dimanche 2 août 2015

Portugal : l'appel des organisations féministes


Jusqu’en 2007, l’avortement clandestin et à risque a constitué un grave problème de santé publique au Portugal, en étant responsable de milliers d’hospitalisations de femmes, de nombreuses morts et de graves problèmes au niveau de la santé physique et mentale. Cette situation a blessé la dignité des femmes portugaises, certaines d’entre elles ont été soumises à des jugements choquants. L’avortement illégal et à risque a été une blessure dans la vie du Portugal démocratique. Cette situation était maintenue par des groupes et des secteurs politiques qui s’opposaient à l’avortement légal et sûr et empêchaient ainsi les changements nécessaires.

Il a fallu un référendum pour que soit résolue, en grande partie, la question de l’avortement illégal et à risque.

La loi, approuvée le 8 mars 2007 et immédiatement appliquée, a permis aux femmes qui voulaient interrompre une grossesse non-désirée d’accéder à l’IVG, une fois prêtes et correctement informées et soutenues par des professionnel/les de santé. La loi a permis, protégé et promu le droit des femmes à choisir. Toujours !


Comme chacun-e le sait, le recours à l’avortement légal et sûr, contrairement à ce que certains et certaines espéraient, a été modéré et a même diminué depuis la crise, sans pour autant que le recours à la contraception ne diminue. Les données existantes révèlent que le recours à la contraception a augmenté ces dernières années. De plus, l’accès à l’avortement légal a contribué, sans aucun doute, à l’augmentation du recours à la contraception. La loi 16/2007 a incontestablement amélioré la santé reproductive au Portugal.

Pendant ces 8 années, aucun organisme du ministère de la Santé, aucun-e Ministre ou Secrétaire d’État, aucun-e responsable gouvernemental-e n’a mis en cause l’application de la loi. Par ailleurs, l’Inspection Générale de la Santé, tout comme la Direction Générale de la Santé ont suivi de très près l’application de la loi, garantissant ainsi, une fois de plus, que la volonté et le choix des femmes soient toujours respectés par les professionnel-le-s et les institutions du Service National de Santé. Les professionnel-le-s et les services engagé-es ont eu, chaque année, l’opportunité de discuter ensemble de l’application de la loi.

Pendant ces 8 années, seuls les groupes qui estiment avoir perdu le référendum de 2007, ont remis en cause la loi.

De manière inattendue et à la toute fin de la législature, l’Assemblée de la République a décidé de rouvrir cette question à travers la discussion d’une ILC – Initiative Législative de Citoyen/nes pour le Droit à Naître – promue par les groupes qui se sont opposés à l’avortement légal et sûr, avant et après le référendum de 2007, ainsi qu’à la législation qui en a découlé. La Commission Questions Constitutionnelles, Droits, Libertés et Garanties a entendu, lors de sessions séparées, les promoteurs/trices de cette initiative d’une part et un ensemble d’organisations de la société civile, de représentant/es de la direction du Centre Hospitalier de Lisbonne Centre (CHLC) et un représentant de la Commission Nationale de l’Éthique pour les Sciences de la Vie (CNECV) d’autre part. La Direction Générale de la Santé, l’entité qui suit depuis toujours la mise en œuvre de la loi, n’a pas été entendue.

Les député-e-s du PSD et du CDS-PP, dans leur majorité, ont présenté un ensemble de propositions. Aucune des considérations, avis ou données présentées par les organisations de la société civile, le CHLC et le CNECV n’a été prise en compte. En revanche, diverses propositions de l’ILC «Pour le Droit à Naître» font partie intégrante des propositions désormais approuvées. D’ailleurs, voyant leurs propositions intégrées dans les propositions elles-mêmes du PSD et du CDS-PP, les promoteurs/trices de l’ILC ont même décidé de retirer leur projet de loi par crainte de l’échec inévitable qui l’attendait.

Les propositions présentées se basent uniquement sur les considérations d’ordre moral des groupes qui s’opposent à l’avortement légal et sûr.

Dans ce contexte :

1.    Les organisations signataires affirment, en premier lieu, que l’approbation des modifications de la loi sur l’IVG, l’initiative et le vote des député-e-s du PSD et du CDS-PP n’ont pas de légitimité politique, même si la majorité a imposé sa volonté. De fait, à aucun moment, que ce soit dans le débat qui a précédé la discussion des projets de loi, que ce soit pendant le processus des auditions, les promoteurs/trices de ces propositions ne les ont ni présentées ni défendues publiquement. La transparence politique qui doit être la règle dans un débat démocratique de cette nature et doit façonner des propositions de changement aussi significatives que celles qui ont été approuvées aujourd’hui, a été totalement absente. Nous sommes face à un authentique coup d’État législatif.

2.    Les propositions approuvées qui introduisent un accompagnement obligatoire par des psychologues et des assistant-e-s sociales/aux, sont un affront à l’autonomie des femmes et à leur droit à un choix éclairé. Dans aucune autre procédure médicale, il n’existe d’accompagnement obligatoire, même si la femme décide, par exemple, de faire une ligature des trompes, ce qui est une méthode contraceptive irréversible.
Nous insistons: pendant ces 8 années, les femmes ont toujours eu l’opportunité de parler à des professionnel-le-s de santé, notamment des psychologues et des assistant-e-s sociales/aux, car, dès le début, la loi 16/2007 le prévoyait. Il revenait à la femme de demander librement ces soutiens, si elle les voulait. Désormais, les femmes seront contraintes de s’y soumettre, qu’elles le veuillent ou non, qu’elles en aient ou non besoin.
De plus, la procédure de l’IVG prévoyant un délai légal très limité (10 semaines), les nouvelles propositions vont provoquer des retards, aussi inutiles que dangereux, dans le processus de l’IVG. En effet, ils peuvent facilement mettre les femmes hors délais légaux prévus. C’est pourquoi les propositions approuvées quant au processus de l’IVG peuvent inciter à recourir à l’avortement illégal et à risque, hors délais et sans encadrement professionnel.

3.    Quant à la question des objecteurs/trices de conscience, les propositions approuvées n’ont aucun fondement légaux. Avoir des opinions est une chose. Être un-e professionnel-l-e ou un/e citoyen-ne objecteur/trice de conscience, quel que soit l’objet de l’objection, en est une autre, tout à fait différente.

Les opinions personnelles relèvent de l’intime et du privé. C’est pourquoi elles n’ont pas à être déclarées et consignées. Le statut d’objecteur/trice de conscience est, au contraire, public et implique un enregistrement pour que les institutions sachent sur quel-le-s professionnel-le-s elles peuvent compter pour un acte médical déterminé.

Les objecteurs/trices de conscience quant à l’IVG ne peuvent et ne doivent participer à des processus sur lesquels ils ont une objection catégorique. C’est même un droit qui leur revient. En revanche, quand elles/ils se déclarent indisponibles pour aider une femme au sujet d’un acte pour lequel elles/ils sont objecteurs/trices de conscience, les règles veulent que les professionnel-le-s orientent la femme vers un-e autre collègue ou service qui ne soit pas objecteur de conscience.

Les propositions approuvées qui permettent aux objecteurs/trices de conscience de ne pas révéler leurs positions (parce qu’elles ne sont ni déclarées ni enregistrées), outre qu’elles vont à l’encontre des règles existant à ce sujet, aux niveaux national et international, conduiront à ce que des femmes qui cherchent de l’aide dans les services de santé, se retrouvent face à des professionnel/les qui, par principe, seront contre leur choix et pourront tenter de les influencer par leurs propres opinions personnelles.

Cela contredit les bonnes pratiques d’accompagnement et de l’information qui doivent être libres et faire émerger des choix personnels, sur des sujets délicats et intimes. 

4.    Enfin, les propositions approuvées introduisent des taxes modératrices et placent ainsi l’IVG, de manière inadmissible, en dehors de la gratuité prévue pour tous les soins de santé maternelle. Les taxes modératrices seront un autre facteur d’incitation à l’avortement illégal et à risque.

Dans ce contexte, les organisations signataires s’engagent, dès à présent, à fournir tous les efforts possibles, au niveau légal et politique, pour empêcher que ces modifications de la loi 16/2007 ne soient mises en œuvre.
Les organisations signataires s’engagent aussi à fournir tous les efforts possibles pour que, dès le début de la prochaine législature, les obstacles et les irrégularités votées soient urgemment retirés de la loi. Ainsi, sera défendu le respect de la volonté populaire exprimée en février 2007.

Lisbonne, 22 juillet 2015

Associação ComuniDária
Associação de Mulheres Contra a Violência (AMCV)
Associação Mulher Século XXI
Associação para o Planeamento da Família
Associação Portuguesa de Estudos sobre as Mulheres (APEM)
Associação SERES
CooLabora, CRL – Consultoria e Intervenção Social
Comissão de mulheres da UGT
EOS – Associação de Estudos, Cooperação e Desenvolvimento
GRAM – Sindicato dos Bancários do Sul e Ilhas
In Loco
Mén Non Associação da Mulher de S.Tomé e Príncipe em Portugal
P&D Factor
Plataforma Portuguesa para os Direitos das Mulheres (PpDM)
Rede 8 de Março
Rede Portuguesa de Jovens para a Igualdade de Oportunidades entre Mulheres e Homens (REDE)
SEIES – Sociedade de Estudos e Intervenção em Engenharia Social Crl
TAIPA, CRL
UMAR – União de Mulheres Alternativa e Resposta

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