Dans cet entretien, le parti socialiste des travailleurs, par la voix de son secrétaire général, réaffirme ses positions et ses oppositions. De la constitution aux initiatives des partis pour regrouper l’opposition en passant par les questions économiques, le PST ne veut pas dévier d’un iota de la ligne adoptée depuis quelques années.
Reporters : Pourquoi la gauche aujourd’hui n’est-elle ni visible ni audible sur le terrain. Qu’en est-il réellement ?
Mahmoud Rachedi : Quel terrain justement (rire). Nous sommes sur le terrain, mais le terrain réel. Nous sommes dans les mouvements étudiants, travailleurs, chômeurs et aux côtés de tous ceux qui luttent pour la justice sociale. Et cela, au niveau de tous les secteurs. Maintenant, si vous analysez notre absence à travers les médias, c’est vrai. Nos actions ne sont pas médiatisées. Les journalistes, aujourd’hui, rapportent la mode du moment, les stars et les personnages politiques et ils ne s’intéressent pas aux maux et contestations sociaux. Il y a des partis politiques qui ne représentent absolument rien du tout sur le terrain réel et concret, mais qui sont très visibles sur la presse.
Et puis, peut-être que vous n’êtes pas bien branché, mais nous avons animé des rencontres avec la presse nationale, des conférences thématiques et topos avec nos militants et nous restons toujours attachés à nos valeurs. Certes, vous pouvez dire que c’est insuffisant pour un parti comme le PST, mais cela est dû à diverses raisons. Y a un autre élément, et vous le savez très bien, nos conférences de presse ne sont pas hautement médiatisées. Il y a aujourd’hui des personnes qui n’existent qu’à travers la presse. Et cela n’est pas notre objectif. Cela ne veut pas dire non plus qu’on n’aime pas être médiatisés, au contraire.
En fait, même les partis au pouvoir n’existent pas dans la réalité. Ils existent qu’à travers les institutions de l’Etat et des élections antidémocratiques. Ce que je veux dire, c’est que le phénomène n’est pas propre à la gauche ou autre courant politique, mais c’est un constat qui s’applique sur tout le monde.
La dynamique de la gauche est de se construire dans les mouvements réels. Nous avons organisé un rassemblement de soutien à la population d’In Salah bien avant que des partis aillent se mettre au-devant d’une manifestation à laquelle ils n’ont jamais travaillé ou construit. Sur la dernière grève qui a secoué le secteur de l’éducation, plusieurs de nos cadres étaient même des meneurs. On est impliqués dans les luttes réelles !
Il y a aujourd’hui des velléités de rassemblement pour le changement en Algérie. La CLTD appelle à une élection présidentielles anticipée pour une transition démocratique le FFS appelle, quant à lui, à la reconstruction d’un consensus national. Le PST ne s’est affiché avec aucune partie… En ce qui concerne de la CLTD qui s’est constituée au lendemain de la « réélection » de Bouteflika pour un quatrième mandat, des partis politiques ont décidé de se rassembler, de discuter et de préparer ce qu’ils ont appelé plus tard la réunion de Zéralda. 24 h avant, on nous adresse une invitation pour y assister. Pour une plate-forme démocratique, on aurait aimé être associé et concerté à l’avance. Et ce n’est pas au moment de rendre publique devant la presse leur plate-forme qu’on invite un parti.
Ce que je veux dire par là, c’est que ça ne nous intéresse pas d’y aller juste pour remplir la salle en servant de décor et applaudir leur plate-forme. Cela dit, si l’invitation avait été faite dans les normes, on aurait assisté par principe au combat démocratique. Et puis dans la plate-forme de Mazafran, ils dénoncent les grèves, or un front démocratique est censé défendre et consolider les grèves. De plus, leur concept de transition démocratique ne prévoit à aucun moment le peuple.
C’est dire que dans leur philosophie, ce sont les partis politiques qui négocient avec le pouvoir. Inadmissible ! C’est comme si le peuple algérien n’était pas concerné, alors que la souveraineté est censée lui revenir. Nous combattons pour la démocratie et pour que le peuple puisse s’exprimer en toute liberté.
Quid du FFS ?
S’agissant du FFS qui appelle à un consensus national, c’est-à-dire trouver un consensus entre les différentes parties, il a demandé à nous voir, et nous l’avons reçu pour exposer sa démarche. Sur le principe, que ce soit avec la CLTD ou le FFS, au PST on est partant quand il s’agit d’un front démocratique, car il y a ce qu’on partage ensemble, comme la question de la femme, les libertés, tamazight… Mais quand il s’agit des questions sociales, on est certainement différents.Contrairement à eux, nous, on est anti-impérialiste et anticapitaliste. Le FFS nous a dit qu’il allait associer le pouvoir à sa démarche, nous lui avons dit que s’il s’agit d’un front, nous allons le constituer, mais dans ce cas on aura des exigences. Si le pouvoir veut s’associer pour trouver une solution démocratique, ce dernier doit montrer un minimum de volonté. C’est quoi ? Il doit lever toutes les entraves à l’exercice des libertés démocratiques en Algérie. C’est une condition sine qua non, le gel de tous les grands projets qui hypothèquent l’avenir de l’Algérie : le Code du travail, le Code sur la santé et l’adhésion de l’Algérie à l’OMC. Car on ne peut pas négocier avec un pouvoir qui nous interdit de manifester.
Le débat économique est aujourd’hui saturé par les inquiétudes sur l’avenir énergétique du pays et le recours au schiste. Etes-vous pour ou contre l’exploitation de cette énergie non conventionnelle ?
Nous nous sommes exprimés depuis longtemps sur cette question. Le système capitaliste et à l’échelle mondiale a atteint dans son développement une étape où la destruction de la planète est réelle. Le réchauffement de la planète et la crise écologique dans le monde sont devenus une réalité. Maintenant, sur l’exploitation du schiste, au PST même pour les hydrocarbures conventionnels, nous sommes contre une exploitation effrénée. Et nous plaidons pour des énergies alternatives, notamment dans le renouvelable pour préserver un minimum d’équilibre écologique.
Pour le gaz de schiste, il y a un certain nombre de pays et d’experts qui disent qu’il y a danger pour son exploitation. Il y en a d’autres qui disent le contraire. Tant mieux. Et du moment qu’il y a ces deux thèses, on exige au moins qu’il y ait une transparence dans un débat large et national sur la question. Car, ça concerne les Algériens, c’est leur destin et leur avenir, et non pas Total ou autres multinationales américaines.
Nous ne sommes pas des experts pour dire de manière catégorique non il y a danger sur les nappes albiennes ou autre chose, mais nous sommes un parti qui exige un débat politique. On est pour un référendum, on veut que le peuple algérien soit souverain sur des questions qui engagent son avenir. Et le développement ne se fera pas avec le schiste, mais dans les énergies alternatives, comme le solaire et l’halieutique.
Il y a un débat sur le secteur public et son incompétence à relever les défis, surtout économiques. Pourquoi et que préconise le PST pour sa réhabilitation ?
Je démens la thèse qui soutient que ça ne marche pas dans le secteur public. Ça marche bien et plus que la propagande le dit. Car il y a des préparatifs pour privatiser le tissu qui reste. De prime abord, la gratuité est un acquis arraché de longues luttes. Il faut dire qu’il y a un manque d’infrastructures
destinées au service public. Si on prend l’exemple du secteur de la santé, il est clair que l’effectif ne répond pas au flux des patients et malades, et donc il est tout à fait normal que la qualité ne soit pas bonne et efficace. Mais cela n’est pas dû à la gratuité, car cette dernière est censée permettre à tous les Algériens de se soigner en leur assurant une bonne qualité, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. En Algérie, il y a une volonté de marchandisation et c’est ce qui est grave et dangereux à nos yeux.
A chaque fois, il y a propagande sur tel ou tel secteur dont le but escompté est de le privatiser, comme c’était le cas avec Naftal et qui s’est avéré par la suite que c’est Qatari Wouqoud qui veut s’installer en Algérie et privatiser Naftal. Et je tiens à préciser que les multinationales ne créent aucun emploi ou autre avantage comme on le dit, elles sont là pour s’enrichir sur le dos des travailleurs, avec bien évidemment leurs relais au pouvoir, sinon d’où vient l’argent dont les comptes révélés dernièrement par la presse sur les ministres et dirigeants algériens, si ce n’est pas l’argent du peuple ?
Que reste-t-il du secteur public ? Il est détruit depuis les accords avec le FMI et l’accélération de cette spirale du libéralisme. J’ajoute que dans les années 1990, on a détruit tout le secteur du bâtiment et 500 000 travailleurs ont été mis dehors. Où sont-elles les entreprises communales, de daïras et de wilayas ? Et le ministre de l’Habitat vient aujourd’hui nous dire qu’on n’a pas d’entreprises suffisantes pour construire les logements !
Il est impératif de défendre le secteur public. Et ce qui est logique, l’argent public doit aller au secteur public. Le secteur public existe, on doit le préserver, le moderniser et lui assurer des outils de travail adéquats et l’Etat doit investir dans son élargissement. Et l’Etat ne doit pas se retirer du commerce extérieur, et j’en veux pour preuve que dès qu’il s’est retiré pour laisser champ libre aux importateurs, on a atteint 60 milliards de dollars d’importation, car, il ne faut pas se voiler la face, le privé pense qu’à gagner et s’enrichir, l’économie nationale et son épanouissement viennent en second plan.
Nous allons vers la révision constitutionnelle. Quel est votre commentaire ?
Tout d’abord, je signale que nous n’avons pas pris part aux consultations sur la Constitution initiées par Ouyahia, mais nous avons adressé un mémorandum à la présidence de la République pour exposer notre vision des choses. Si la démarche du pouvoir va jusqu’au bout, ça sera tout simplement un passage en force. Il est regrettable que les avis divergents portés par des hommes du gouvernement s’affichent à la télévision ! C’est comme si la Loi fondamentale du pays ne concerne par le peuple en premier lieu, mais juste quelques personnes. C’est du théâtre !
Ce qu’on dit nous, c’est que le peuple algérien doit se battre pour une autre Constitution issue d’une Assemblée nationale constituante et d’un projet de société garantissant les libertés, l’égalité des sexes, la justice sociale et le libre choix économique du peuple, dont l’Assemblée constituante sera l’émanation de la seule volonté des masses populaires.
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