La science politique traditionnelle peut considérer qu’il est naturel que deux partis conviennent de gouverner ensemble, mais c’est là oublier ce qui a donné naissance à Podemos suite aux slogans «ils ne nous représentent pas» du 15M tout comme la nature même du PSOE qui, en dépit des changements réalisés au sein de sa direction, continue à être une pièce de stabilisation du régime de 1978 ainsi qu’une béquille indispensable aux éléments fondamentaux des politiques néolibérales.
Frapper à la porte du Palais de Fuensalida [siège du gouvernement autonome de Castilla-La Mancha, à Tolède]
Le premier mouvement, sans précédents et sans symptômes annonciateurs, de la volonté de former un gouvernement PSOE-Podemos dans la Communauté autonome de Castilla-La Mancha a été l’annonce par José García Molina – secrétaire général régional de Podemos-CLM, qui compte deux députés aux Cortès régionales [1] et qui, sans donner plus d’explications, s’opposait depuis deux mois au vote budgétaire malgré l’adoption des amendements qu’il avait formulé – et Emiliano García-Page (PSOE), actuel président de la Junte de la Communauté autonome, véritable chantre anti-Podemos. Subitement, García-Page considère que García Molina est un partenaire de gouvernement fiable et, ce dernier, passant l’éponge, fait confiance à García-Page.
Quel est le prétendu changement qui a conduit à ce virage à 180°?
Diego Pacheco [militant de Podemos] le résume parfaitement: «14 des 17 amendements qui ont été maintenus n’ont pas été repris dans le nouveau budget (désormais caractérisé de génial), les salaires des hauts fonctionnaires ne sont pas plafonnés (alors que c’était la mesure phare de nos amendements), il n’y a pas non plus de modification en ce qui concerne les concerts éducatifs ou les cours de religion à l’école. En revanche, ce qui a effectivement été modifié – bon sang – c’est le poste consacré aux édifices publics pour l’éducation enfantine dont nous exigions une augmentation à plus de 8 millions d’euros alors qu’il a été abaissé d’un demi-million.» [2] En d’autres termes: rien, ou presque, n’a changé sur le terrain budgétaire et, pourtant, les comptes méritent maintenant non seulement l’approbation de Podemos, mais permettent également (sans passer par un programme de gouvernement commun!) d’occuper des ministères dans un rapport de forces très minoritaire. En effet, selon la formule, cela permet de garantir une capacité de pression et de surveillance de façon à ce que García-Page, disciple de José Bono [ministre de la Défense entre 2004 et 2006 et président de la Communauté autonome de Castilla-La Mancha entre 1983 et 2004], gouverne en «mode progressiste».
Alors qu’il jouissait d’un rapport de forces électoral, politique et social meilleur ainsi que d’un programme commun détaillé et signé, Diego Valderas Sosa [dirigeant andalou d’IU – Izquierda Unida, vice-président du gouvernement autonome entre 2012 et 2015] n’est pas parvenu à gouverner en «mode progressiste» en Andalousie, ce qui eut un coût électoral et de crédibilité important pour IU-CA (Andalousie). L’épisode andalou appartient à cette loi de la «proximité qui étouffe» dont, à l’époque, ont pu faire l’expérience le PCF, Die Linke ou Rifondazione Comunista lors de leur entrée dans des gouvernements, dans des contextes et des configurations divers, en position minoritaire.
José García Molina est simplement entré dans la vieille logique en politique qui veut que ou tu gouvernes, ou tu n’es personne. Emiliano García-Page y a vu une occasion en or pour neutraliser la pression que pouvait, de l’extérieur, exercer Podemos, car il dépendait de leur vote aux Cortès. Tout le monde est content.
Alors qu’une pression démocratique a été exercée, le secrétaire général de Podemos-CLM a dû consulter les adhérent·e·s [plus exactement, les «inscrits»], hâtivement, sans délibération antérieure et sereine, par le biais d’une question en contenant en réalité deux, ce qui en fait une question piège. Si je ne m’abuse, le texte de la consultation est le suivant: «penses-tu que Podemos-CLM doit voter oui au budget si un accord de gouvernement garantit de mettre en route et assure le contrôle de politiques tels que le revenu garanti ou le plan de garanties citoyennes?» [voir la note 1]. Alors que je rédige cet article, je ne connais pas encore le résultat de la consultation [les résultats et le contexte sont explicités dans l’introduction à l’article. En tant que militant de Podemos, il méritera, quel qu’il soit, mon respect démocratique, que je sois ou non d’accord avec la question.
Mais… de tout cet imbroglio, ce qui m’inquiète est qu’il semble qu’il ne s’agisse pas là d’une incidence estivale due à García Molina et García-Page, mais bien que les secrétaires généraux de Podemos et du PSOE ont parrainé ce virage. Ce qui en fait une affaire qui ne se réduit pas à Castilla-La Mancha mais qui, en soi, a une implication à l’échelle de l’Etat espagnol et qui suppose un virage quant aux rapports avec le PSOE, auquel est attribuée une patente de «force du changement» en faisant l’expérience «d’encastrement» dans son gouvernement, sans programme ni projet, ce qui, eu égard aux fiables forces, signifie l’acceptation, par Podemos, d’une relation tactique subordonnée ainsi qu’une subordination stratégique.
Vers un gouvernement PSOE-Podemos?
Le second mouvement est, suite au premier contact [le 13 juillet] entre les délégations des directions nationales de Podemos et du PSOE (réunions que je considère comme étant normales et nécessaires), que cet événement semble faire figure d’annonce d’un gouvernement alternatif. Il s’agit d’autre chose que d’un excès verbal ou d’une tactique visant à pousser le PSOE à aller plus loin. C’est simplement une erreur. Car ce gouvernement n’est actuellement ni possible ni souhaitable. Car il supposerait renoncer à modifier le rapport de forces. Car il créerait une désorientation et sonnerait les militants ainsi que la base sociale et électorale de Podemos. Car entre la «cal viva» [3] et la formation d’un gouvernement, il existe des formules stratégiques qui peuvent être mises en route pour gagner l’hégémonie, ainsi que des tactiques à vérifier et à concrétiser. Nous avons vérifié, au sein de Podemos, qu’existe une grande habileté tactique conjuguée à l’absence d’un projet stratégique. C’est là que réside son talon d’Achille.
Un champ d’accords ponctuels existe entre les deux formations politiques, d’une portée relative comme, par exemple: une augmentation réelle du salaire minimum, pas celle réalisée de manière ridicule par le PP avec l’accord de la commission de gestion du PSOE [direction intérimaire du PSOE entre octobre 2016 et mai 2017 après le «coup» contre Pedro Sánchez]; la nécessité de soutenir les forces syndicales pour qu’elles puissent obtenir des augmentations dignes de salaires; l’abrogation des deux dernières «réformes» de la législation sur le travail – dans le cas où le parti socialiste envisage de répudier des lois qu’il a lui-même soutenues –, ce qui impliquerait l’élaboration de normes alternatives permettant la prise en compte de tous les droits dans le cadre de nouveaux rapports de travail, sans quoi cela restera un vœu pieux ou encore la stimulation de mesures contre la corruption ou autres. Tout cela est nécessaire pour encourager la défense immédiate des conditions de vie et de travail de nos semblables, des classes laborieuses, de la majorité de la population. Pour cela, il n’est en revanche pas nécessaire de former un gouvernement mais, en premier lieu, plutôt indispensable de commencer à attaquer conjointement et sans trêve le PP (Parti Populaire) et le faux jeton Ciudadanos [dirigé par Albert Rivera], actuel bénéficiaire en intentions de vote du dégoût engendré par le gouvernement Rajoy [Metroscopia lui attribue, début juin 2017, 18,7% des intentions de vote, en croissance durant la dernière année, avec 19,2% à Podemos].
Mais, si l’on parle de gouvernement, il importe de ne pas oublier que le PSOE n’a pas modifié, ni entend le faire, la Loi électorale qui est un obstacle au changement politique. Il ne s’est pas engagé sur la voie d’une remise en cause du chemin emprunté depuis la contre-réforme réactionnaire de l’article 135 de la Constitution, article qui empêche de sortir du piège de la dette souveraine, des politiques de coupes budgétaires et des investissements publics [car il privilégie le remboursement de la dette sur toute autre obligation]. Il ne souhaite pas non plus aboutir à des accords qui garantissent les pensions de retraite prenant en compte les défis nécessaires. Il n’ose pas envisager des politiques qui portent atteinte aux intérêts rapaces de l’oligopole énergétique, des banques ou des multinationales espagnoles du textile, de l’hôtellerie ou des télécommunications (en réalité, les liens du PSOE avec le grand capital sont plus forts que ceux avec le peuple); sans même mentionner l’aversion que nourrit le parti socialiste envers la libre expression et la décision des peuples des nations sans Etat qui composent actuellement la réalité de l’Etat espagnol. Enfin, la position qu’ont le PSOE et Podemos sur l’Union européenne est très différente. Le premier est véritablement acritique quant à l’architecture de Maastricht [Traité de 1992]; alors que le second, bien qu’il n’ait pas encore défini une politique de désobéissance active face aux diktats de la Commission européenne ou de la BCE, est fortement opposé à ces dernières institutions.
Ces questions sont celles qui relèvent de la stratégie, celles qui délimitent les forces qui sont en faveur d’un maintien du statu quo ante, de la stabilité du régime politique, de la logique systémique du profit privé, d’un côté, et celles, de l’autre, en faveur d’une rupture démocratique, de la mise en marche d’un processus constituant et, dans un horizon plus lointain, la formation d’un gouvernement de gauche capable d’affronter les défis auxquels fait face la majorité sociale. Il n’est pas souhaitable de banaliser l’expression «faire partie d’un gouvernement», qui se banalise si n’est pas placé au centre le projet de pays et le programme qui le rend possible.
Le gouvernement progressiste
Le troisième mouvement, qui a suivi immédiatement la réunion auquel il est fait allusion plus haut, a été initié par Iñigo Errejón, sous la forme de déclarations à Juan Cruz dans le quotidien El País. Il ne mentionne plus de fenêtre d’opportunité, de gouvernement du changement, etc. mais plutôt de gouvernements progressistes – un terme tellement utilisé pour des politiques différentes – au moyen d’un accord avec le PSOE et une main tendue à Ciudadanos [4]. Ces déclarations vont au-delà de la formation d’un gouvernement entre formations de «gauche» puisqu’elles nous renvoient à des débats tenus il y a un an. Cela nous amène à la question suivante: finalement, n’est-ce pas les thèses d’Errejón qui se sont imposées? Le résultat de Vista Alegre 2 laissait penser que la question avait été tranchée. Il semble pourtant juste de reconnaître que, quelques mois plus tard, l’on ouvre à nouveau le melon et que les thèses qui triomphent en réalité sont celles-là mêmes qui ont été rejetées au vote.
En termes stratégiques, ainsi que le formule actuellement Manuel Monereo [député de Unidos Podemos, militant historique, entre autres du PCE] dans sa Lettre à une amie socialiste: «plus clairement: établir un accord avec le PSOE pour tenter de récupérer une certaine capacité offensive que la réalité n’offre pas, me semble relever d’un pure tacticisme et se diriger, sciemment, vers un accord mauvais qui ferait fi de notre programme et aiguiserait le conflit avec notre base électorale et sociale». Ce dernier aspect n’est pas futile car, ainsi que le rappelait en février 1905 le stratège Lénine à propos de certaines tentatives immatures ou inadéquates d’unité d’action, il peut arriver que ne sortent de ces expériences que l’«inévitable résultat de frictions mutuelles et d’amers désenchantements».
Cela d’autant plus si nous considérons, en premier lieu, que la fenêtre d’opportunité politique n’est pas fermée, bien qu’il est évident que les positions «restaurationistes» occupent une meilleure place sur la grille de départ [de Formule 1], elles n’occupent toutefois pas encore la pole position de l’actuel changement de cycle politique. En ce moment, certaines composantes de Podemos se laissent porter par un certain impressionnisme quant au plafond électoral de la formation violette, sans aborder l’ensemble de tâches qu’il convient d’aborder dans la lutte pour l’hégémonie.
Nous devons tenir en compte, en outre, que l’amélioration de la situation économique en Espagne non seulement ne touche pas la majorité sociale touchée par les baisses de salaires et les coupes budgétaires imposées par l’austérité, mais bien plutôt que la fameuse reprise court un risque élevé de se briser si, au lieu d’observer le court terme, nous prenons en compte, comme le signalait Anwar Shaikh dans un entretien accordé à Fernando Bercovich publié le 30 juin dans la revue Crisis, que «ce qui est certain, c’est que le système financier reste très faible et il pourrait s’effondrer initiant quelque chose d’imparable et d’inimaginable. C’est ce que j’appelle un deuxième infarctus du capitalisme, produit de la crise de 2008.»
Si la fenêtre d’opportunité s’était fermée et que la situation économique serait définitivement stabilisée, il n’existerait pas d’espace pour une force alternative comme Podemos ou, pour le dire mieux, soit elle se conformerait, soit elle connaîtrait des conditions d’existence dures qui, dans tous les cas, empêcherait la conclusion de grands accords avec le PSOE. Dans le cas d’une mise en conformité avec les forces du système, pourquoi maintenir la copie s’il existe déjà d’autres à la valeur éprouvée? Dans le cas où existeraient encore des opportunités pour travailler en faveur d’une rupture démocratique destituante ou/et que se produiraient de nouvelles convulsions économiques, pourquoi se rassembler sous le joug des forces du régime et du système?
Que peut-on/doit-on faire avec le PSOE ?
Il faudra bien faire quelque chose. Le PSOE a récupéré provisoirement une image de gauche suite à la victoire [lors de primaires en mai 2017] de Pedro Sánchez et de larges secteurs populaires se reconnaissent dans ce parti en dépit de ses trahisons et incohérences, en dépit du fait qu’en substance rien n’a changé. Une fraction de la majorité sociale se prévaut d’une identité socialiste et, en outre, ou peut-être à cause de cela, souhaite des changements profonds malgré le fait que son parti de référence refuse cela. En conséquence, la première chose qu’il importe d’éviter est toute manifestation sectaire qui empêche d’entretenir une relation et un dialogue avec ces secteurs populaires. Il faut rejeter les postures médiatiques, empêtrées dans des aspects secondaires sans se concentrer sur ce qui est important, qui éloignent la sympathie de la base socialiste. La deuxième chose consiste à mettre un terme aux rotations qui pourraient bien briser les hanches mêmes de la base sociale même de Podemos.
La troisième est, sur tous les terrains où cela est possible, mais en particulier en ce qui concerne les attaques contre le PP et sa béquille [Ciudadanos], reprendre la vieille orientation stratégique du maréchal Helmuth von Moltke lors du processus militaire d’unification de l’Etat allemand lancée par la Prusse [lors de la guerre contre le Danemark, en 1864, puis contre l’Autriche en 1866 et, enfin, la France en 1879-71]: Getrennt marschieren, vereint schlagen. Une formule que le mouvement ouvrier social-démocrate international, depuis Parvus [Alexandre Helphand, 1867-1924, révolutionnaire russe puis personnage trouble – en particulier en raison de ses liens avec les autorités allemandes durant la Première Guerre mondiale –, c’est, aux côtés de Trotski, l’un des théoriciens de la révolution permanente], a faite sienne: «marcher séparément, frapper ensemble», en ce qui concerne les rapports entre les secteurs révolutionnaires et le reste. Cela en prenant en compte le critère formulé par Marx, en mars 1850, dans son Adresse au comité central de la Ligue des communistes. Le révolutionnaire allemand signalait aussi que les occasions d’unité d’action avec les secteurs qu’il dénommait «démocratie petite-bourgeoise» pouvaient se concrétiser par «marcher avec» dans des objectifs communs et, dans d’autres, cependant, «marcher contre» dans les cas où ces secteurs souhaiteraient «s’établir elle-même solidement» [voici le passage en entier: «l’attitude du parti ouvrier révolutionnaire vis-à-vis de la démocratie petite-bourgeoise est la suivante : il marche avec elle contre la fraction dont il poursuit la chute ; il la combat sur tous les points dont elle veut se servir pour s’établir elle-même solidement»].
Par conséquent, à mon avis, la tactique de Podemos vis-à-vis du PSOE devrait consister à mettre en avant les propositions qu’il s’agit de défendre conjointement sur la base des nécessités et de la conscience populaires et, à partir de là, que chacun se situe dans l’espace qu’il estime propre. Ce «marcher séparément, frapper ensemble» ne se concrétise pas de manière univoque en une formule déterminée ou identique en toutes circonstances; elle adopte plutôt des formes différentes, selon les cas, selon le cadre, le thème, la conjoncture et le rapport de forces. Cette orientation exige de la précision tactique.
L’hypothèse stratégique et ses conséquences
Mais, encore plus important, cette orientation fondée sur le «marcher séparément, frapper ensemble» et les formules sur lesquelles elle repose, requiert qu’elle soit subordonnée, ou si l’on préfère, qu’elle s’incarne en un projet politique et stratégique doté d’un programme qui évalue jusqu’où l’on désire que la société chemine (une société d’hommes et de femmes libres et égaux?) et comment (auto-organisation et capacité d’initiative qui renforce la confiance et le pouvoir des gens?). Ce projet doit, en outre, tenir en compte les circonstances historiques dans lesquelles il se réalise.
Une fois passée l’illusion de Vista Alegre 1 d’une conquête rapide du gouvernement par Podemos comme panacée pour changer l’état des choses d’en haut et alors qu’il est évident que le changement en profondeur requiert la mise sur pied d’un gouvernement de gauche fondé sur l’auto-organisation et la mobilisation populaire, il s’agit désormais de fuir une version d’adaptation et de modération de cette conquête, qui se matérialiserait prétendument dans l’accès au gouvernement tel qu’il existe et avec ceux qui s’y trouvent, ceci étant la seule façon de modifier la situation, de pousser à une amélioration de la situation des gens et que Podemos y trouve son sens. Cette version conformiste, qui dans le fond repose sur un sentiment inexpliqué de défaite, porte pour nom le gouvernementalisme qui sous-estime avec dédain, par ignorance, la réalité et le potentiel que renferment les mouvements sociaux et qui réduit le champ d’action politique au domaine institutionnel et à l’exécutif et qui, bien entendu, ne se propose pas un changement de rupture, ni du régime politique, ni du système économique.
Suite aux premières législatives auxquels se sont présentés Podemos [en décembre 2015], il a été fait le constat collectivement que l’affaire était plus compliquée que ce qu’estimaient les thèses majoritaires. Un grand nombre de personnes sont tombées d’accord sur une analyse des tâches qui, pour utiliser les métaphores militaires utilisées par Gramsci, tournaient autour de la nécessité d’organiser/de s’organiser pour une guerre de position «difficile, qui requiert des qualités exceptionnelles de patience et d’esprit inventif» [6e Cahier de prison]. Cela équivaut, à mon sens, à fuir le piège des panacées gouvernementalistes –eu égard au rapport de forces social et politique, cette fois-ci sans effet surprise – comme le glamour de «nouvelle force politique» et, cela, sans compter sur une texture encore insuffisante en termes d’implantation sociale et de proposition politique. Gouverner oui, au moment venu, non de n’importe quelle façon, à n’importe quel prix, sans programme, lorsqu’il s’agira de le faire, et le faire pour et à partir du peuple organisé, en tenant toujours à l’esprit, avec Antonio Gramsci, qu’en «politique l’erreur provient d’une compréhension inexacte de ce qu’est l’Etat (dans son sens intégral: dictature + hégémonie)» [6e Cahier, § 155].
Actuellement, le dilemme des forces du changement est d’opter soit pour la constitution d’une alternative solide, ce qui requiert une combinaison de fermeté, de patience, d’initiative, d’esprit unitaire et constructif pour ériger un bloc politique des gens d’en bas; soit de se transformer en simples forces de pression – certes progressistes – sur les forces social-libérales, aujourd’hui encore hégémoniques parmi les classes laborieuses. Ce dilemme se traduit dans le cas de Podemos soit d’opter pour se transformer en un parti supplémentaire, soit de prétendre à être une alternative au bipartisme, au régime et au système. (Article publié le 23 juillet 2017 sur le site VientoSur.info; traduction A L’Encontre)
Le premier mouvement, sans précédents et sans symptômes annonciateurs, de la volonté de former un gouvernement PSOE-Podemos dans la Communauté autonome de Castilla-La Mancha a été l’annonce par José García Molina – secrétaire général régional de Podemos-CLM, qui compte deux députés aux Cortès régionales [1] et qui, sans donner plus d’explications, s’opposait depuis deux mois au vote budgétaire malgré l’adoption des amendements qu’il avait formulé – et Emiliano García-Page (PSOE), actuel président de la Junte de la Communauté autonome, véritable chantre anti-Podemos. Subitement, García-Page considère que García Molina est un partenaire de gouvernement fiable et, ce dernier, passant l’éponge, fait confiance à García-Page.
Quel est le prétendu changement qui a conduit à ce virage à 180°?
Diego Pacheco [militant de Podemos] le résume parfaitement: «14 des 17 amendements qui ont été maintenus n’ont pas été repris dans le nouveau budget (désormais caractérisé de génial), les salaires des hauts fonctionnaires ne sont pas plafonnés (alors que c’était la mesure phare de nos amendements), il n’y a pas non plus de modification en ce qui concerne les concerts éducatifs ou les cours de religion à l’école. En revanche, ce qui a effectivement été modifié – bon sang – c’est le poste consacré aux édifices publics pour l’éducation enfantine dont nous exigions une augmentation à plus de 8 millions d’euros alors qu’il a été abaissé d’un demi-million.» [2] En d’autres termes: rien, ou presque, n’a changé sur le terrain budgétaire et, pourtant, les comptes méritent maintenant non seulement l’approbation de Podemos, mais permettent également (sans passer par un programme de gouvernement commun!) d’occuper des ministères dans un rapport de forces très minoritaire. En effet, selon la formule, cela permet de garantir une capacité de pression et de surveillance de façon à ce que García-Page, disciple de José Bono [ministre de la Défense entre 2004 et 2006 et président de la Communauté autonome de Castilla-La Mancha entre 1983 et 2004], gouverne en «mode progressiste».
José García Molina est simplement entré dans la vieille logique en politique qui veut que ou tu gouvernes, ou tu n’es personne. Emiliano García-Page y a vu une occasion en or pour neutraliser la pression que pouvait, de l’extérieur, exercer Podemos, car il dépendait de leur vote aux Cortès. Tout le monde est content.
Alors qu’une pression démocratique a été exercée, le secrétaire général de Podemos-CLM a dû consulter les adhérent·e·s [plus exactement, les «inscrits»], hâtivement, sans délibération antérieure et sereine, par le biais d’une question en contenant en réalité deux, ce qui en fait une question piège. Si je ne m’abuse, le texte de la consultation est le suivant: «penses-tu que Podemos-CLM doit voter oui au budget si un accord de gouvernement garantit de mettre en route et assure le contrôle de politiques tels que le revenu garanti ou le plan de garanties citoyennes?» [voir la note 1]. Alors que je rédige cet article, je ne connais pas encore le résultat de la consultation [les résultats et le contexte sont explicités dans l’introduction à l’article. En tant que militant de Podemos, il méritera, quel qu’il soit, mon respect démocratique, que je sois ou non d’accord avec la question.
Mais… de tout cet imbroglio, ce qui m’inquiète est qu’il semble qu’il ne s’agisse pas là d’une incidence estivale due à García Molina et García-Page, mais bien que les secrétaires généraux de Podemos et du PSOE ont parrainé ce virage. Ce qui en fait une affaire qui ne se réduit pas à Castilla-La Mancha mais qui, en soi, a une implication à l’échelle de l’Etat espagnol et qui suppose un virage quant aux rapports avec le PSOE, auquel est attribuée une patente de «force du changement» en faisant l’expérience «d’encastrement» dans son gouvernement, sans programme ni projet, ce qui, eu égard aux fiables forces, signifie l’acceptation, par Podemos, d’une relation tactique subordonnée ainsi qu’une subordination stratégique.
Un champ d’accords ponctuels existe entre les deux formations politiques, d’une portée relative comme, par exemple: une augmentation réelle du salaire minimum, pas celle réalisée de manière ridicule par le PP avec l’accord de la commission de gestion du PSOE [direction intérimaire du PSOE entre octobre 2016 et mai 2017 après le «coup» contre Pedro Sánchez]; la nécessité de soutenir les forces syndicales pour qu’elles puissent obtenir des augmentations dignes de salaires; l’abrogation des deux dernières «réformes» de la législation sur le travail – dans le cas où le parti socialiste envisage de répudier des lois qu’il a lui-même soutenues –, ce qui impliquerait l’élaboration de normes alternatives permettant la prise en compte de tous les droits dans le cadre de nouveaux rapports de travail, sans quoi cela restera un vœu pieux ou encore la stimulation de mesures contre la corruption ou autres. Tout cela est nécessaire pour encourager la défense immédiate des conditions de vie et de travail de nos semblables, des classes laborieuses, de la majorité de la population. Pour cela, il n’est en revanche pas nécessaire de former un gouvernement mais, en premier lieu, plutôt indispensable de commencer à attaquer conjointement et sans trêve le PP (Parti Populaire) et le faux jeton Ciudadanos [dirigé par Albert Rivera], actuel bénéficiaire en intentions de vote du dégoût engendré par le gouvernement Rajoy [Metroscopia lui attribue, début juin 2017, 18,7% des intentions de vote, en croissance durant la dernière année, avec 19,2% à Podemos].
Mais, si l’on parle de gouvernement, il importe de ne pas oublier que le PSOE n’a pas modifié, ni entend le faire, la Loi électorale qui est un obstacle au changement politique. Il ne s’est pas engagé sur la voie d’une remise en cause du chemin emprunté depuis la contre-réforme réactionnaire de l’article 135 de la Constitution, article qui empêche de sortir du piège de la dette souveraine, des politiques de coupes budgétaires et des investissements publics [car il privilégie le remboursement de la dette sur toute autre obligation]. Il ne souhaite pas non plus aboutir à des accords qui garantissent les pensions de retraite prenant en compte les défis nécessaires. Il n’ose pas envisager des politiques qui portent atteinte aux intérêts rapaces de l’oligopole énergétique, des banques ou des multinationales espagnoles du textile, de l’hôtellerie ou des télécommunications (en réalité, les liens du PSOE avec le grand capital sont plus forts que ceux avec le peuple); sans même mentionner l’aversion que nourrit le parti socialiste envers la libre expression et la décision des peuples des nations sans Etat qui composent actuellement la réalité de l’Etat espagnol. Enfin, la position qu’ont le PSOE et Podemos sur l’Union européenne est très différente. Le premier est véritablement acritique quant à l’architecture de Maastricht [Traité de 1992]; alors que le second, bien qu’il n’ait pas encore défini une politique de désobéissance active face aux diktats de la Commission européenne ou de la BCE, est fortement opposé à ces dernières institutions.
Ces questions sont celles qui relèvent de la stratégie, celles qui délimitent les forces qui sont en faveur d’un maintien du statu quo ante, de la stabilité du régime politique, de la logique systémique du profit privé, d’un côté, et celles, de l’autre, en faveur d’une rupture démocratique, de la mise en marche d’un processus constituant et, dans un horizon plus lointain, la formation d’un gouvernement de gauche capable d’affronter les défis auxquels fait face la majorité sociale. Il n’est pas souhaitable de banaliser l’expression «faire partie d’un gouvernement», qui se banalise si n’est pas placé au centre le projet de pays et le programme qui le rend possible.
Le gouvernement progressiste
Le troisième mouvement, qui a suivi immédiatement la réunion auquel il est fait allusion plus haut, a été initié par Iñigo Errejón, sous la forme de déclarations à Juan Cruz dans le quotidien El País. Il ne mentionne plus de fenêtre d’opportunité, de gouvernement du changement, etc. mais plutôt de gouvernements progressistes – un terme tellement utilisé pour des politiques différentes – au moyen d’un accord avec le PSOE et une main tendue à Ciudadanos [4]. Ces déclarations vont au-delà de la formation d’un gouvernement entre formations de «gauche» puisqu’elles nous renvoient à des débats tenus il y a un an. Cela nous amène à la question suivante: finalement, n’est-ce pas les thèses d’Errejón qui se sont imposées? Le résultat de Vista Alegre 2 laissait penser que la question avait été tranchée. Il semble pourtant juste de reconnaître que, quelques mois plus tard, l’on ouvre à nouveau le melon et que les thèses qui triomphent en réalité sont celles-là mêmes qui ont été rejetées au vote.
En termes stratégiques, ainsi que le formule actuellement Manuel Monereo [député de Unidos Podemos, militant historique, entre autres du PCE] dans sa Lettre à une amie socialiste: «plus clairement: établir un accord avec le PSOE pour tenter de récupérer une certaine capacité offensive que la réalité n’offre pas, me semble relever d’un pure tacticisme et se diriger, sciemment, vers un accord mauvais qui ferait fi de notre programme et aiguiserait le conflit avec notre base électorale et sociale». Ce dernier aspect n’est pas futile car, ainsi que le rappelait en février 1905 le stratège Lénine à propos de certaines tentatives immatures ou inadéquates d’unité d’action, il peut arriver que ne sortent de ces expériences que l’«inévitable résultat de frictions mutuelles et d’amers désenchantements».
Cela d’autant plus si nous considérons, en premier lieu, que la fenêtre d’opportunité politique n’est pas fermée, bien qu’il est évident que les positions «restaurationistes» occupent une meilleure place sur la grille de départ [de Formule 1], elles n’occupent toutefois pas encore la pole position de l’actuel changement de cycle politique. En ce moment, certaines composantes de Podemos se laissent porter par un certain impressionnisme quant au plafond électoral de la formation violette, sans aborder l’ensemble de tâches qu’il convient d’aborder dans la lutte pour l’hégémonie.
Nous devons tenir en compte, en outre, que l’amélioration de la situation économique en Espagne non seulement ne touche pas la majorité sociale touchée par les baisses de salaires et les coupes budgétaires imposées par l’austérité, mais bien plutôt que la fameuse reprise court un risque élevé de se briser si, au lieu d’observer le court terme, nous prenons en compte, comme le signalait Anwar Shaikh dans un entretien accordé à Fernando Bercovich publié le 30 juin dans la revue Crisis, que «ce qui est certain, c’est que le système financier reste très faible et il pourrait s’effondrer initiant quelque chose d’imparable et d’inimaginable. C’est ce que j’appelle un deuxième infarctus du capitalisme, produit de la crise de 2008.»
Si la fenêtre d’opportunité s’était fermée et que la situation économique serait définitivement stabilisée, il n’existerait pas d’espace pour une force alternative comme Podemos ou, pour le dire mieux, soit elle se conformerait, soit elle connaîtrait des conditions d’existence dures qui, dans tous les cas, empêcherait la conclusion de grands accords avec le PSOE. Dans le cas d’une mise en conformité avec les forces du système, pourquoi maintenir la copie s’il existe déjà d’autres à la valeur éprouvée? Dans le cas où existeraient encore des opportunités pour travailler en faveur d’une rupture démocratique destituante ou/et que se produiraient de nouvelles convulsions économiques, pourquoi se rassembler sous le joug des forces du régime et du système?
Que peut-on/doit-on faire avec le PSOE ?
Il faudra bien faire quelque chose. Le PSOE a récupéré provisoirement une image de gauche suite à la victoire [lors de primaires en mai 2017] de Pedro Sánchez et de larges secteurs populaires se reconnaissent dans ce parti en dépit de ses trahisons et incohérences, en dépit du fait qu’en substance rien n’a changé. Une fraction de la majorité sociale se prévaut d’une identité socialiste et, en outre, ou peut-être à cause de cela, souhaite des changements profonds malgré le fait que son parti de référence refuse cela. En conséquence, la première chose qu’il importe d’éviter est toute manifestation sectaire qui empêche d’entretenir une relation et un dialogue avec ces secteurs populaires. Il faut rejeter les postures médiatiques, empêtrées dans des aspects secondaires sans se concentrer sur ce qui est important, qui éloignent la sympathie de la base socialiste. La deuxième chose consiste à mettre un terme aux rotations qui pourraient bien briser les hanches mêmes de la base sociale même de Podemos.
La troisième est, sur tous les terrains où cela est possible, mais en particulier en ce qui concerne les attaques contre le PP et sa béquille [Ciudadanos], reprendre la vieille orientation stratégique du maréchal Helmuth von Moltke lors du processus militaire d’unification de l’Etat allemand lancée par la Prusse [lors de la guerre contre le Danemark, en 1864, puis contre l’Autriche en 1866 et, enfin, la France en 1879-71]: Getrennt marschieren, vereint schlagen. Une formule que le mouvement ouvrier social-démocrate international, depuis Parvus [Alexandre Helphand, 1867-1924, révolutionnaire russe puis personnage trouble – en particulier en raison de ses liens avec les autorités allemandes durant la Première Guerre mondiale –, c’est, aux côtés de Trotski, l’un des théoriciens de la révolution permanente], a faite sienne: «marcher séparément, frapper ensemble», en ce qui concerne les rapports entre les secteurs révolutionnaires et le reste. Cela en prenant en compte le critère formulé par Marx, en mars 1850, dans son Adresse au comité central de la Ligue des communistes. Le révolutionnaire allemand signalait aussi que les occasions d’unité d’action avec les secteurs qu’il dénommait «démocratie petite-bourgeoise» pouvaient se concrétiser par «marcher avec» dans des objectifs communs et, dans d’autres, cependant, «marcher contre» dans les cas où ces secteurs souhaiteraient «s’établir elle-même solidement» [voici le passage en entier: «l’attitude du parti ouvrier révolutionnaire vis-à-vis de la démocratie petite-bourgeoise est la suivante : il marche avec elle contre la fraction dont il poursuit la chute ; il la combat sur tous les points dont elle veut se servir pour s’établir elle-même solidement»].
Par conséquent, à mon avis, la tactique de Podemos vis-à-vis du PSOE devrait consister à mettre en avant les propositions qu’il s’agit de défendre conjointement sur la base des nécessités et de la conscience populaires et, à partir de là, que chacun se situe dans l’espace qu’il estime propre. Ce «marcher séparément, frapper ensemble» ne se concrétise pas de manière univoque en une formule déterminée ou identique en toutes circonstances; elle adopte plutôt des formes différentes, selon les cas, selon le cadre, le thème, la conjoncture et le rapport de forces. Cette orientation exige de la précision tactique.
L’hypothèse stratégique et ses conséquences
Mais, encore plus important, cette orientation fondée sur le «marcher séparément, frapper ensemble» et les formules sur lesquelles elle repose, requiert qu’elle soit subordonnée, ou si l’on préfère, qu’elle s’incarne en un projet politique et stratégique doté d’un programme qui évalue jusqu’où l’on désire que la société chemine (une société d’hommes et de femmes libres et égaux?) et comment (auto-organisation et capacité d’initiative qui renforce la confiance et le pouvoir des gens?). Ce projet doit, en outre, tenir en compte les circonstances historiques dans lesquelles il se réalise.
Une fois passée l’illusion de Vista Alegre 1 d’une conquête rapide du gouvernement par Podemos comme panacée pour changer l’état des choses d’en haut et alors qu’il est évident que le changement en profondeur requiert la mise sur pied d’un gouvernement de gauche fondé sur l’auto-organisation et la mobilisation populaire, il s’agit désormais de fuir une version d’adaptation et de modération de cette conquête, qui se matérialiserait prétendument dans l’accès au gouvernement tel qu’il existe et avec ceux qui s’y trouvent, ceci étant la seule façon de modifier la situation, de pousser à une amélioration de la situation des gens et que Podemos y trouve son sens. Cette version conformiste, qui dans le fond repose sur un sentiment inexpliqué de défaite, porte pour nom le gouvernementalisme qui sous-estime avec dédain, par ignorance, la réalité et le potentiel que renferment les mouvements sociaux et qui réduit le champ d’action politique au domaine institutionnel et à l’exécutif et qui, bien entendu, ne se propose pas un changement de rupture, ni du régime politique, ni du système économique.
Suite aux premières législatives auxquels se sont présentés Podemos [en décembre 2015], il a été fait le constat collectivement que l’affaire était plus compliquée que ce qu’estimaient les thèses majoritaires. Un grand nombre de personnes sont tombées d’accord sur une analyse des tâches qui, pour utiliser les métaphores militaires utilisées par Gramsci, tournaient autour de la nécessité d’organiser/de s’organiser pour une guerre de position «difficile, qui requiert des qualités exceptionnelles de patience et d’esprit inventif» [6e Cahier de prison]. Cela équivaut, à mon sens, à fuir le piège des panacées gouvernementalistes –eu égard au rapport de forces social et politique, cette fois-ci sans effet surprise – comme le glamour de «nouvelle force politique» et, cela, sans compter sur une texture encore insuffisante en termes d’implantation sociale et de proposition politique. Gouverner oui, au moment venu, non de n’importe quelle façon, à n’importe quel prix, sans programme, lorsqu’il s’agira de le faire, et le faire pour et à partir du peuple organisé, en tenant toujours à l’esprit, avec Antonio Gramsci, qu’en «politique l’erreur provient d’une compréhension inexacte de ce qu’est l’Etat (dans son sens intégral: dictature + hégémonie)» [6e Cahier, § 155].
Actuellement, le dilemme des forces du changement est d’opter soit pour la constitution d’une alternative solide, ce qui requiert une combinaison de fermeté, de patience, d’initiative, d’esprit unitaire et constructif pour ériger un bloc politique des gens d’en bas; soit de se transformer en simples forces de pression – certes progressistes – sur les forces social-libérales, aujourd’hui encore hégémoniques parmi les classes laborieuses. Ce dilemme se traduit dans le cas de Podemos soit d’opter pour se transformer en un parti supplémentaire, soit de prétendre à être une alternative au bipartisme, au régime et au système. (Article publié le 23 juillet 2017 sur le site VientoSur.info; traduction A L’Encontre)
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[1] Les Cortès de Castilla-La Mancha comptent trois groupes parlementaires: celui du PSOE, avec 15 députés, celui du PP avec 16 et Podemos avec 2. Le vote de Podemos est indispensable, si le PP s’oppose, pour faire adopter le budget ou une quelconque décision législative. Les deux députés de Podemos sont le secrétaire régional José García Molina, favorable à l’entrée au gouvernement, et David Llorente, également membre d’Anticapitalistas. Ce dernier est opposé à l’entrée au gouvernement. Voir l’introduction de A l’Encontre à l’article, d’Isidro López et Raúl Camargo, publié en date du 26 juillet 2017. (Réd. A l’Encontre)
[3] Le terme fait référence à la «guerre sale» menée par les GAL (Grupos Antiterroristas de Liberación), formation clandestine soutenue secrètement par le Ministère de l’intérieure du premier gouvernement Felipe González. Les GAL ont été actifs contre l’ETA (ou des personnes faussement liées à ce dernier) entre 1983 et 1987, principalement au Pays basque français (l’activité du groupe avait d’ailleurs pour fonction de faire pression sur le gouvernement français pour qu’il soit plus actif dans la répression d’ETA). Plus précisément, cal viva (chaux vive) se rapporte à l’assassinat par les GAL de deux jeunes basques, José Antonio Lasa et José Ignacio Zabala, à Bayonne en octobre 1983. L’auteur de l’article, Manuel Garí entend contraster l’attitude présente de Podemos qui semble envisager d’entrer, sans programme ni principes, dans des gouvernements avec le PSOE, avec l’orientation antérieure de Podemos envers le PSOE, en particulier telle qu’elle a été manifestée lors du débat d’investiture du 2 mars 2016 lorsque Pablo Iglesias attaqua le PSOE en termes durs, faisant référence à cet épisode («Felipe González a les mains tachées de chaux vive» avait-il déclaré) avec pour objectif affiché de séparer un PSOE lié au passé et à cet épisode, à la «vieille garde», à un PSOE pouvant s’entendre avec Podemos pour des changements politico-sociaux (Réd. A l’Encontre)
[4] El País, 16 juillet 2017
[5] Lénine, référence à l’article du 12 août 1906.
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