Quelque soit le vainqueur le 7 mai, la
politique à Westminster va changer après cette élection législative. Les
politiques d’austérité du gouvernement libéral-conservateur ont échoué à
sortir le pays de la crise profonde provoquée par le système bancaire.
Elles sont responsables d’une régression sociale d’une ampleur inégalée
depuis le thatchérisme. Le gouvernement sortant a fait payer la crise
aux pauvres en réduisant sensiblement l’État social britannique et en
augmentant le taux de TVA. La City et les riches sont plus prospères que
jamais.
En cas de victoire travailliste, il ne faut pas espérer un
changement de cap radical. C’est davantage sur les modalités de la mise
en oeuvre des politiques d’austérité que sur leur bien-fondé que les
deux principaux partis s’opposent. D’un côté, les conservateurs veulent
continuer, voire intensifier ces politiques d’austérité. De l’autre, les
travaillistes sont plus prudents : ils insistent sur un calendrier de
réduction des dépenses moins sévère que celui des Tories.
Sans promettre de revenir sur l’ensemble des coupes budgétaires décidées sous la présente législature (certaines ont entraîné la fermeture de services publics, tel des bibliothèques publiques ou des services hospitaliers), Ed Miliband, le leader du parti travailliste, s’est engagé à préserver les rares services publics qui n’ont pas encore été privatisés. Le choix qui s’offre aux électeurs est donc entre une austérité brutale et une austérité “à visage humain”.
L’électorat est en train de se rebeller contre le consensus
austéritaire des deux grands partis. Selon toute vraisemblance, il
n'accordera la majorité absolue à aucune des deux formations. Les
sondages donnent le Labour et les Tories dans un mouchoir de poche (une
moyenne de 32,5-35,5% pour les conservateurs, et de 32-34,5% pour les
travaillistes).
Les Tories pourraient donc être le premier parti en termes de voix et de sièges, et néanmoins ne pas être en mesure de former le prochain gouvernement. La raison est autant d’ordre arithmétique que politique. Le SNP (indépendantiste, Écosse), Plaid Cymru (indépendantiste, Pays de Galles), les Verts et le SDLP (indépendantiste, Irlande du Nord) ont tous exclu une alliance avec les conservateurs. Ajoutés à la projection pour le Labour, ces partis recueilleraient environ 331 sièges. Les conservateurs alliés aux libéraux-démocrates, UKIP (anti-UE et xénophobe) et le DUP (pro-Union, Irlande du Nord) n’obtiendraient que 313 sièges. Mais ce n’est qu’un scénario possible.
Si, malgré tout, les conservateurs étaient en mesure de former la prochaine coalition, le casse-tête n’en serait pas pour autant pas résolu. D’une part, il leur faudrait composer avec des libéraux-démocrates dont la base militante et électorale, plus à gauche que son leader Nick Clegg, est échaudée par cinq années de cogestion avec les Tories. Inversement, l’aile droite du parti conservateur, europhobe, ne veut plus entendre parler d’une alliance avec le parti libéral-démocrate, très europhile.
La presse de droite ne veut pas le reconnaître ; pourtant les signes
annonciateurs s’accumulent : le Royaume-Uni est peut-être au bord de
l’implosion politique. L’hégémonie des deux grands partis est
aujourd’hui battue en brèche. Ils ne sont plus capables de rassembler la
majorité des sieges, ce que le scrutin majoritaire à un tour (first past the post) est pourtant censé assurer.
Le tremblement de terre part des terres septentrionales du royaume. En Écosse, le SNP devrait remporter entre 49 et 59 sièges sur un total de 59 sièges. Il en détient actuellement 6. Le SNP est un parti nationaliste dont le programme se situe pourtant à gauche du parti travailliste : opposition aux politiques d’austérité, dépenses publiques acrûes et abandon de l’armement nucléaire (Trident).
Jusqu’aux années 90, le Labour fut une formation hégémonique en Écosse, une nation à la fibre sociale-démocrate. Qu’il soit aujourd’hui en voie d’extinction en dit long sur le discrédit de ce parti, aujourd’hui presque aussi haï que les conservateurs. Les Écossais n’ont pas digéré la campagne résolument pro-unioniste d’Ed Miliband lors du référendum sur l’indépendence du pays. Les conservateurs, quant à eux, sont rayés de la carte électorale depuis plus de 15 ans.
En 2010, 56,7% des Britanniques ont voté contre les partis qui proposaient des politiques d’austérité immédiates. Avant de renier cet engagement, les libéraux-démocrates préconisaient une “austerité différée” et dépendante d’une reprise économique. Depuis, allié aux Tories, le parti libéral-démocrate a mis en oeuvre des politiques d’austérité brutales et renié des promesses électorales-phares (le retour à la gratuité des frais de scolarité à l’université).
Les politiques d’austérité ont été un acte de masochisme économique et d’escroquerie politique de grande ampleur. Le gouvernement a largement échoué dans ses objectifs chiffrés de reduction du deficit public. S’il a très marginalement réduit ce déficit, c’est au prix du bradage du Royal Mail, privatisé, dont les revenus ont servi à rembourser une partie de la dette. Les ménages sont plus endettés que jamais et les emprunts toxiques des personnes sont revenus au niveau de 2008. En réduisant la voilure de l’État social, le gouvernement a de fait transféré une partie de la dette vers les ménages.
Les thèmes de l’immigration et du “Brexit” – chers à UKIP et à l’aile droite conservatrice – n’ont pas été au centre des débats. Ce sont les questions sociales qui ont prédominé. En Écosse, aux Pays de Galles, en Angleterre (les Verts), la gauche réformiste est en ascendance et la droite recule ou stagne (notamment UKIP). C’est l’une des raisons majeures de la relative contre-performance d’Ed Miliband qui n’a pas rompu totalement avec le blairisme. Les Britanniques indiquent clairement leur volonté de sortir du thatchérisme, au moment même où la France s’en approche.
Twitter : @PhMarliere
https://www.facebook.com/philippe.marliere.50
Sans promettre de revenir sur l’ensemble des coupes budgétaires décidées sous la présente législature (certaines ont entraîné la fermeture de services publics, tel des bibliothèques publiques ou des services hospitaliers), Ed Miliband, le leader du parti travailliste, s’est engagé à préserver les rares services publics qui n’ont pas encore été privatisés. Le choix qui s’offre aux électeurs est donc entre une austérité brutale et une austérité “à visage humain”.
Un éparpillement des voix
Les Tories pourraient donc être le premier parti en termes de voix et de sièges, et néanmoins ne pas être en mesure de former le prochain gouvernement. La raison est autant d’ordre arithmétique que politique. Le SNP (indépendantiste, Écosse), Plaid Cymru (indépendantiste, Pays de Galles), les Verts et le SDLP (indépendantiste, Irlande du Nord) ont tous exclu une alliance avec les conservateurs. Ajoutés à la projection pour le Labour, ces partis recueilleraient environ 331 sièges. Les conservateurs alliés aux libéraux-démocrates, UKIP (anti-UE et xénophobe) et le DUP (pro-Union, Irlande du Nord) n’obtiendraient que 313 sièges. Mais ce n’est qu’un scénario possible.
Si, malgré tout, les conservateurs étaient en mesure de former la prochaine coalition, le casse-tête n’en serait pas pour autant pas résolu. D’une part, il leur faudrait composer avec des libéraux-démocrates dont la base militante et électorale, plus à gauche que son leader Nick Clegg, est échaudée par cinq années de cogestion avec les Tories. Inversement, l’aile droite du parti conservateur, europhobe, ne veut plus entendre parler d’une alliance avec le parti libéral-démocrate, très europhile.
Une majorité de l’électorat contre l’austérité
Le tremblement de terre part des terres septentrionales du royaume. En Écosse, le SNP devrait remporter entre 49 et 59 sièges sur un total de 59 sièges. Il en détient actuellement 6. Le SNP est un parti nationaliste dont le programme se situe pourtant à gauche du parti travailliste : opposition aux politiques d’austérité, dépenses publiques acrûes et abandon de l’armement nucléaire (Trident).
Jusqu’aux années 90, le Labour fut une formation hégémonique en Écosse, une nation à la fibre sociale-démocrate. Qu’il soit aujourd’hui en voie d’extinction en dit long sur le discrédit de ce parti, aujourd’hui presque aussi haï que les conservateurs. Les Écossais n’ont pas digéré la campagne résolument pro-unioniste d’Ed Miliband lors du référendum sur l’indépendence du pays. Les conservateurs, quant à eux, sont rayés de la carte électorale depuis plus de 15 ans.
En 2010, 56,7% des Britanniques ont voté contre les partis qui proposaient des politiques d’austérité immédiates. Avant de renier cet engagement, les libéraux-démocrates préconisaient une “austerité différée” et dépendante d’une reprise économique. Depuis, allié aux Tories, le parti libéral-démocrate a mis en oeuvre des politiques d’austérité brutales et renié des promesses électorales-phares (le retour à la gratuité des frais de scolarité à l’université).
Les politiques d’austérité ont été un acte de masochisme économique et d’escroquerie politique de grande ampleur. Le gouvernement a largement échoué dans ses objectifs chiffrés de reduction du deficit public. S’il a très marginalement réduit ce déficit, c’est au prix du bradage du Royal Mail, privatisé, dont les revenus ont servi à rembourser une partie de la dette. Les ménages sont plus endettés que jamais et les emprunts toxiques des personnes sont revenus au niveau de 2008. En réduisant la voilure de l’État social, le gouvernement a de fait transféré une partie de la dette vers les ménages.
Les thèmes de l’immigration et du “Brexit” – chers à UKIP et à l’aile droite conservatrice – n’ont pas été au centre des débats. Ce sont les questions sociales qui ont prédominé. En Écosse, aux Pays de Galles, en Angleterre (les Verts), la gauche réformiste est en ascendance et la droite recule ou stagne (notamment UKIP). C’est l’une des raisons majeures de la relative contre-performance d’Ed Miliband qui n’a pas rompu totalement avec le blairisme. Les Britanniques indiquent clairement leur volonté de sortir du thatchérisme, au moment même où la France s’en approche.
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