samedi 31 mai 2014

Grèce : une première lecture socio-spatiale des résultats électoraux de la Gauche radicale dans la région d'Athènes et du Pirée, par Stathis Kouvelakis


Dans cette note, je vais essentiellement livrer quelques données chiffrées en avançant seulement en conclusion quelques éléments très provisoires à portée plus générale. Le pourcentage national de Syriza étant quasiment identique entre les scrutins législatif de juin 2012 et européen de mai 2014 (26,7% en 2012, 26,6 en 2014), il m’a semblé pertinent de procéder à une comparaison de ses résultats sur un échantillon de 15 municipalités du Grand Athènes (y compris le Pirée et sa banlieue) pour tester les zones où il a le mieux résisté en fonction de leur composition sociales. 

A cette fin, l’échantillon en question a été divisé en trois sous-groupes : 
- 5 municipalités ouvrières/populaires (Agia Varvara, Egaleo, Peristeri, Nikaia, Perama) 
- 5 municipalités à composition sociale « intermédiaire » (Kaissariani, Zographou, Ilioupoli, Kalithea, Athènes A) 
- 5 municipalités de classes moyennes et supérieures (Filothéi-Psychiko, Kifissia, Papagou-Cholargos, Chalandri, Glyfada) 


Je résume d'abord le constat général, puis je passe aux chiffres : 

1. Dans l’ensemble des 5 municipalités ouvrières, le pourcentage de Syriza chute entre 3 et 5%, tout en restant supérieur à la moyenne nationale. 

2. Dans les 5 municipalités « intermédiaires », l’image est plus constrastée : stable dans deux (Athènes, Zographou), il est en recul de 2 à 2,5% dans les trois autres, tout en restant globalement très proche de la moyenne nationale. 

3. Dans les municipalités de classes moyennes et supérieures, Syriza progresse dans 3 d'entre, reste stable dans une (Chalandri) et baisse dans une seule (Glyphada) de 1,7%. Ces résultats restent sensiblement inférieurs à la moyenne nationale dans les communes les plus « bourgeoises » (Filothei, Psychico, Papagou), et proche de la moyenne dans les autres. 

Sur l’ensemble du « Grand Athènes » ( la circonscription B d'Athènes, qui totalise 1 million de votants, soit le sixième du pays), Syriza perd 2% entre 2012 et 2014 (de 31,4% à 29,4%). L’intégralité de cette baisse est due, avant tout, au recul du vote Syriza dans les communes ouvrières et, dans une moindre mesure, au recul dans les communes « intermédiaires » (notamment dans celles qui sont plus populaires que d'autres au sein de ce même groupe).

Voici à présent les chiffres (les premiers chiffres cités sont toujours ceux de juin 2012) - municipalités ouvrières : 
- à Agia Varvara, Syriza baisse de 35 à 30%, 
- à Egaleo de 37,1 à 34,5%, 
- à Peristeri de 37,7 à 34,9%, 
- à Perama de 35,8 à 30,1%, 
- à Nikaia/Renti de 37,8 à 34,3%. 

- municipalités « intermédiaires » :
- à Kaissariani, Syriza baisse de 34 à 32%, 
- à Zographou il est quasiment stable (de 29,8 à 29,2%), 
- à Ilioupoli il passe de 34,4 à 32%, 
- à Kalithéa de 31 à 28,6%, 
- alors qu'à Athènes il se maintient à 27%. 

- municipalités de classes moyennes et supérieures : 
- à Philothéi-Psychiko, Syriza progresse de 15,9 à 16,8%, 
- à Kifissia de 19,5% à 19,6%, à Papagou-Cholargos de 23,1 à 23,4%, 
- alors qu'il baisse à Glyfada de 25,8% à 24,1% et à Chalandri de 27,9% à 27,3%. 

Il faut relever ici qu'en juin 2012, le parti de la droite (ND) était le premier parti dans 6 sur 15 municipalités (dont les 5 bourgeoises et Athènes) alors qu'à l'heure actuelle ne l'est que dans 4 municipalités de moyenne/grande bourgeoisie (hormis Chalandri). 

Regardons maintenant la tendance globale du vote de la Gauche radicale dans la région d’Athènes et du Pirée: la baisse de Syriza dans les quartiers ouvriers n’est pas compensée par la progression du Parti Communiste Grec (KKE), de l'ordre de 2%. En revanche, dans les quartiers « intermédiaires », la stabilité, ou la légère baisse, de Syriza est plus que compensée par la progression du KKE, également de l'ordre de 2 à 3%. Dans les quartiers de classes moyennes et supérieures, le pourcentage du KKE, bien que situé à des niveaux faible (de 2,8 à 5,6%), progresse d'au moins 1%. On peut alors constater que l'influence électorale de la Gauche radicale progresse légèrement, uniquement dans les quartiers de la petite, moyenne et grande bourgeoisie. 

Dans la circonscription B d'Athènes (quartiers ouvriers), le total Syriza/KKE en mai 2014 est quasiment au même niveau qu'en juin 2012 (36,6%). En revanche, dans la circonscription B de Pirée, nous remarquons une baisse de cette somme de 1,4%. Et même si on y ajoutait le pourcentage d'Antarsya, cette image ne se modifie pas de manière significative.

La conclusion provisoire est donc la suivante : le manque de dynamique de la gauche radicale dans la région la plus décisive du pays, où vit 40% de la population et la majorité du salariat, est essentiellement dû au repli de Syriza, péniblement compensé par la progression du KKE. Ce repli est certes modéré mais il traduit une tendance à l’atténuation du profil « classiste » du vote très polarisé socialement de juin 2012. 

En deux ans, Syriza tend à se stabiliser dans les zones où dominent les catégories sociales intermédiaires, il progresse légèrement dans les communes où résident des classes moyennes-supérieures mais il régresse dans les zones ouvrières et populaires, où il perd entre 10 et 15% en pourcentage. 

En même temps, on note que Syriza stagne dans les zones urbaines et progresse dans les zones rurales. Certes, l’électorat de Syriza conserve dans l’ensemble un caractère populaire et urbain, mais la question se pose de la relation entre la tendance à une évolution plus « transclasse » de son influence électorale et la déplacement « vers le centre » de sa ligne politique au cours des deux dernières années. 

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