En défense de l'OXI grec pour une Europe des droits sociaux et
démocratiques
Contre la consolidation néo-coloniale de l'eurogroupe
Quelles leçons tirer,
dans les pays membres de l'Union Européenne(UE) et au-delà, de ce qu'il faut
bien appeler et dénoncer comme une
“occupation financière de la Grèce” [i]
? Comme l'affirme avec force Stathis Kouvélakis, l'OXI, ce magnifique “non” du
référendum grec, “n'est pas vaincu”. Mais la stratégie de la direction de
Syriza – ne pas se confronter à l'UE en espérant un compromis “positif” pour
tout le monde – est un échec. Ce n'est rien face au découragement que produirait une “mutation
mémorandaire” de Syriza
– encore non fatale et enjeu des semaines et mois à venir. Sur ce plan, la
vraie question n'est pas le Grexit ou
pas, mais le pouvoir (avec ou sans l'euro), avec qui, pour quoi
faire ?
Les réflexions qui
suivent s'inscrivent dans la logique des positions synthétiquement exprimées par le titre-même
de l'ouvrage collectif Attac/Copernic :“Que Faire de
l'Europe : désobéïr pour reconstuire”[ii] :
elles considérent qu'une lutte dans/contre l'UE est possible et nécessaire en
assumant la nécessité d'en passer par des ruptures et crises. La crise grecque
change-t-elle ce jugement ? Comment préparer les ruptures ?
Les évènements en cours en Grèce imposent un
recul et élargissement du débat – en même temps que des urgences
solidaires. Il faut désigner et dénoncer
les mécanismes néo-coloniaux à l'oeuvre, mais ne pas les entériner comme
fatals, encore moins s'aligner sur les
projets menaçants d'une consolidation du “noyau historique” de la CEE
s'attribuant les pleins pouvoirs contre toutes ses périphéries dépossédées de
droits. Mais où sont les périphéries dans le capitalisme mondialisé et son
vieux c?ur européen en crise ? .
Au-delà de la direction de Syriza qui avait manifestement
une vision optimiste de l'issue des
négociations avec les instances dirigeantes de l'UE, de récentes contributions émanant de Die Linke confirment
qu'au sein de la Gauche européenne existait une
perception “positive” de l'Union, impliquant une fermeture envers les positions de la
gauche de Syriza. La contribution d'Alexis Cukier (“réflexion après la défaite” récemment
produite sur l'ensemble de cette phase) revient notamment sur ces perceptions
et leur évolution.
Mais une approche
critique de l'UE, réaliste quant aux confrontations inévitables, existait
aussi. Et l'hostilité aux politiques dites d'austérité était la base d'une
recomposition en cours. La logique de rupture avec les instances dirigeantes de
l'UE recouvrait/recouvre aussi une diversité de positionnements au sein de la
gauche radicale, en Grèce et ailleurs, qu'il est essentiel de ne pas
simplifier. L'accord sur le slogan de Syriza “pas un sacrifice pour l'euro”
impliquait de préparer un possible
Grexit. Mais pour une partie des courants radicaux, toute négociations était
déjà une trahison, ou au mieux étaient illusoires voire contre-praductives :
le renoncement aux batailles au sein de l'UE “pour une autre Europe” au profit
d'une ligne générale d''exit se transforme alors en orientation générale.
La majeure partie des critiques de gauche des choix du
gouvernement Syriza présente comme “confusion” et quasi oxymoron ce qui a
fait la victoire de Syriza :
l'engagement à lutter dans l'UE contre les politiques d'austérité. C'est accepter l'idée que l'application de
cette double ligne par la direction de Syriza, sans préparer l'affrontement, était la seule possible – alors que le débat
interne à Syriza n'est pas terminé sur ce plan. Mais c'est aussi généralement
considérer que les seuls choix “clairs” étaient/seraient soit de rester dans l'euro en se soumettant à
l'eurogroupe, soit le Grexit (et une ligne générale d'exit). Etant donné le
caractère politiquement dramatique de la première option, on voit mal comment
ne pas choisir la seconde. Mais ce choix binaire est problématique et
dangereux. Il tend à consolider une
“ligne” dont la cohérence devrait être
de proposer à la gauche anti-austérité dans toute l'Europe de se battre pour
quitter l'UE – et l'UEM, sans mener de batailles au sein de l'UE, en affirmant
qu'elles sont impossibles.
Pour Frédéric Lordon, “l’avenir de la gauche se joue entre ces
quatre propositions”:
1. L’euro interdit
radicalement toute politique progressiste possible.
2. S’il en était
encore besoin, le traitement criminel infligé à la Grèce en six mois de
brutalisation (rebaptisée « négociation ») prouve que l’entreprise de
« transformer l’euro », ou l’hypothèse d’un « autre euro
possible », sont des chimères qui, par désillusions successives, ne mènent
qu’à l’impasse et à la désespérance politiques.
3. Abandonner aux
extrêmes droites (qui au demeurant n’en feront rien [1]…)
toute perspective politique d’en finir avec l’euro et ses institutions est une
faute politique qui condamne les gauches européennes à l’impuissance indéfinie.
4. Sauf à continuer
de soupirer après ce qui n’arrivera pas — un « autre euro » et
l’« Europe sociale » qui va avec — le réarmement des gauches
européennes passe donc impérativement par l’imagination de l’après-euro.
Le débat retranscrit
dans Regards entre Etienne
Balibar et Cédric Durand ébauche lui aussi un choix où
s'opposeraient le piège des replis nationalistes et celui de la soumission à
l'UE. La théorisation pessimiste de
Cédric Durand était clairement exprimée dans l'ouvrage qu'il a coordonné et
introduit “En finir avec l'Europe” - où il prônait de “mettre entre parenthèse l'Europe”. Comme je
le contestais dans un article critique -
“En finir avec l'UE,
pas avec l'Europe" “, que je complèterai par ailleurs,- il
omettait, dans sa présentation des débats, les positions existantes de lutte
dans/contre l'UE assumant l'idée d'une mise en crise nécessaire de cette Union
(comme celle exprimées par Michel Husson ou Pierre Khalfa). Or, une telle
orientation était exprimée clairement dans
le livre collectif Attac/Copernic, cité plus haut par exemple : "Il serait illusoire de penser qu’on
peut sortir de la crise financière, économique et sociale que subissent les peuples européens sans
en passer par une crise politique européenne. Une fois cette crise ouverte, le
gouvernement de gauche en question prend alors un certain nombre de mesures
unilatérales en expliquant qu’elles ont vocation à être étendues à l’échelle
européenne. Il s’agit de mesures unilatérales coopératives, en ce sens qu’elles
ne sont dirigées contre aucun pays, contrairement aux dévaluations
compétitives, mais contre les intérêts économiques et politiques des
oligarchies, et que, plus nombreux sont les pays qui les adoptent, plus leur
efficacité grandit. C’est donc au nom d’une autre conception de l’Europe qu’un
gouvernement de transformation devra mettre en oeuvre des mesures qui rompant
avec les règles actuelles de l’Union. La désobéissance aux traités ouvre une
confrontation avec les institutions européennes au nom de l’intérêt de tous les
peuples européens. “
Or la voie d'une résistance à l'UE (ou d'une “logique
transitoire” de lutte contre/dans l'Union européenne) a été ébauchée pour la
première fois en Europe par Syriza. C'était un tournant majeur qui semblait prendre corps lors du référendum –
Lordon le reconnaît du bout des lèvres,
dans l'article cité, pour passer rapidement sur ce fait : à quoi sert de
débattre comment une telle démarche
aurait pu être poussée, puisqu'il veut marteler qu'il s'agit d'une
« illusion », et en revenir aux choix binaires définis plus
haut ?
Cette approche binaire se consolide avec le cours actuel de
Tsipras, en identifiant toute
orientation de lutte “pour une autre Europe” à un “européisme” naïf ayant une
approche “positive” de l'EU et croyant en sa
réformabilité. La bonne santé et efficacité du débat implique d'intégrer
pleinement toutes les positions en présence.
La position défendue ici – lutte dans/contre l'UE – est dans
la logique du “pas un sacrifice pour l'euro” que défendait Syriza. Elle se distingue donc radicalement de toute
soumlission aux diktats des autorités européennes (ce qui implique un jugement
sur les compromis acceptables ou pas, les “lignes rouges” à ne pas franchir)-
et donc la question du pouvoir (mieux vaut démissionner que de faire la
politique de la droite avec elle). Ce point de vue partage avec les partisans de l'exit comme ligne la critique de toute illusion sur la possibilité de réformer
l'UE sans passer par la remise en cause frontale de ses institutions et Traités. Il ne faut donc pas avoir peur de cette confrontationn
(comme le formule la résolution de la LCR belge “l'épreuve de force en Grèce : l'urgence du débat
stratégique à gauche” dont je partage l'esprit général en
revenant plus loin sur certaines hypothèses), mais la préparer dans les
meilleures conditions possibles.
Un tel objectif
imposait de combiner (et non pas d'opposer ou d'ignorer) certaines propositions
débattues ou mises partiellement en pratique pour consolider le rapport de
force derrière les négociations :
l'optique défendue ici, le grexit devait être envisagé comme l'avait exprimé Michel Husson, “en
dernier ressort” et en mettant d'abord l'accent sur la dénonciation de la “dette illégitime, illégale et
odieuse” tout en appliquant le slogan de Syriza “pas un sacrifice
pour l'euro”en se protégeant des chantages de l'eurogroupe par des mesures unilatérales comme cela fut
proposé par Eric Toussaint
ou préparé en partie par le ministre Varoufakis (contrôle des mouvemebts de
capitaux, nationalisation des banques et notamment reprise de contrôle de la
banque centrale, préparation d'une monnaie parallèle, suspension du paiement de
la dette). Et l'on peut imaginer que la “monnaie fiscale” également défendue
par Thomas Coutrot aurait pu aussi intégrer des
réseaux solidaires tournés vers l'agriculture et les services (santé,
éducation...) : dans ces domaines, des formes d'auto-organisation et de
solidarité existantes pouvaient être davantage insérées dans une stratégie
nationale de résistance sur plusieurs
fronts : à la fois contre les pressions externes de l'eurogroupe et du
marché mondial, contre l'oligarchie intérieure et ses forces armées, et contre
les politiques de « solidarité pour les « bons Grecs » prônées
par Aube Dorée.
Il est facile de critiquer de loin, et il ne s'agit pas ici
de prétendre avoir des solutions toutes faites, mais au contraire, d'être à
l'écoute de celles qui se sont inventées en Grèce même. Au-delà du rejet
indispensable d'inaccptables mémorandums et chantages néo-coloniaux, le débat
est légitime et nécessaire à gauche, comme y invitent Etienne Balibar, Sandro
Mezzadra, Frieder Otto Wolf dans leur texte, “Le Diktat de Bruxelles et le dilemme de Syriza”
. Dans une situation globalement
difficile, il n'est pas responsable de prétendre détenir une “bonne” option qui
devrait s'imposer avec évidence – comme
le souligne Michel Husson dans un débat organisé par Médiapart, (zone euro ou
grexit) lorsqu'il conteste les hypothèses “roses” de l'exit prôné par Cédric
Durand. L'évaluation “économétrique” de ce qu'il adviendrait en cas d'exit est
impossible - comme l'a fort bien
souligné un des plus populaires et
brillants défenseurs du GREXIT dans la gauche de Syriza, Costas Lapavistats,
les “modélisations” supposent des
hypothèses stables alors que le contexte sera par essence instable. Sauf qu'il
utilisait cet argument contre ceux qui prédisaient le pire chaos. Il vaut aussi
pour les autres.
Il faut maintenir ouverts des débats que certains ferment
trop vite : d'une part, le scénario grec
n'a pas épuisé tous les possibles. Il ne permet pas non plus de faire le test
des certitudes affirmées par les partisans de l'exit – et la peur de
l'incertain a certainement pesé. Mais il faut assumer clairement le fait qu'aucune politique alternative
progressiste ne pourra se stabiliser et s'étendre en Europe sans remise en cause
frontale de l'UE. Le comment des ruptures est loin d'être simple quand les
rapports de forces sont mauvais. Mais, comme l'ont affirmé notamment Michel Husson
ou Pierre Khalfa
dans de multiples articles, si l'exit de
l'euro n'est pas l'axe convaincant des luttes ni une solution générale, l'exclure est une erreur qui ne permettait
pas en Grèce de tenir tête... aux
risques d'un Grexit imposé par les créanciers, ou à un nouveau diktat financier
et monétaire.
Mais au-delà du débat
conjoncturel et contextualisé, l'exit est-il un axe général et prioritaire des
luttes progressistes dans/contre l'UE ? Est-il même un choix évident pour “tous
les pays périphériques” comme l'avance la résolution de la LCR belge évoquée
plus haut ? Le caractère non évident de la réponse se révèle dès que l'on pose
la question : où s'arrêtent les
périphéries ? Déjà, l'Etat espagnol est bien moins
« périphérique » que la Grèce. Quid de l'Italie ? Quid desd
périphéries de l'est... et au c?ur
du « centre » ?
S'il ne faut pas davantage exclure un exit national que des
stratégies communes à des regroupements régionaux, il faut s'accrocher aux
« analyses concrètes des situations concrètes », et prendre un peu de
recul pour choisir surtout “son terrain”
de luttes.
Au-delà des débats polémiques qu'il faut éviter, il
faut évidemment s'interroger sur la
faiblesse des mobilisations aux côtés du peuple grec. Certaines analyses (comme
celles de Frédéric Lordon ou Cédric Durand) en font l' illustration d'une impossibilité générale confirmant
à leur yeux (“si cela était nécessaire”) l'impasse des orientations “pour une
Europe sociale” luttant dans l'UE. A la racine du problème il y aurait non pas
(seulement) des rapports de forces politiques défavorables – si tel est
seulement le cas, pourquoi faudrait-il renoncer ? Un argument supposé non conjoncturel,
plus “organique” est en fait mobilisé
: “l'absence de peuple européen”
ou “d'espace politique européen”.
On peut en tout état de cause vouloir tenter seul de s'extraire
de ce carcan. Mais il est illusoire, dans le contexte de l'imbrication
étroite des investissements directs étrangers et de l'ensemble des relations
économiques, financières et commerciales européennes de penser échapper au
pouvoir qui s'est consolidé sans l'attaquer au niveau où il existe.
Il faut s'emparer de l'expérience grecque et de l'impact
psychologique de cette crise au sein des gauches européennes, à la fois de
façon solidaire et pour préparer d'autres “Oxi” - nationaux/européens.
C'est sur ce point qu'il faut creuser le débat.
Ebauches d' axes de réflexions/actions – de la crise grecque... à la
crise ukrainienne
Les réponses à ce sujet s'inscrivent dans les résistances à
la guerre sociale planétaire qui caractérise le capitalisme mondialisé depuis
le tournant des années 1980. Mais
l'unification allemande et le démantèlement de l'URSS ont radicalisé les
offensives néo-libérales donnant au “nouveau vieux monde” européen (pour reprendre
les termes de Perry Anderson) une violence sociale et des formes
institutionnelles particulières, depuis 1989.
Mais un nouvel infléchissement
majeur est en cours depuis 2009 : l'UE aurait pu éclater depuis des années. Le
choix européen s'est au contraire affirmé dans les pays et sphères dominantes –
avec l'exploitation de la dite “crise des dettes souveraines” pour tenter de
constitutionnaliser plus que jamais de pseudo
“règles d'or” excluant du débat politique et démocratique – y compris
dans les limites des parlements nationaux – les choix de politique économique :
même le programme d'urgence de Thessalonique et l'ébauche d'expression
populaire d'un choix démocratique exprimé par le OXI étaient radicalement
contradictoire avec cette logique.
Ce qui est à l'oeuvre sans être stabilisé et légalisé, c'est
la consolidation d'un “noyau dur” européen de l'eurogroupe, qui impose ses
normes à tous les autres – membres, candidats officiels ou “partenaires” de
l'UE – comme l'Ukraine.
Ce n'est donc pas
parce qu'elle serait “progressiste” qu'il importe de lutter dans/contre l'UE –
mais parce qu'elle est à la fois redoutable et attractive pour diverses
raisons - et non sans points faibles : l'hypothèse qu'il serait encore pire d'être
totalement “périphérisé” sans pouvoir se battre avec d'autres pour des droits
de membres de l'Union, demeurera
crédible. L'insoumission à un comportement néo-colonial restera fort. Le principal point faible de
cette construction est sa dimension « politique » au sens le
plus large – pas seulement le besoin de se légitimer et d'en passer par des
élections... mais aussi de légitimer ses élargissements « civilisateurs »
et supposés apporter cohésion sociale et paix.
D'où les axes stratégiques – et de luttes spécifiques - sur
lesquels réflechir/agir.
1° Un axe stratégique
unifiant – la nécessaire émergence d'un “bloc hégémonique” politico-social
« pour une autre Europe » ; il doit se construire
dans/hors/contre/l'UE et ses politiques, en défense des droits nationaux et sociaux à échelle européenne,
avec ou sans euro, contre toutes les xénophobies et contre ses guerers
« civilisatrices », internes et externes.
C'est la recomposition
du continent qui est l'enjeu, avec ses dimensions géo-politiques
internationales (que je ne peux traiter ici[iii]).
En vérité, l'espace de lutte et de construction d'un “espace
politique européen” doit se concevoir dans/hors/contre cette UE pour une autre
Europe ; et sa construction ne devrait souffrir d'aucun 'étapisme, ou renvoi à
des lendemains chantants (avec en attendant les replis nationaux, et de simple
coordinations “classiques”. La problématique alternative européenne ne doit pas
se limiter aux frontières de l'UE, encore moins aux seuls pays de l'UEM – de fait, les Forums européens et
contre-sommets ne se sont pas réuidts aux pays membres. Cela n'empêche pas des
regroupements régionaux ou thématiques, des batailles et tactiques spécifiques
qui peuvent y être élaborées et articulées (pensées) ensemble.
Cette démarche doit urgemment se construire au plan
syndical, associatif, politique sans préjuger du scénario global de remise en
cause et crise de l'UE, ni des scénarii particuliers de chaque pays (adhésion
ou pas à l'UE, et adoption ou pas de l'euro) qui deoivent relèver pragmatiquement de conditions concrètes
et de choix tactiques, tout en gardant les mêmes axes stratégiques critiques.
Ce qui doit unifier ces contre-pouvoirs et forger un “bloc
hégémonique” alternatif, c'est la critique radicale des politiques dominantes
qu'elles soient menées avec la livre-sterling britanique (dans ou hors
l'UE), le forint hongrois ou l'euro. Une
telle orientation n'oppose pas l'ancrage national des résistances et la
recherche systématique, même limitée, d'en faire un outil de contestation de
l'UE telle qu'elle est. Une telle orientation ne fait pas du choix “pour ou
contre l”euro” (ou l'UE) un choix stratégique :
il est alors possible de concevoir des désaccords au sein de la gauche
anti-systémique, mais sans que cela empêche a recherche de terrains communs de
lutte, y compris la possibilité d'une campagne commune lors d'un
référendum : ne peut-on le souhaiter en GB où des partisants du “oui” ou
du “non” se situant dans la gauche radicale, auront chacun.e à la fois
d'excellents arguments pour leur choix, et cotoieront tou.te;s d'épouvantables adversaires de droite...
partageant leur option. Pourquoi ne pas
faire campagne sur la critique
commune de l'UE et de tous les nationalistes xénophobes, en défense de droits
fondamentaux pour toue l'Europe, et en laissant leurs électeurs choisir entre
les options tactiques dont les pour et
les contre seraient honnêtement présentés. (On peut rêver?).
Peut-on avancer l'idée (naïve ?) que nous sommes confrontés
à plusieurs dangers mortels : la “Pasokisation” évoquée de toutes les gauches
européistes, ou un “Grexit” élargi
imposé par les créanciers et l'eurogroupe - et facilité par l'apparence d'un
choix volontaire. Quant à la montée du racisme et de la xénophobie (notamment
les thèses de « l'eurabie » ou de “l'invasion” de l'Europe par
l'islam) elle est présente à divers
degrés dans tous les scénarios : l'européisme de Valls ou de Sarkozy
n'est guerre moins xénophobe que celui de le Pen ; et le repli nationaliste
(qu'il ne faut pas confondre avec la défense de droits nationaux) est aussi
dramatique qu'une construction européenne sur le dos des peuples. Les succès de
Marine le Pen sont moins dus aux discours anti-européen qu'à la xénophobie – et
tout particulièrement la dénonciation de l'invasion de la France par l'islam
qui menacerait la laïcité, les femmes,
les juifs et les homosexuels (ce qui a permis de reconfigurer le « logiciel »
le péniste sur le terrain de la gauche). Mais il ne faut certainement pas
laisser à l'extrême-droite la question nationale (l'autodétermination et la
souveraineté populaires démocratiques) et la lutte contre les pratiques
néo-colonialistes internes à l'UE.
Qu'il s'agisse des luttes anti-racistes et contre toutes les
oppressions, ou de la défense des droits nationaux, leur cohérence serait bien
plus large et efficace (contre toues les instrumentalisations hypocrites à
géométrie variable) à l'échelle européenne, dans/contre l'UE, que de façon isolée. Elles pourraient y prendre un sens général et principiel (droits
défendus partout, pour tous les peuples)
et en même temps concret : quelle Union, avec quelle égalité de statut et
de droits réels ?
Je voudrais à ce sujet, et en hommage à notre regretté camarade et ami François
Vercammen, citer un de ses derniers
textes écrits en 1999, avant une longue maladie, « Face aux institutions
de l'Union européenne »[iv]. Après avoir dans le
détail analysé le contenu précis des instituytions européennes non
démocratiques et anti-sociales, et dénoncé les propagandes
« européistes » qui valorisent l'UE comme « progressiste »,
il envisage des scénarions divers de mise en crise de l'UE. Les moins probabls
étant les plus coordonnés à l'échelle de plusieurs pays, il s'arrêpte sur un
scénario plus réaliste – d'une montée sociale et politique dans un pays
membre...
« Face aux institutions de
l'Union européenne »il « faut avoir su se préparer politiquement et
pragrammatiquement » à une « montée offensive dans un pays membre de
l'UE », pour « répondre à deux niveaux » : sur le plan
national, une politique alternative doit prendre corps, renversant radicalement
et visablement « devant toute l'Europe » les priorités en faveur du
monde du travail, des femmes, des jeunes pour prendre tout de suite une série
de mesures sociales favorables et des mesures d'accompagnement afin de protéger
cette expériencde politique. Pour l'essentiel, elle devrait répondre aux doutes
sur la possiblité d'organiser une telle rupture nationale en économie ouverte
et européanisée, devant l'hostilité de l'UE. Avec en tête deux objectifs :
1-trouver un appui au sein du pays, parler à l'Europe, ses populations, des
mouvements populaires. 2- Sur le plan de l'UE, un tel gouvernement « en
rupture de l'UE » ne devrait ni quitter l'UE, ni dénoncer ses traités. Le
but étant d'amplifier la crise de l'UE en utilisant au maximum le temps et
l'espace que permettent les règles institutionnelles des traités pour susciter
appuis et mobilisations en Europe, afin d'enclencher une pression-débordement
sur les autres gouvernements de l'UE ». Dès lors, « l'exigence de
renégocier le traité » prendrait une force réelle dans une situation de
crise, et ce, à une double condition : 1- lui donnert un contenu concret
précis qui, en fait, démantèle les traités ; 2- y coupler une proposition
démocratique qui arrache le processus décisionnel des mains des gouvernements
pour le transférer aux peuples ».
Il poursuit en analysant les enjeux qui se poseraient alors
(quelles propositions?) et souligne que la crise de l'UE peut aussi survenir
« de la bourgeoisie ». « Dans l'un et l'autre cas -crise à
partir de la gauche ou crise à partir de la droite», ajoute-t-il,
« la question de la démocratie comme moyen de décision effective
se poserait, et d'emblée au niveau européen. (…) C'est dans une telle
perspective qu'apparaît utile un mot d'ordre de propagande générale, à savoir
la convocation d'un Congrès démocratique des peuples d'Europe. Ce serait une
assemblée élue dans chacun des pays qui veut en être partie prenante. Son
objectif serait de débattre et de définir ou ou pluisuers projets de
Constitution... »
Si tel est l'horizon stratégique, n'importe quel peuple –
membre ou pas de l'actuelle UE ou UEM pourrait en être partie
prenante ; dans le cadre de cette
démarche démocratique et sociale partant des aspirations populaires et exigeant
la mise à plat des Traités de l'UE, la mobilisation des populations concernées,
dans chacun des pays est évidemment décisive, contre toutes les exclusions
sexistes, racistes, homophobes. Aucun scénario
ne doit être exclu, regroupements régionaux ou conférences thématiques
des peuples (en défense de Biens communs – santé, éducation, eau.)...
Mais quel que soit le scénario déclencheur, et notamment l'éclatement d'une crise à
partir d'un seul pays, les mesures unilatérales prises devraient toujours être
tournées « vers l'Europe » - les discours d'Alexis Tsipras sur la
démocratie européenne, ou l'affirmation que le référendum contre les plans
d'austérité avait une portée pour tous les peuples européens – ont été de très
belles illustrations de ces exigences.
Mais c'est des peuples, en Grèce
et en Europe, pas des autorités et dominants de l'UE qu'il fallait attendre un
soutien à de tels objectifs.
Je voudrais ici conclure ces remarques générales en rejetant
tout modèle d'Etat-nation européen,
unitariste et centraliste, faisant fi de la diversité historique de ses
peuples et des droits d'autodétermination de chaque peuple.
Autrement dit le fait que n'existe pas « un peuple
européen » n'est aucunement un argument contre une démarche stratégique européenne (au plan politique et
institutionnel, pas seulement comme juxtaposition de luttes sociales). Il faut
donc réfléchir à des projets qui combinent différents niveaux de décisions, de
financement, et de contrôle démocratique des choix établis par les peuples
souverains – selon un principe de « subsidiarité » à réexaminer en
recherchant le niveau adéquat pour une gestion efficace selon le problème posé,
mais aussi selon le contexte politico social. Je ne developperai pas ici
quelques pistes déjà proposées par ailleurs[v]. Les camarades du Bloc de gauche portugais ont
rappelé que la Gauche européenne (dans laquelle ils se sont insérés) avait ces
dernières années fait une série de propositions (pour changer les institutions
de l'UE). Le texte évoqué plus haut de François Vercammen est en partie une critique des démarches de
« démocratisation » de l'UE sans crise. Mais cela ne veut pas dire
que les propositions élaborées sont sans intérêt. Elles peuvent aider à
concrétiser les débats, sans avoir l'illusion que les autorités de l'UE telle
qu'elle est, pourraient par la vertu de « négociations » à froid
modifier les institutions de l'Union..
Dans « l'espace public européen » qu'il est urgent
de construire, toutes ces propositions peuvent être débattues. Mais la première
des urgences est concrète – et doit être dirigée « autour » du peuple
grec, en solidarité concrète avec ses combats, contre une construction européenne
néo-coloniale.
2°) Décliner ces
enjeux stratégiques autour d'axes spécifiques opposant des logiques solidaires
et les moyens de conquérir et protéger les droits.
a) la contestation du caractère
illégitime, illégal, odieux … des dettes européennes et des transformations
institutionnelles qui les exploitent : contre les mémorandum mais aussi tout
exit imposé par les créanciers.
.
Le panorama des transformations récentes qu'a subies l'UE
est largement inconnu des populations – voire des militants. L'acquis en France
de ce qu'avait été le vaste mouvement d'éducation populaire tourné vers
l'action de contestation des Traités européens en 2005 doit être repris,
actualisé et étendu. La facilité de la dénonciation de la seule Allemagne est
toute aussi erronnée que l'ignorance du rôle clé qu'a joué le “couple” des
dirigeants franco-allemands dans les
grandes étapes de la construction européenne, et l'infléchissement majeur qu'a
représenté l'unification allemande dans la transformation récente de l'UE. On peut soucrire largement à l'analyse que
Fabien Escalona brosse dans Médiapart dans son tour d'horizon sur “La gauche alternative au défi du 'diktat' européen”:
“Au sein de l’UEM, l’Allemagne bénéficie d’une « emprise hégémonique », qu’elle tient de son poids économique, de ses positions
institutionnelles et de sa capacité à se lier aux différentes sensibilités de
l’Eurogroupe. Son intransigeance parle aux États de l’Europe nordique ou
orientale, qui partagent son modèle économique ou sont intégrés à sa machine
exportatrice. Ses positions dures ne sont pas désavouées par les gouvernements
ayant appliqué une austérité contestée en interne. Et elles sont accommodées
par d’autres pays, dont la France, pour qui la préservation du périmètre
européen est un impératif géopolitique
autant qu’idéologique. Angela Merkel parlait à ces pays autant
qu’à son Bundestag en y
déclarant que l’euro « symbolise [la]
communauté de destin » de l’UE”.
La crise grecque permet de révéler ce qui lui préexistait :
la substance des nouvelles institutions et mécanismes intégrés aux Traités et
Pactes depuis 2009. je partage les
analyses de Cédrid Durand et Razmig Keucheyan sur le “césarisme européen” qui émerge de la crise. Mais il faut le
préciser. Les institutions ont été transformées et de nouveaux mécanismes
introduits pour contourner certains interdits et fragilités du système (face à
la spéculation marchande) sans remettre en cause ni la libre circulation des
capitaux ni l'autonomie de la BCE, ni surtout convoquer une assemblée
constituante : celle-ci serait
théoriquement (en vertu des Traités) nécessaire pour toute transformation des
règles et statuts des institutions et des Etats.
La réalisation d'une grande “Europe compétitive” est l'objectif. Mais l'absence de procédures
solidaires dans les Traités s'est
trouvée confrontée à la crise spéculative. Après le recours au FMI, des
mécanismes ad hoc sont introduits pour que des « aides » - sollicitée
par un Etat en crise - puissent être
drastiquement conditionnées à des règles
proches des sinistres « politiques d'ajustement structurels »
imposées ailleurs par le FMI. L'article
de Fabien Escalona évoqué plus haut (“La gauche alternative au défi du 'diktat' européen”)
fait le point sur ces diverses mesures
législatives, répressives - Le Six Pack, le Two Pack, le pacte budgétaire inclus dans le
Traité sur la stabilité, la gouvernance et la coopération (TSCG)
dont l'esprit est “de modifier l'autonomie budgétaire des parlements”. Le
“fédéralisme” européens qui se consolide et dont certains se sont réjouis comme
des “avancées” vers “plus d'Europe” devrait être constesté comme “illégal”,
illégitime” et “odieux” - pour reprendre les termes utilisés à propos de la
dette.
L'analogie n'est pas fortuite : ne faut-il pas s'emparer de
l'illégalité – au regard des Traités européens eux mêmes, pourtant fort peu
démocratiques – de toutes les procédures néo-coloniales mises en oeuvre non
seulement en Grèce, mais auparavant à Chypre, et au-delà ? On peut s'inspirer de l'audit sur la dette grecque,
et des actions du mouvement altermondialiste contre les Traités de
libre-échange ou les Conférences sur le climat (en s'inspirant de biend es
luttes évoquées par Naomie Klein dans son ouvrage « Tout peut
changer »), pour forger à l'échelle européenne des contre-pouvoirs, blocages, lieux de contre expertises au service des
contestations, et alternatives.
b) Poser partout la question : la
monnaie (dans chaque contexte), les finances, la fiscalité – pour quoi faire ?
Pour quels droits et biens communs ?
Il faut rendre concrets les enjeux pour les populations,
contre des raccoucis : la monnaie n'est pas “neutre” - l'euro pas plus que
la livre sterling ou le dollar ; elle n'est pas un simple intermédiaire aux
échanges dans le capitalisme. Mais le retour aux monnaies nationales n'est pas
une sortie du capitalisme – donc des enjeux de classe qui ne nouent derrière le
contrôle de la monnaie et des financements. Cela est vrai de toute institution
dans le capitalisme. Et c'est évidemment particulièrement vrai pour l'euro.
Mais c'est, de façon concrète l'UEM (
l'Union économique et monétaire qui utilise l'euro) dont un ensemble
d'institutions et d'autorités qui les gèrent, ainsi que leurs
« critères », qui font de l'euro un instrument au service des classes
dominantes.
Contester l'UE et l'UEM de façon concrète implique donc non
pas de « sortir de l'euro » mais de prôner une autre politique,
d'autres droits, d'autres usages de la monnaie. La politique peut se retourner
contre des « acteurs » et des besoins sociaux ainsi que des droits,
quand on pose la question : l'euro – la drachme, la livre sterling ... -
pour quoi faire ?
L'enjeu du contrôle public, social, pluriel de la monnaie et
des financements est bien plus « politique» et subversif que le mot
d'ordre de changer de monnaie.
Le caractère bancal
de la construction d'un espace unifié et marchand sur la base d'une monnaie
unique et quasiment sans budget en contre-partie, a été contesté depuis le
début. Mais il n'est pas une « erreur » théorique. Ni seulement le
résultat d'un projet « capitaliste » ou « néolibéral » (la
GB très néo-libérale et capitaliste l'a toujours contesté...). Il est le
résultat de compromis historiques à la
croisée d'enjeux économiques, historiques concrets – où l'unification allemande
a joué un rôle clé.
On laissera ici de côté ce débat. L'essentiel est dans la
démarche et les propositions :
-Que
l'on sorte ou pas de l'euro, il ne faut pas abandonner la réflexion et
préparation de « monnaies parallèles » comme moyens de résistance,
mais aussi conception plus large de la pluralité des espaces monétaires :
il faut travailler à ce type de
réflexion et projet au plan européen sur la base d'un collectif permanent
reliant des experts et des mouvements sociaux, et popularisant les expériences
existantes de financement non lucratifs de projets solidaires.
-
-Il
faut intégrer sur ce plan les réflexions sur le système monétaire international
dans ses diverses périodes (de l'étalon or au SMI de Bretton Words) et les
critiques entamées par Keynes contre ce
dernier ; pousser la réflexion et propositions d'actions contre les
pouvoirs du FMI et sur la recomposition en cours des rapports de force mondiaux
autour des monnaies et financements alternatifs.
-
-Dans
tous les cas, à tous les niveaux, il ne peut y avoir contrôle public des
politiques monétaires dans le cadre de
la libre circulation des capitaux : c'est un enjeu central, majeur ;
de même que celui de l'interdiction de financements marchands privés
spéculatifs des besoins de base - agriculture, mais aussi services sociaux,
donc budgets publics. Des campagnes profondes et de longue durée doivent se
déployer sur ces enjeux – avec formations populaires tournées vers l'action...
c)Aider les divers peuples européens à s'emparer de leur propres
résistances passées/présentes contre tous les rapports de dominations – ce faisant, les connaître pleinement et en
faire un “bien commun européen” et le creuset de l'espace public européen.
ci)
Le vocabulaire apologétique de l'UE
pénètre souvent les discours de ceux qui la critiquent : il faut veiller à ne
jamais appeler “Europe” cette construction sans précédent historique qu'est
l'Union europenne pour la critiquer de façon
précise.
Il faut combattre un racisme « européiste » qui
désigne les peuples « dignes » d'être « Européens et dénigre les
autres, leur passé, leur histoire... - j'ai cherché à contribuer à ce
travail notamment concernant les
peuples des Balkans contre une idéologie “européiste”
dominante qui n'admet comme
« civilisés » que les peuples
qui rejoignent l'Union en se pliant à ses règles. Le peuple grec subit de plein fouet ce type
d'insulte.
Plus largement, avec la guerre sociale de destruction
massive qui est menée depuis le tournant des années 1980 et qui rebonndit après
2008/9, un des enjeux majeurs au plan
idéologique, politique, répressif, est
la criminalisation des résistances passées/présentes, donc des
révolutions du Xxè siècle – réduites au goulag et au parti unique, privées de
tout acquis social issu des luttes à la fois anticapitalistes et
anti-bureaucratiques ; ce passé/présent, de même que celui des
soulèvements anti-colonialistes ou
contre l'esclavage – doivent être pleinement intégrés dans « l'espace
public européen » alternatif que nous devons construire ; dans les
batailles pour une hégémonie alternative que nous devons y mener.
Approfondir l'analyse concrète des grandes phases de la
construction européenne avec le regard des divers peuples concernés par ses
élargissements successifs, c'est revenir
sur les conditions différentes et concrètes qui ont prévalu aux élargissements
dans les années 1980 vers les pays du
sud (sortant de dictatures) puis vers les pays de l'est. Le faire c'est comprendre ce qu'ont été les
attentes des peuples – et leurs déceptions actuelles ; mais c'est aussi se
donner les moyens de s'appuyer sur ces dernières pour les retourner contre
l'UE, contre ses promesses égalitaires et sociales, démocratiques, non tenues.
C'est mettre à nu ce qui était le produit des conditions de la guerre froide
entre systèmes et ce qui veut définitivement mettre fin à tout système
alternatif. C'est mettre à l'ordre du jour une autre Europe dans un autre monde
– contre le système-monde capitaliste mondialisé.
d)Tourner les fusils de la colère contre les possédants qui divisent pour
régner sur des bases racistes...
Il ne faut pas se tromper de cible...
La radicalisation de la lutte en Grèce, l'approfondisement
du “non” référendaire, ne doit pas se retourner au bénéfice d'Aube Dorée ou
d'une 'oligarchie grecque qui a bénéficié avec les banques allemandes et
françaises des pseudo- « aides » européennes.
.Il faut “retourner les fusils” de la colère comme le dit Jean Ziegler contre ceux qui, partout, bénéficient de la
guerre sociale dominante.
S'il y a un combat
nécessaire contre les comportements et pouvoirs néo-coloniaux d'un
“centre” de l'UE, notamment en Allemagne,
les “périphéries” se situent aussi au sein des pays
dominants : les travailleurs
allemands subissent des redoutables lois Hartz qui généralisent la précarité, les
“one euro job” et s'appuient sur des délocalisations ; les
Allemands de l'est ont subi des privatisations forcées et pratiques
néo-coloniales qui ont laissé des traces durables. En même temps, les
populations de l'Europe de l'Est ont été utilisées pour la mise en place d'un
dumping social et fiscal européen radical (au bénéfice du capital) et mpour
imposer des « disciplines » austéritaires visant au démantèlement des
services sociaux.
Toutes ces dépossessions sont ignorées par chaque peuple
isolé et muselé, mis en concurrence avec tous les autres. On ne peut comprendre
et combattre la faible solidarité avec le peuple grec, ni combattre le racisme
“anti-Grec” véhiculé par les couches dirigeantes pour légitimer leurs propres
politiques, sans mettre à plat ce qu'ont subi tous les peuples européens - sans contester les mécanismes et les idéologies qui ont accompagné cette casse
sociale à l'échelle continentale.
Cela doit se faire avec tous les peuples concernés, sur des
bases égalitaires fondant un autre projet européen. Personnellement, je
l'appellerais volontiers « socialiste ». Mais ce n'est pas
l'essentiel, et l'accord sur les mots n'est pas une précondition pour inventer
ensemble cette autre Europe, dans un autre monde..
[i] Ces termes sont empruntés à la résolution
adoptée par la direction nationale du Bloc de Gauche portugais : Leçons de Grèce : la démocratie
contre le colonialisme finanicier”.
[ii] Ont participé à cet ouvrage Verveine Angeli,
Thomas Coutrot, Guillaume Etiévant, Michel Husson, Pierre Khalfa, Daniel
Rallet, Jacques Rigaudiat, Catherine Samary et Aurélie Trouvé.
[iii] Il faut notamment revenir sur les ambiguités
de 1989 et les enjeux de la nouvelle « guerre tiède » avec la Russie
(voire les articles sur ces sujets sur http://csamary.free.fr – articles récents sur
l'Ukraine et dans la rubrique « le nouvel ordre mondial »).
[iv] Inprecor n° 618, août 2015, en hommage à
F. Vercammen après son récent décès. Article »Face aux institutions de
l'Union européenne », pages 32-36
[v] Quels pistes de réflexions avaient été
avancées dans le texte écrit en 2003 par Antoine Artous, Dominique Mezzi et
moi-même (et republié en 2012) « Peser sur l'émergence d'une autre Europe ».
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