en Allemagne- a une responsabilité majeure dans la possibilité de blocage et de remise en cause des pouvoirs nocifs de l’UE vers un autre projet européen, organiquement lié, par en bas, aux mobilisations des populations les plus dépossédées de leurs droits et « périphérisées » de l’est, du sud... et du centre européens. La mise en cause des Traités et politiques, à l’échelle européenne, est un enjeu stratégique pesant à la fois sur les luttes nationales et internationalistes socio-politiques, écologiques, géo-politiques.
L’histoire de l’OXI grec n’est ni écrite ni terminée
Le « Non » (OXI) du peuple grec était un mandat d’opposition au nouveau plan d’austérité négocié avec l’Eurogroupe. Il n’exprimait pas un choix de sortie de l’euro, encore moins de l’UE [2]. Mais il n’est pas vrai que la capitulation de la direction de Syriza prouverait que la seule alternative à la soumission aurait été la sortie de l’UEM voire de l’UE. Le refus d’une sortie de l’UE, voire de l’UEM, n’était réductible ni à un soutien à leurs logiques, ni aux illusions sur une « bonne UE » qu’il serait possible de réformer de façon démocratique, sans crise, et sans remise en cause de ces Traités. Plusieurs propositions exprimées avant et après l’OXI impliquaient une opposition et désobéissance aux politiques dominantes et des actes de ruptures unilatéraux avec la Troika, sans mettre en préalable ni en axe principal de mobilisation, une « sortie » de l’euro [3] : suspension du paiement de la dette et soutien à la démarche d’audit citoyen analysant les causes de la dette, avec refus d’en payer la part insoutenable et illégitime, voire illégale ; socialisation des banques et contrôle des mouvements de capitaux ; création d’une monnaie fiscale permettant de financer notamment des services publics et de soutenir une production alimentaire vitale...En réalité, la principale leçon positive de l’expérience grecque est que l’OXI était « intolérable » pour l’Eurogroupe parce que dangereux pour l’UE – qui est donc... fragile. C’est la France et ses protections qui étaient visée, a souligné Yannis Varoufakis. Et c’est vrai. « Nuit Debout » contre la Loi travail, a montré que les résistances sont toujours là et l’avenir incertain.
Mais surtout, on ne dira jamais assez combien une victoire de l’OXI grec était dangereuse en Allemagne même, comme dans l’ensemble de l’UE, s’il « parlait » aux peuples et non pas aux dirigeants de l’UE, comme Hollande et Merkel.
L’expérience de Syriza reste celle de la première (et non de la dernière) des batailles à la fois nationales et européennes, dans/contre l’UE et contre son rôle dans la guerre sociale mondialisée.
Se soumettre aux dirigeants de l’UE et à leur volonté de verrouiller plus que jamais la contestation de leurs projets est tout aussi suicidaire que renoncer à se battre dans/contre l’UE dès la première bataille perdue. L’histoire de l’OXI n’est terminée ni en Grèce, ni en Europe.
Affronter l’enjeu stratégique européen
L’euroscepticisme peut n’être que provisoire et lié à la difficulté réelle des luttes européennes et à un rapport de force défavorable : de grands écarts séparent la capacité d’initiative de « ceux d’en haut » et celle de « ceux d’en bas » et des mouvements socio-politiques et syndicaux européens. Le pessimisme et ses choix binaires –sortir ou se soumettre– peuvent être évidemment confortés par le double constat des soumissions réelles à l’eurogroupe à l’œuvre en Grèce, et des orientations « ordolibérales » des directions de l’UE qui veulent inscrire dans les Constitutions leurs propres choix en muselant toute contestation.Pourtant, les mêmes résistances sociales aux mêmes politiques existent de fait dans l’atomisation et la diversité des Etats de l’UE ; et la difficulté de construire un mouvement européen n’invalide pas son urgente nécessité. Il ne faut ni repousser les luttes nationales dans l’attente d’impossibles consensus, ni dénigrer comme « soumission à l’UE » la recherche de scénarios collectifs, pour peser dans les rapports de force, aider les pays les plus vulnérables et délégitimer des orientations politiquement et socialement insoutenables imposées l’eurogroupe et de la BCE. La gauche alternative dans les pays du « centre », en France, en Allemagne – ou au Royaume-Uni - ont des responsabilités particulières sur ce plan.
L’absence de peuple européen n’implique pas qu’il n’y a pas d’enjeu stratégique européen pour la gauche internationaliste et qu’il faudrait « mettre l’Europe entre parenthèse ». C’est pourtant ce point de vue qui a été exprimé [4] et explicité notamment par Stathis Kouvélakis, Cédric Durand et Razmig Keucheyan [5] en défense d’un nouveau type d’internationalisme qui passerait par dessus l’enjeu européen, à partir de la reconquête des Etats-nations.
Il se concrétise en deux affirmations non démontrées : d’une part, l’idée que tout refus de sortie de l’UE serait une soumission à celle-ci, cachée par un discours « internationaliste » alors qu’il s’agirait d’une trahison de l’« internationalisme réel » ancré dans les luttes nationales, par ralliement à un « internationalisme du capital » ; d’autre part, la contestation que l’UE puisse être un « champ de bataille », en la qualifiant de « prison » [6] - dont il faut donc physiquement s’échapper à tout prix.
Pourtant, l’exemple grec peut illustrer l’inverse : non seulement la « construction européenne » était perméable aux luttes sociales mais on peut voir dans la violence exercée contre le programme pourtant modéré que défendait Syriza, la preuve d’une vulnérabilité sociale et politique spécifique de l’UE.
Mais ce n’est pas une logique sans contradictions et résistances. La situation de crise et d’instabilité s’accompagne de polarisations, y compris dans l’UE. L’instabilité et la difficulté de « gouverner » l’UE en témoigne. Mais en l’absence d’alternative progressiste et crédible européenne, ce sont les nationalismes xénophobes qui peuvent pousser à une désagrégation réactionnaire. Ne pas « voir » et « travailler » sur l’enjeu stratégique européen comme appui nécessaire des luttes aussi bien nationales qu’internationalistes, est non seulement faux, mais dangereux.
Le BREXIT en est une grave illustration.
Le Brexit, un acte « destituant » (envers l’UE) sans acte « constituant » d’une alternative européenne progressiste [7]
Certes, aucun « vote » n’est « pur » ou univoque. Celui-là fut forcément composite : le Brexit a dominé en Angleterre ou Pays de Galles, mais non pas en Ecosse ou en Irlande ; il était majoritaire dans les populations âgées, mais non pas chez les jeunes (par ailleurs davantage abstentionnistes que les plus vieux) ; il fut massif dans une partie des travailleurs « de souche anglaise », mais rejeté plus massivement encore par les populations « racialisées » ou « altérisées » comme « envahissantes »...Aucun raccourci sociologique, « national » et politique n’autorise à en faire un « atout » pour les luttes progressistes.
Sans doute s’agit-il également d’une gifle contre les politiques d’élargissement de l’UE et ses prétentions, mais une gifle non internationaliste et non pas un geste solidaire et progressiste : sur ce plan, il entre en résonance avec le vote de la population des Pays-Bas lors du référendum organisé le 6 avril dernier (avec 30 % de votants) où le « non » l’a emporté à plus de 60 % contre l’accord d’association proposé par l’UE à l’Ukraine. Mais dans quel sens ? Avec quels enjeux sous-jacents ?
En l’occurrence, il s’agissait pour l’UE de l’extension des traités de libre-échange (sans perspective d’adhésion), présentée à ses voisins comme « partenariats » spécifiques, visant, côté Europe de l’Est à forcer plusieurs pays limitrophes entre Russie et UE à « choisir » l’ancrage vers l’UE. Que fallait-il voter quand on était à la fois radicalement critique de l’UE et de cet accord désastreux de libre-échange, et en même temps contre toute logique de choix de la Russie poutinienne contre l’UE (ou l’inverse) ? Comment répondre aux espoirs populaires ukrainiens – notamment dans la jeunesse - de rapprochement avec l’UE ? Quoi qu’on vote, on n’offrait aucune réponse progressiste dans le faux dilemme de ce référendum qu’Alona Liasheva a fort bien analysé [8]. Rompre avec ces choix binaires impose, dit-elle de formuler autrement les questions elles-mêmes, en exprimant le point de vue des populations (de Russie, d’Ukraine et de l’UE) contre les élites de ces pays en s’appuyant sur des réseaux « d’en bas » entre ces populations.
Une vision euphorique de ces « claques » portées à l’UE risque aussi d’aveugler sur le fait qu’elles n’atténuent pas le risque de consolidation d’un noyau dur de l’UE ou de l’Eurogroupe qui imposerait de fait ses normes à différents « cercles » de membres et de non-membres de l’UE... Le Brexit est loin d’affaiblir cette menace, même si on n’en mesure pas encore tous les effets. Et il ne mettra pas du tout fin à la destruction des droits sociaux et aux emplois sans protection sociale qui s’est étendue en utilisant la pression d’une misère venant de l’Europe de l’est, mais selon une logique qui fait feu de tout bois, hors de l’UE comme dans l’UE.
Ce référendum piégé a dressé des murs entre les courants internationalistes du Lexit et ceux qui au sein du Remain ont mené campagne non pas pour soutenir l’UE mais pour la combattre avec pour horizon « une Autre Europe est Possible » (AEIP / Another Europe Is Possible), sans qu’ils puissent combattre ensemble les politiques dominantes au RU comme dans l’UE, et les forces politiques réactionnaires des deux cotés ; et sans pouvoir clarifier les flous sémantiques ni les réelles divergences qu’il faut débattre.
La CEE/UE n’est pas « l’Europe » - l’appropriation des mots, un enjeu démocratique, idéologique, et stratégique majeur
La bataille sémantique est l’un des enjeux des luttes de classes et démocratiques : il faut ôter aux dominants le privilège des « mots » et des interprétations de ce qu’ils ont construit en défendant leurs intérêts spécifiques tout en les légitimant comme « valeurs » européennes supposées nécessairement progressistes voire universelles. Désigner explicitement la CEE devenue UE par son nom, c’est la traiter comme "construction historique socio-politique, institutionnelle - dépassable ; et refuser, ce faisant, d’occulter les autres réalités géo-politiques qui ont façonné et divisé le continent. C’est vouloir mettre l’accent sur la genèse et le contexte d’un projet évolutif, désigner ses promoteurs, analyser les crises qui ont induit des transformations institutionnelles non prévues et en mettre à nu les contradictions. Mais aussi analyser, avec les peuples concernés, les illusions ou espoirs associés à ces projets, pas les mêmes ici et là, ou dans les diverses phases passées. C’est souligner le flou des débats politiques que nourrit l’appellation « Europe », apologétique ou pire, arrogante et dominatrice - comme les Etats-Unis se disaient l’Amérique.Le rejet de positions naïves ou apologétiques envers l’UE n’implique pas d’accepter, en sens inverse, des analyses occultant la diversité conflictuelle des projets « bourgeois » et leurs contradictions - dont la politique et les luttes sociales peuvent s’emparer.
Pour donner sens à « l’autre Europe », construire une Europe Debout !
Il faut rejeter toute alliance sur des bases superficielles « anti-UE » avec les courants xénophobes et racistes ; elle serait organiquement contradictoire avec toute cohérence progressiste des luttes nationales elles-mêmes. Il importe de refuser les fausses alternatives entre luttes nationales ou européennes et de distinguer la défense de droits nationaux (notamment dans une union libre) et le nationalisme xénophobe. La défense et mise en œuvre d’un contrôle des choix, par les divers peuples de l’union, sur des bases démocratiques et égalitaires ne saurait être assimilée à un souverainisme étatiste et raciste... et elles peuvent se décliner à divers niveaux territoriaux (pas seulement « national »).L’affirmation que l’UE est « irréformable » est à la fois juste et source de faux et mauvais débats.
Elle est juste au sens où les méfaits de l’UEM – c’est-à-dire des choix qui ont été faits dans la construction de l’UE – ne sont pas là « par hasard » (ou ne sont pas de simples erreurs). Mais on ne peut en déduire aucune conclusion dénigrant l’intérêt de batailles « réformistes » au sens d’objectifs concrets ou mesures partielles mis en avant au sein même de l’UE, compatibles avec diverses logiques. On n’a jamais accompli de révolutions en revendiquant « la révolution », mais à partir d’exigences concrètes et de luttes dans le « système » contre ses mécanismes et effets.
Et il n’est pas nécessaire d’avoir une conception « claire » de ce qu’est l’UE et de ce que pourrait être une « autre Europe », pour s’engager dans des luttes égalitaires et progressistes en percevant leur conflit avec les politiques et institutions dominantes, à tous les niveaux, notamment dans l’UE.
D’où l’importance de la création d’un bloc hégémonique alternatif et pluraliste européen qui œuvre à la mise en place d’un espace autonome alternatif européen – une sorte d’Europe Debout ! ébauchée de façon embryonnaire dans les réunions de Nuit Debout ! en France avec des relais territoriaux multiples et ses réseaux thématiques que des conférences et internet peuvent aider à animer. Un tel espace et mouvement socio-politique devraient, comme les réunions de Nuit Debout !, être à la fois fermés aux courants xénophobes ou qui ont pu défendre une « loi Travail » mais « ouverts » et pluralistes sur le reste, sur la base de principes et objectifs fondamentaux égalitaires et démocratiques. Des « motions de défiance » envers les politiques dominantes de l’UE s’y sont exprimées sur le plan social comme face aux réfugiés. Le caractère ouvert des débats sur « quelle autre Europe » et « comment » y tendre doit s’appuyer sur le principe qu’une nouvelle Union devrait justement émaner d’un processus constituant démocratique.
Mais il faut affronter le débat stratégique : la sortie de l’euro est-elle la précondition de luttes progressistes ?
« Sortir de l’euro » - c’est-à-dire ?
Les désaccords au sein de la gauche radicale ne portent pas sur le bilan socialement et écologiquement désastreux de l’UE, ni sur le fait qu’une politique monétaire et une monnaie uniques ont aggravé les déséquilibres entre pays membres sans protéger de la spéculation – puisque les marchés se sont emparée non pas des taux de change (qui n’existaient plus au sein de l’eurosystème) mais des déficits budgétaires et commerciaux des pays les plus fragiles, dans un système non solidaire.Les débats réels portent sur une série de choix, marqués par diverses bifurcations possibles et options, que l’on peut résumer succinctement ici.
− Le premier ensemble de débats porte logiquement sur l’enjeu d’un retour aux monnaies nationales dans l’UEM. Est-il une pré-condition pour mener des luttes progressistes sociales, démocratiques et écologiques efficaces ?
− Le second ensemble de débats porte sur la stratégie pour passer de l’UEM/UE à ...ce que l’on prône.
Il est évident que si l’on croît qu’il faut mettre tout européisme « entre parenthèse » en valorisant le caractère bénéfique du retour aux monnaies nationales, voire le fait que ce serait un préalable à toute lutte progressiste alors devrait s’imposer logiquement un slogan stratégique de sortie à tout prix et partout de l’UEM et de l’UE – avec des divergences possibles sur la question des « alliances ».
Si par contre, on estime qu’il faut aller vers une « autre Europe » dotée d’un système monétaire ad hoc, combinant une monnaie européenne et un dispositif permettant des politiques monétaires nationales, alors la nécessité d’une stratégie commune prend de la force.
Certes, le décalage des luttes entre pays, peut pousser vers une option de « sortie » unilatérale du système actuel plutôt que de rester dans l’UEM (la question reste entière pour la Grèce). Mais dans le cadre d’une stratégie collective, sortir ou « rester » sans se soumettre, sont alors des variantes d’une logique qui vise dans tout les cas à articuler luttes nationales (allant le plus loin possible dans la satisfaction du programme anti-austérité et de droits mis en avant) et l’enjeu de peser collectivement sur une crise ou un blocage de l’UE : donc cela implique la recherche de batailles communes dans le plus grand nombre de pays possibles, et de regroupements « significatifs ». Tous les débats tactiques sont évidemment légitimes, et doivent être très ancrés dans des conditions nationales de lutte, différentes d’un pays à l’autre et exprimées par les intéressé.es du pays concerné, avec toutes ses spécificités
Quoi qu’il en soit, isoler la monnaie – l’euro – du système qui l’entoure est une erreur théorique et pratique. Non pas que la monnaie soit « neutre » - elle ne l’est nulle part et condense de multiples relations sociales et de pouvoirs. Mais ce sont ces dernières qu’il faut mettre en évidence. Et il n’est pas évident dans le contexte d’instabilité et d’explosions sociales actuelles que les enjeux principaux et mobilisateurs soient monétaires. Dans un contexte de crises « sociétale », écologique et « systémique » et de très forte instabilité, l’exigence de réflexion sur d’autres « choix » de société, fondamentaux, devrait aussi infléchir des débats qui tendent trop à s’enfermer dans l’horizon marchand capitaliste.
On peut répéter aujourd’hui ce qui était vrai pour la Grèce en 2015 : le refus d’obéir à la Troïka et de payer une dette illégitime « implique de se protéger des chantages de l’eurogroupe par des mesures unilatérales comme cela fut proposé en Grèce mais non appliqué (ou trop tard et dans des conditions difficiles) : contrôle des banques et des mouvements de capitaux, préparation d’une monnaie parallèle, suspension du paiement de la dette, en tout premier lieu. Les propositions de « monnaie fiscale » limitant la dépendance envers l’euro et le marché mondial, peuvent préparer une conception alternative d’un système monétaire européen où les fonctions de l’euro seraient transformées, mais aussi être des formes provisoires de résistance » [9].
Une stratégie de rupture de gauche avec l’UE exige « une Autre Europe Possible »...
« Même si elle est déclenchée par une décision nationale souveraine, toute mise en place d’un plan B peut difficilement faire l’économie d’alliances avec une masse critique de forces d’autres pays européens partageant les mêmes objectifs » [10].Cela impliquerait un sursaut dans la gauche alternative européenne et le dépassement des choix binaires (mouvements et droits nationaux ou européens ; soumission à l’UE/UEM ou exit) et à la caractérisation comme « opposition à l’UE » de la seule option de « sortie ».
Toute opposition de gauche à l’UE dans un pays donné, pourrait être organiquement impliquée dans les réseaux de cette Europe Debout dans bien d’autres pays. Au lieu de gérer les enjeux de la dette en ordre dispersé et en tête à tête avec la BCE et l’Eurogroupe, un peuple engagé dans une lutte similaire à celle de Syriza pourrait, après un audit citoyen décider d’un moratoire sur le paiement de cette dette tout en se battant, avec Europe Debout pour une conférence européenne sur les dettes publiques, qui déciderait de règles communes. Toutes les négociations et exigences émanant des dirigeants européens seraient rendues publiques dans toute l’UE et confrontées à d’autres propositions intéressant l’ensemble des peuples de l’Union, vers un processus de rébellions démocratiques collectives exigeant un processus constituant, ou se regroupant pour des projets communs.
Une « Europe Debout » pèserait d’en bas sur les possibles alternatives, avec ses propres agendas de luttes et de débats, appuyer toutes les campagnes et rebellions progressistes contres les « règles » dominantes, en défense de droits et besoins fondamentaux. Elle pourrait « européaniser » des luttes pour l’instant éclatées, des ruptures ébauchées mais sans crédibilité et rapport de force, permettre des convergences – permettre l’appropriation par en bas et pluraliste des bilans des luttes et révolutions du Xxè siècle, sans « passéisme », mais contre la criminalisation des résistances passées et présentes.
La popularité de la libre circulation transnationale chez les jeunes, doit devenir un atout pour un mouvement étudiant altereuropéiste, spectaculairement coloré dans sa diversité mais défendant les mêmes « biens communs », en faisant « tourner » ses initiatives et « plenums » ouverts aux sociétés civiles et aux luttes, comme la Croatie en a connus. On peut de même rendre « visibles » à l’échelle européenne et mutualiser des expériences phares de re-municipalisation de l’eau, en Italie ou en France, ou encore la défense du droit d’avoir « un toit » contre les expulsions et les crédits toxiques des banques – à l’exemple de l’Etat espagnol. Contre l’enlisement syndical dans les institutions, nationales ou européennes, il faut également mutualiser et européaniser les expériences de grèves transnationales, et de luttes associant travailleurs et usagers contre des firmes multinationales...
Sur la base de projets déjà élaborés et discutés notamment dans l’Altersommet, un site Europe Debout pourrait rendre visible toutes ces initiatives et réflexions, et aider à l’actualisation d’un Manifeste en défense des biens communs et des droits européens qui pourrait être une base commune pour de futures élections contre les politiques dominantes, nationales et européennes. On devrait pouvoir s’impliquer dans une telle dynamique en ayant été membre ou pas de Syriza, membre ou pas de sa gauche, adhérant ou non ensuite à l’Unité populaire (UP), partisan ou pas du Brexit ou de la campagne « une Autre Europe est Possible » dans le cadre du « Remain » - à la condition de respecter le débat démocratique et d’exclure donc tout comportement hégémoniste ; mais aussi par l’engagement pratique en faveur de mobilisations par en bas comme condition essentielle de la construction d’une position qui résiste aux enlisements et aux échecs.
Un tel front se dresserait en opposition aux guerres « de civilisation » et à toutes les politiques de mise en concurrence des populations subalternes et de démantèlement de droits égalitaires – au plan social, de genre, de « races » - en défense des biens communs (de la nature aux biens et services gérés en communs) : la construction d’une Europe Debout serait à la fois un appui essentiel des luttes nationales et internationalistes, vers les autres continents.
Catherine Samary
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