samedi 31 octobre 2015

Portugal. Des élections pour joueurs d’échecs. De quel type?, par Charles-André Udry



Le résultat des élections portugaises a abouti à l’ouverture d’un scénario politique inattendu parce que la coalition issue du gouvernement – constituée par le Parti social-démocrate de Passos de Coelho, premier ministre sortant, et par le CDS-PP (Parti du Centre démocratique social-Parti populaire) de Paulo Portas, vice-premier ministre sortant – a obtenu le pourcentage le plus élevé des suffrages, mais ne dispose pas de la majorité parlementaire (voir à ce sujet l’article publié sur ce site en date du 10 octobre 2015). Elle a récolté 36,8% des suffrages, après des années de politique d’austérité, mais n’a à son service que 107 députés sur 230. Par contre, l’addition, formelle pour le moins, des députés du Parti socialiste, du Parti communiste (PCP) et du Bloco de Esquerda collectionne 122 sièges. 

Dans cette situation, le président de la République, Anibal Cavaco Silva, né en 1939, est intervenu le 22 octobre afin d’attribuer la formation du nouveau gouvernement à Passos Coelho et Paulo Portas. Il le fit à l’occasion d’une intervention télévisée censée exprimer son autorité. Cavaco Silva a été premier ministre durant dix ans, de 1985 à 1995, à la tête du PSD. Ce catholique et anti-communiste décidé, élu au suffrage universel à la présidence en 2006, cherchait à imposer une continuité gouvernementale sous la forme d’un «gouvernement de gestion»

mardi 27 octobre 2015

Argentine. Un scénario politique inattendu dans un pays en crise

Jorge Altamira et Nicolas del Canto

Le dimanche 25 octobre 2015 se déroulaient en Argentine conjointement les élections à la présidence du pays, celles de gouverneurs des provinces, celles de maires, de députés et sénateurs. La corrélation entre ces différents niveaux est étroite. Des élections primaires, avec un quorum, déterminent les listes et candidats possibles. Ces primaires ont eu lieu en août. Ce 25 octobre, trois candidats polarisaient les votes. 
 
Deux sont issus du péronisme. Daniel Scioli devait être «théoriquement» l’héritier de la présidence de Nestor Kirchner [de 2003 à 2007], puis celle de sa femme Cristina Fernandez Kirchner [de 2007 à 2015]. Une grande partie de la gauche officielle latino-américaine soutenait Daniel Scioli. Ce fils d’un riche entrepreneur de l’électro-domestique a été recruté par Carlos Menem en 1996. Ce qui est déjà tout un programme. Il a été durant huit ans gouverneur de la province de Buenos Aires et combina, dans la tradition, clientélisme et distribution de prébendes avec une hausse des impôts, tout en se refusant d’appliquer de brutales coupes budgétaires. Il se présentait sous la dénomination Frente para la Victoria (FpV). 

De la même famille péroniste se présentait Sergio Massa, qui durant dix ans fut un homme clé du kirchnerisme. Massa, qui défendait sa position sous les couleurs d’Unidos por una nueva alternativa, avait à ses côtés Roberto Lavagna (ministre de l’Economie de 2002 à 2005) et Martin Redrado (ancien directeur de la banque centrale). Face à ces deux candidats difficiles à qualifier de gauche se profilait le fils d’un des plus riches entrepreneurs de l’Argentine, Mauricio Macri, sous le logo PRO-Cambiemos. Au même titre que les deux épigones péronistes, Macri multiplia les déclarations selon lesquelles il n’allait pas appliquer une politique d’ajustement structurel, cela dans un contexte de crise économique et sociale croissante. Il n’hésita même pas à inaugurer l’unique statue de Peron à Buenos Aires alors qu’Evita Peron est bien visible sur la principale avenue.
Les résultats des élections sur la base de 97,19% des suffrages (le taux de participation se situait à hauteur de 80%) sont les suivants : D. Scioli, 36,86%; M. Macri, 34,33%; S. Massa, 21,34%.
Selon la Constitution argentine, adoptée en 1944, le système de ballottage est le suivant: pour gagner au premier tour, un candidat doit obtenir plus de 45% des voix, ou entre 40 et 44% mais avec une avance de 10 points sur le second. Les résultats susmentionnés indiquent qu’il y aura ballottage et un second tour entre Scioli et Macri. Depuis 1995, ce cas de figure ne s’était jamais produit. Certes, en 2003, comme aucun candidat n’avait atteint le seuil de 40%, un second tour était envisagé. Mais Carlos Menem, qui avait eu l’audace de se représenter aux élections présidentielles, et obtenu 24% face à un autre péroniste Nestor Kirchner, avec 22%, décida de se retirer non seulement parce que tous les sondages le donnaient pour largement vaincu, mais aussi parce qu’il traînait plus d’une casserole judiciaire.

lundi 26 octobre 2015

Portugal : Marisa Matias candidate du Bloc de gauche à la présidence de la République




« Je ne suis pas candidate pour diviser, mais, au contraire, pour unir. Unir les nouvelles forces aux autres forces, parce que toutes sont nécessaire pour que le candidat de la droite ne gagne pas la présidence ». Marisa Matias, 39 ans, députée européenne depuis 2009, a été désignée comme candidate par la direction du Bloc de Gauche (Bloco de Esquerda) le 18 octobre dernier. Dans sa déclaration sur le site esquerda.net (site du bloc de gauche) la candidate affirme :

« Oui je suis candidate.
Nous vivons un moment d’attente et d’espoir et un moment comme celui-ci, nous devons savoir l’interpréter et courir des risques !

Ma préférence, et c’est ce pour lequel le Bloco travaille, était qu’il existe une candidature unique de gauche et que nous unissions nos forces ! S’il y a trois mois ceci était encore envisageable, aujourd’hui malheureusement ce n’est plus le cas.

J’ai entendu de nombreuses personnes avant de prendre ma décision.

Je ne suis pas candidate pour diviser, mais au contraire pour unir. Unir les nouvelles forces aux autres forces, parce que toutes sont nécessaires pour que le candidat de la droite ne gagne pas la présidence. Et passer par l’exigence du débat démocratique. Dans notre pays, il faut que les nouvelles espérances ne retombent pas.

Il y a d’autres candidatures et elles ont des objectifs communs.Et naturellement j’ai beaucoup de choses en communs avec elles et pour moi il doit y avoir un débat franc,  jamais conflictuel, avec ces candidats.

dimanche 25 octobre 2015

Quand Tsipras fait disparaître toute trace de ses contradicteurs !., par Yorgos Mitralia

 
Voici donc que le gouvernement Tsipras bis vient de résoudre deux de ses grands problèmes : celui de la dette publique et celui représenté par l’ex-présidente du Parlement grec, Zoe Konstantopoulou. Comment a-t-il fait pour réussir cet exploit ? Mais tout simplement, en effaçant pour toujours du site officiel du Parlement grec tout ce qui pourrait rappeler Zoe Konstantopoulou et ses initiatives durant sa brève présidence, dont la Commission pour la Vérité de la Dette Publique. 
 
Face à cet impressionnant bond en arrière du gouvernement grec, qui nous ramène aux heures de gloire du stalinisme triomphant des années 30 |1|, mais aussi du maccarthisme le plus envahissant du début des années 50, on est en droit de se demander : est-ce que la dette publique grecque a pour autant disparu ? Et est-ce que Zoe Konstantopoulou a accepté sa défaite, et s’est décidée à ne plus dire la vérité et taire ses critiques au vitriol ?

La réponse est : non. L’astronomique dette publique grecque continue, imperturbable, sa marche en avant comme d’ailleurs Zoe Konstantopoulou, qui refuse de s’avouer vaincue. Alors, une question s’impose : vu que le nettoyage du site du Parlement des présences indésirables manque manifestement d’efficacité, pourquoi le successeur de Zoe Konstantopoulou, et ses amis, ont procédé de cette manière ? Que cherchaient-ils en réalité ?

La seule réponse possible est qu’en agissant ainsi, tout ce beau monde cherchait à envoyer un message, ou plutôt un signal, à quelqu’un. À qui ? Mais, évidemment, aux célèbres « partenaires européens » avec qui les nouvelles autorités grecques venaient de conclure un accord, qui est en même temps… l’unique programme du gouvernement Tsipras bis. Mais aussi à ceux d’en bas, grecs, pour qu’ils n’aient plus le moindre doute sur l’inéluctabilité de l’écrasement de toute résistance aux Memoranda et à leurs inspirateurs…

En somme, il s’agissait d’un acte hautement symbolique qui, ni plus ni moins, ambitionnait à effacer pour toujours de la mémoire collective des Grecs, non seulement toute trace d’une alternative à la politique des Memoranda, mais aussi, le nom même de celle qui a pu incarner cette alternative !

mercredi 21 octobre 2015

"Israël a choisi l’occupation et non la paix", par Marwan Barghouti


L’escalade de violence actuelle n’a pas commencé lorsque deux colons israéliens ont été tués le 3 octobre. Cette escalade a commencé il y a bien longtemps et a continué durant des années. Chaque jour, des Palestiniens sont tués, blessés et arrêtés. Chaque jour, la colonisation avance, le siège de notre peuple à Gaza se prolonge, l’oppression persiste. 

Alors que beaucoup veulent que nous nous sentions écrasés par les conséquences potentielles d’une nouvelle spirale de violence, je demande – comme je le plaidais en 2002 – de nous occuper des causes fondamentales de cette situation: la négation de la liberté des Palestiniens. 

Quelques-uns ont suggéré que la raison pour laquelle un accord de paix n’avait pu être atteint résidait dans le manque de volonté du président Yasser Arafat [mort en novembre 2004] ou l’incapacité du président Mahmoud Abbas [élu en janvier 2005]. Or, les deux étaient prêts et capables de signer un accord de paix. 

Le problème réel est qu’Israël a choisi l’occupation et non la paix, a utilisé les négociations comme un écran de fumée pour camoufler l’avance de son projet colonial. 

Chaque gouvernement dans le monde est conscient de ce simple fait et néanmoins beaucoup prétendent que revenir aux recettes ayant échoué dans le passé pourrait faire aboutir la liberté et la paix. Cette absurdité est répétée sans cesse tout en en attendant des résultats différents. 

lundi 19 octobre 2015

Portugal : pourquoi la gauche a progressé, entretien avec Catarina Principe (Bloco)


Le 4 Octobre, le Bloc de Gauche a atteint le meilleur résultat aux élections législatives portugaises qu’il ait jamais obtenu, avec plus de 500.000 suffrages (soit 10.2%). Cela fait du Bloc le troisième parti en importance numérique au Parlement. Si l’on ajoute le Parti Communiste Portugais qui a obtenu 8.3% des suffrages, la gauche a obtenu près de 20% des voix, contre les politiques d’austérité et le néolibéralisme.
 
Ce résultat vient deux semaines après les élections grecques au cours desquelles Syriza dirigé par Alexis Tsipras a remporté une autre victoire significative bien qu’il ait accepté un troisième mémorandum austéritaire alors que, dans le même temps, Unité populaire, la coalition anti-austérité constituée par d’anciens membres de Syriza qui s’opposaient au mémorandum n’a pas réussi à rentrer au Parlement, manquant de peu le seuil de 3%. Ces résultats constituent un important matériau pour poursuivre le débat en cours au sein de la gauche internationale quant aux tactiques et aux stratégies révolutionnaires aujourd’hui.

Todd Chretien et Dan Russell ont interviewé Catarina Principe, une militante du Bloc de Gauche sur le résultats des élections, la nature du Bloc et le contexte historique actuel.

En 1974, une fraction de gauche des forces armées a renversé le prétendu Nouvel Etat (Estado Novo), la dictature fasciste qui régnait depuis les années 30. Ce coup a provoqué de qui est connu sous le nom de « Révolution des Œillets », un soulèvement qui a duré plus de deux années et a secoué la société portugaise jusque dans ses fondements. Peux-tu expliquer en quoi l’héritage de ces évènements a influencé le Bloc et, plus généralement, la vie politique portugaise ?

Catarina Principe : Lors des débuts de la révolution, le Parti communiste constituait la force politique centrale et, dans une certaine mesure, il a soutenu le mouvement populaire ; mais il a également tenté d’en bloquer certains aspects. Après la chute de la dictature en 1974, l’on a assisté à la formation de pas moins de 37 nouveaux partis politiques, mais aucun d’entre eux n’a été capable de devenir une force puissante et majoritaire au sein de la classe ouvrière et du processus révolutionnaire.

jeudi 15 octobre 2015

Portugal. La droite gagne sans majorité


 
La coalition qui réunit les partis de droite – Parti social-démocrate (PSD) et Parti du centre démocratique et social (CDS) qui ont constitué pour les élections du 4 octobre le front Portugal a Frente (FaP) – et qui gouverne le Portugal a obtenu 38,48% des suffrages exprimés et 104 députés sur 230 (voir le tableau des résultats en fin d’article). Néanmoins, le FaP a perdu 743’680 suffrages par rapport à ce que les deux partis de droite avaient obtenu en 2011. Le Parti socialiste, avec 32,4% des voix et 85 députés, confirme la baisse qui avait été enregistrée au cours des dernières semaines [les sondages lui attribuaient en avril 2015 37,5% des votes, 32,7% le 29 septembre; la direction du PS avait comme objectif déclaré d’obtenir une majorité absolue].

A gauche, la grande surprise fut la croissance électorale du Bloco de Esquerda (Bloc de gauche-BE), qui avec 10,2% et 19 députés, a doublé ses résultats par rapport à 2011 et obtient sa meilleure représentation parlementaire [le dernier sondage du 29 septembre attribuait au BE 9,4%]. La Coalition démocratique unitaire (CDU), formée par le Parti communiste portugais et les Verts, a légèrement augmenté ses suffrages avec 8,3% et 17 députés (un de plus qu’en 2011).

Les petites formations dissidentes du Bloc de gauche, Livre/Tempo de Avançar (TPA) et Agir (fusion entre PDA et MAS), qui avant la campagne électorale pensaient qu’ils pouvaient réduire les suffrages du vote du BE, ont obtenu des résultats extrêmement limités (0,72% et 0,38% respectivement) n’élisant aucun député.
La CDU, bien qu’augmentant légèrement son résultat par rapport à 2011, a connu un résultat décevant, peu capable de capitaliser le mécontentement populaire face à la «politique d’austérité» et surtout s’est vu dépasser, pour la première fois, par le BE.

La diminution des luttes sociales après le cycle des grandes manifestations entre 2011 et 2013 et l’incapacité du PS, cosignataire aux côtés de la droite du protocole d’entente avec la troïka, de se distancier de manière significative des politiques d’austérité du gouvernement PSD/CDS, ont permis à la coalition de droite de récupérer une fraction de l’électorat «socialiste». Le message de la droite était que son gouvernement avait «mis en bon ordre» les comptes publics du pays, que le chômage était en train de s’abaisser et que la «confiance» des entrepreneurs et des «consommateurs» était en train de revenir, alors que le gouvernement antérieur du PS [mars 2015-juin 2011, sous la direction de José Sócrates] avait «conduite le pays à la banqueroute».

lundi 12 octobre 2015

L’accueil des réfugiés en Allemagne : politique du gouvernement et polarisation au sein de la population, par Manuel Kellner

 
Le mouvement de l’aide pratique aux réfugiés n’est pas brisé. Il continue à se développer. Dans les sondages, plus que 61% des Allemandes et des Allemands restent ouverts à l’accueil et à l’intégration des réfugiés. Et dans le mouvement de solidarité et d’aide pratique, la politique de plus en plus restrictive du gouvernement allemand est critiquée de plus en plus fortement. D’autre part, les actions violentes contre les réfugiés se multiplient, et Pegida – à commencer par Dresde – relève la tête.

Dans les médias, l’accent est mis sur « l’énorme quantité » de réfugiés, le quotidien à sensation le plus répandu, la Bild-Zeitung, a titré avec « 1,5 millions » en 2015 en se référant à des sources gouvernementales anonymes. La peur d’un certain nombre de gens de se voir minoriser par les nouveaux venus d’autres cultures (surtout musulmanes) est thématisée largement dans les grands médias. Des nouvelles anecdotiques largement diffusées par la presse sur des affrontements violents entre réfugiés – dans des situations causant des claustrophobies qui leurs sont infligés (per exemples tassés à 3000 dans une salle pour 800 personnes avec une douzaine de toilettes et de douches) ou sur des réfugiés musulmans n’acceptant pas de donner la main à une femme ou de répondre à une officielle, etc. – nourrissent de plus en plus les sentiments négatifs envers les réfugiés.

Il reste donc vrai qu’il y a, en la matière, une polarisation extrême dans la population allemande. La solidarisation reste forte, mais la désolidarisation gagne du terrain.
Les déclarations de la chancelière Angela Merkel disant « Venez tous ! Vous êtes les bienvenus ! Nous allons vous traiter de manière humaine ! » étaient de bon instinct ou alors une réponse bien méditée au mouvement d’aide aux réfugiés spectaculairement fort. Il est vrai aussi que dans sa rhétorique publique, Angela Merkel maintient le cap – contre tous ceux qui traitent ses propos accueillants et optimistes « d’irresponsables », à commencer avec la direction du CSU, le parti frère du CDU de Merkel en Bavière et son président Horst Seehofer, qui cherche à couvrir le terrain électoral de l’extrême droite en soulignant que « nous » ne sommes pas capables d’intégrer « tous » les réfugiés du monde. [1] Mais la politique concrète du gouvernement allemand est en contradiction flagrante avec la rhétorique merkelienne du « bienvenu » et du « nous sommes en mesure de faire face à l’intégration des réfugiés ».

Syrie : après l'intervention russe..., par Annouk N.

 
L’intervention russe en Syrie qui a débuté fin septembre entame une nouvelle phase de la répression contre-révolutionnaire en Syrie, clarifiant la stratégie impérialiste russe et sa volonté de négocier et de s’imposer face aux tenants de l’impérialisme occidental. 
 
L’impérialisme russe comme plus respectable ?

Le 30 septembre dernier, la Russie a lancé ses premières frappes sur la Syrie. Des bombardements d’une grande violence, intervenus la plupart du temps sans laisser le temps aux populations civiles de s’abriter. Ils interviennent avec un soutien tacite de l’Allemagne et de la France, complices d’autres frappes meurtrières aux Yémen. Ces attaques dont l’objectif affiché est de combattre Daech et son expansion visent en réalité en premier lieu à conforter au pouvoir le dictateur Bachar al-Asad. Ainsi, les frappes ont touché la ville libérée d’Inkhil et sa population, dans le gouvernorat de Deraa alors qu’elle se situe en dehors des zones gouvernées par Daech. Si Daech n’a pas trop à s’inquiéter de frappes russes c’est probablement parce que la lutte contre son expansion n’a jamais fait partie des priorités du régime syrien pour qui l’organisation représente un alibi parfait dans une stratégie de polarisation du champs politique afin de fédérer autour de la personne de Bachar al-Asad. 

L’alternative politique serait ainsi Bachar ou Daech, soit la barbarie ou la barbarie… C’est principalement à l’opposition islamiste du front al-Nosra, liée à al-Qaeda que s’attaquent les frappes russes du fait de ses avancées militaires depuis le printemps dernier grâce au soutien du Qatar, de l’Arabie Saoudite et de la Turquie. Ceci permet à la Russie de prouver sa volonté de combattre l’islamisme tout en garantissant l’implantation de ses bases militaires et de ses intérêts économiques dans la région intérieure de la Syrie. 

dimanche 11 octobre 2015

Attentat d’Ankara, terreur d’Etat, par Emre Ogun

 
Les informations s’accumulent, s’entrechoquent. D’abord, les images affluent : l’explosion, les policiers chargeant les manifestants survivants, les ambulances bloquées par des cordons de policiers… Puis vient le tour des témoignages racontant comment les policiers repoussés ceux qui fuient le lieu de l’explosion, comment de leur autobus des membres de l’équivalent des CRS insultent les manifestants cherchant à organiser la circulation pour que les ambulances puissent passer, comment des blessés meurent faute de soins donnés à temps. Ensuite, le flot d’informations ralentit, la cause en est simple : le gouvernement a bloqué l’accès aux réseaux sociaux, internet est au ralenti. Voilà, répression et censure sont les seules réponses d’Erdogan.

Chaque heure qui passe, le bilan s’alourdit. A l’heure où ces lignes sont écrites, il est question de près de 100 morts et près de 300 blessés. Dans tous les cas, l’attentat d’Ankara est un carnage effroyable qui a visé des militants de gauche et/ou kurdes, des syndicalistes, des défenseurs de droits de l’homme réunis pour un meeting pour le Travail, la Démocratie et la Paix.

Ce meeting devait être un immense succès, les organisateurs étaient confiants sur son caractère extrêmement massif. Des manifestants venaient de toute la Turquie à l’appel d’organisations politiques, syndicales, associatives, de chambres de métiers… pour dire non à la politique guerrière et répressive d’Erdogan. Evidemment, le principal acteur politique de ce meeting devait être le HDP (Parti Démocratique de Peuples, rassemblant le mouvement de libération kurde, des courants marxistes, des démocrates) regroupant autour de lui toute l’opposition conséquente et réellement existante en Turquie. Quelques jours auparavant, le PKK avait annoncé une trêve le temps des élections prévues le 1er novembre. 

vendredi 9 octobre 2015

Elections communales et régionales au Maroc : où sont les femmes ?, par la Dr. Asma Lamrabet


Aucune femme n’a été élue à la tête des conseils régionaux. Les 12 nouveaux présidents des conseils régionaux sont tous des hommes. Les grandes décisions politiques sont une affaire d’hommes. Les femmes ont certes participé, elles avaient même des listes « sur mesure » pour elles. 14 femmes seulement ont obtenu leur siège à la chambre des conseillers contre 106 hommes ! 

Ce constat est triste et décevant pour un pays comme le Maroc qui essaye tant bien que mal de se frayer un chemin vers la démocratie. La constitution de 2011 nous a donné plein d’espoirs et de rêves avec son article sur l’égalité entre hommes et femmes …Mais sincèrement devront nous être étonnés par cette absence des femmes dans la présidence des régions ? 

La chose politique ne fait que refléter l’état d’âme d’une société ! Et comme tout le monde le sait notre société est structurellement minée par un machisme culturel des plus primaires, aggravé par un retour en force d’un conservatisme religieux assez inquiétant. 

L’absence de femmes au sein des conseils régionaux n’est finalement qu’un symptôme de plus de ce retour en arrière de la démocratisation du pays. Cela montre une fois de plus que Le Politique est aujourd’hui entre les mains d’un implacable patriarcat fortement renforcé par des mentalités forgées par la misogynie culturelle. 

La représentation politique des femmes reste le plus souvent et malheureusement le résultat soit d’un compromis idéologico - politique soit celui d’une cynique instrumentalisation de « l’alibi » femmes par certains décideurs politiques afin d’afficher leur prétendue adhésion aux valeurs de la démocratie et de la modernité !! 

mardi 6 octobre 2015

Portugal : résultat historique du Bloc de Gauche, par Adriano Campos et Jorge Costa


La droite a gagné les élections législatives portugaises, mais a subi un recul en voix et en sièges. Elle a perdu la majorité absolue dont elle disposait dans la mandature précédente où elle avait mis en œuvre la politique la plus agressive et la plus austéritaire de l'histoire du Portugal. 

La coalition PSD-CDS de Pedro Passos Coelho et de son vice-premier ministre Paulo Portas a obtenu 38,5 % des voix. Sanction de 4 ans de politique d'austérité , la droite perd 740 000 voix et 28 députés par rapport aux dernières élections de 2011. Le PSD-CDS enregistre un recul de 10 à 15 % dans les grands centres urbains (Porto, Lisbonne, Setúbal) et perd aussi du terrain dans les zones tradionnellement conservatrices (Braga, Aveiro, Leiria). 

2. Le PS a progressé mais peu. Le parti d'Antonio Costa (qui n'a pas démissionné) a récupéré 11 sièges au Parlement, correspondant à 32 % des suffrages, loin de la victoire qu'il espérait. Il paye sa politique passée, qui a ouvert la voie à la troïka, promu l'austérité (gel des pensions pendant 4 ans, assouplissement de la législation sur les licenciements) ainsi que le manque de propositions concrètes sur la question de l'Europe et de la dette. Le PS et la droite ont ainsi enregistré leur plus mauvais résultat depuis 1985. 

3. Le Bloc de gauche a obtenu un résultat historique. La campagne mobilisatrice du Bloc a débouché sur son meilleur résultat électoral depuis sa création, il y a 16 ans : 10,2 % et 19 députés. Le nombre de suffrages a quasiment doublé par rapport à 2011, ce qui a permis de faire élire 11 députés de plus. La poussée à Porto, Lisbonne et Setúbal, là où ont été élus le plus de députés a été accompagnée par la récupération des sièges des disctricts de Braga, Coimbra, Santarén et Leiria et l'élection pour la première fois d'un député dans l'archipel de Madeira. 

Portugal : instabilité politique et percée du Bloc de gauche, par Luis Branco

Mariana Mortagua (à g.) et Catarina Martins

La coalition de la droite portugaise a perdu la majorité absolue au Parlement, mais demeure la principale force politique issue de l’élection de dimanche. Le Bloc de gauche a fait un retour spectaculaire, avec le meilleur résultat jamais atteint, doublant quasiment son nombre d’électrices et d’électeurs et faisant plus que doubler son nombre de député.es. 

C’est d’abord la fin de la majorité de droite au parlement que les 5.37 millions d’électrices et d’électeurs ont décidée aux élections législatives. Entre ces élections et les précédentes, qui se sont déroulées en 2011, quelques semaines après la signature du mémorandum de la troïka, les deux principaux partis de la coalition au pouvoir ont perdu environ 700 000 électeurs. L’austérité radicale imposée au peuple portugais a conduit presque un demi-million d’électeurs potentiels à émigrer. Ceux là n’ont pas pu participer au vote de dimanche. 

Le Parti socialiste n’a pas été en mesure d’attirer à lui le mécontentement et n’a que 200 000 voix supplémentaires, à 32%. L’alternance habituelle entre les partis dominants semble écornée parce que le PS est largement considéré comme coresponsable du mémorandum signé avec la troïka juste avant les élections de 2011. Son silence sur les grands enjeux européens lui est également reproché, notamment sur la dette. 

Le fait que l’ancien premier ministre José Socrates ait été en prison depuis l’année dernière en raison de soupçons de corruption (il a été renvoyé chez lui sous surveillance au début de la campagne électorale et il n’y a toujours pas d’accusation contre lui), et la reprise en main du parti par Antonio Costa, contraignant à des élections internes juste après la courte victoire du PS aux élections européennes, alors qe le PS était alors représenté par un opposant à Socrates, ont contribué à diviser et à démobiliser l’électorat. 

lundi 5 octobre 2015

Syrie : entre compassion et cynisme, par Roland Mérieux et Francis Sitel


La Syrie, hier ignorée et abandonnée, est revenue en une de l’actualité. A Paris, au centre d'une conférence de presse présidentielle de François Hollande, à New York, comme sujet phare de l'Assemblée générale des Nations-Unies. Cela sur fond de frappes contre Daech, dont le nombre impressionnant (plus de 7000 selon certaines estimations) ne paraît pas garantir l'efficacité, et d’arrivées massives de réfugiés syriens en Europe.

François Hollande explique : 1) qu'il faut accueillir les réfugiés syriens, sans les confondre avec les autres réfugiés, et moins encore avec les « migrants économiques » ; 2) que les frappes françaises contre Daech doivent être élargies de l'Irak à la Syrie. La proximité des des deux affirmations laisse entendre que ces réfugiés syriens sont fondamentalement victimes de la barbarie de Daech. Une perception que renforce à grande échelle le traitement médiatique du sujet.
Merkel, quant à elle, tire d'un raisonnement similaire une conclusion claire : si l'on veut abattre Daech et répondre aux problèmes auxquels l'Europe est confrontée, il faut discuter avec le régime syrien, donc relégitimer Bachar al-Assad comme un acteur fréquentable.

D'un tel tonneau d'approximations confuses, il convient d'extraire les grains de vérité.

1) Oui, il faut accueillir les réfugiés syriens. Mais pas se limiter à 24 000, lorsque ceux qui fuient l'horreur se comptent par centaines de milliers en Europe, et par millions au Moyen-Orient.

2) Oui, ces réfugiés fuient la sauvagerie de Daech, mais ils sont d'abord, massivement, et depuis des années, victimes de la barbarie du régime de Bachar al-Assad qui, pour sauver son pouvoir dictatorial, mène une guerre impitoyable contre son peuple. 

dimanche 4 octobre 2015

Portugal : le bloc de Gauche dépasse les 10%




Ce texte de Catarina Principe est écrit avant que les résultats finaux soient connus, sur la base des derniers sondages.

Le Bloc de Gauche (Bloco de Esquerda – BE) et le Parti Communiste Portugais (PCP) obtiennent respectivement 10,2% (19 députés) et 8,3% (17 députés). Bien que la victoire des forces de la droite austéritaire est à l'heure actuelle le scénario le plus probable, il est intéressant de noter que le parlement portugais sera probablement composé aux alentours de 15 à 20% de forces anticapitalistes et anti-austéritaire;
1. Le résultat du PCP n'est pas une surprise. Le parti a un électorat plus ou moins stable depuis de nombreuses années. Cela signifie qu'il n'y a pas de relation causale directe entre le contexte politique, économique et social et ses résultats électoraux : les hauts et les bas du mouvement social portugais et des luttes de classes n'ont pas de traduction directe dans les votes pour le PCP (même s'ils peuvent en avoir sur son rôle et son positionnement politique)
2. Cette analyse est partiellement vraie pour les résultats du Bloco. Quoi qu'il en soit, il semble très possible que le Bloco soit le seul véritable « gagnant » de cette élection. Après un mauvais résultat aux élections de 2011 (5,7%, soit la perte d'à peu près la moitié de ses voix en comparaison avec les élections de 2009), et une importante crise politique, le Bloco semble reprendre lentement des forces, contredisant bien des prévisions suivant lesquelles il allait disparaître du paysage politique portugais. Que s'est-il donc passé ?