vendredi 18 décembre 2015

Espagne : élections générales dimanche prochain. entretien avec Lola Sanchez, PODEMOS


Députée européenne de Podemos, Lola Sánchez est reconnue pour son travail inlassable de dénonciation des dangers des traités commerciaux internationaux, en particulier du TTIP/TAFTA. Lors de l'Assemblée citoyenne, le congrès de fondation de Podemos, elle s'est positionnée en faveur de Sumando Podemos, présenté comme le courant critique du nouveau parti. A trois jours des élections législatives espagnoles - qui détermineront la composition du parlement et du gouvernement - elle nous livre ses attentes, ses espoirs et les enjeux de l'élection.

Ensemble - Les élections législatives auront lieu le 20 décembre dans l'Etat espagnol. Il y a quelques mois les sondages situaient Podemos comme la première ou la seconde force politique. Après une baisse continue dans les sondages, on note une remontée significative ces deux dernières semaines. Quelles sont tes expectatives pour ces élections ?

Lola Sánchez - Si les sondages reflétaient la réalité, je ne serais pas députée européenne aujourd'hui. Il est clair que le système se défend avec toutes les armes qu'il détient et la plus puissante c'est celle des moyens de communication. L'utilisation politique des sondages est une veille combine, même si je comprends que la période actuelle n'est pas la même que celle des européennes. Je ne crois pas que ces sondages ont été trop manipulé mais il est évident qu'eils ne sont pas fiables.

Je crois profondément que les sondages ne peuvent pas montrer la "marée" que représente Podemos autant pour la politique espagnole qu'européenne. Lors des précédentes élections, Podemos n'était pas représenté et ça c'est une donnée essentielle à l'heure de faire des pronostics électoraux.

Pour cette raison je me fis plus de mon instinct mais aussi des personnes moins politisées que ressentent et qui montre que quelque chose est en train de se passer ; que beaucoup de choses ont déjà changé et que pour certaines il n'y a pas de retour en arrière possible. Je dois dire que ça m'émeut et ça me donne beaucoup d'espoir quand certaines personnes m'avouent qu'elles vont voter Podemos, qu'elles soient militaire, entrepreneur millionnaire ou lobbyiste dans les couloirs de Bruxelles. Nous sommes sur la rampe de lancement et nous allons obtenir un résultat bien meilleur que ce que nous prédisent les sondages. C'est ce qui s'est déjà passé à chaque élection depuis que nous existons. 

Ensemble - Dans son discours, Podemos insiste sur le fait que lors de ces élections, c'est "la décennie qui est en jeu", soulignant ainsi le potentiel profond changement du système politique espagnol. Comment situerais-tu ces élections dans une perspective historique plus large ?


Lola - Nous sommes dans un moment clé de l'histoire démocratique espagnole, nous sommes en train de vivre une révolution démocratique, un point d'inflexion ou les partis traditionnels, leurs discours ou leur manière de s'exprimer on vieillit d'un coup. En une année seulement, beaucoup, beaucoup de personnes courageuses ont commencé à faire de la politique, que ce soit dans les cercles (les structures de bases de Podemos) ou comme élus ; des personnes qui n'avaient jamais pensé rentrer en politique et encore moins de se présenter à des élections parce qu'ils voyaient la sphère politique comme un espace réservé aux élites, sombre et moche.

Qu'autant de personnes dans notre pays aient fait ce pas montre bien qu'il y a eu tout un processus d'évolutions des consciences, des perceptions et des volontés ; et qu'il n'y a pas de retour en arrière possible. Nous n'allons pas céder cet espace conquis par les gens, au nom de la majorité et pour le bien de la majorité. C'est cela l'élément marquant et le produit du 15M (le mouvement des indignés) qui a ouvert la fissure par laquelle toutes ces personnes courageuses sont arrivées dans les institutions, les espaces de débat et les décisions publiques.

Ensemble - Durant la campagne, il a été critiqué un certain "recentrage" du discours de Podemos. Toi qui a été élue lors de la première élection à laquelle s'est présenté Podemos, comment vois-tu cette évolution du discours ?

Lola - Il est vrai qu'il y a eu un certain relâchement par rapport à nos postures initiales. Je regrette que l'on n'utilise plus autant le discours totalement rupturiste et courageux, celui des gens de la rue, qui appelait les choses par leurs noms. De plus je pense que nous ne devrions pas rechercher le vote de n'importe qui. Si nous voulons mettre en place des politiques nouvelles, prendre des mesures sociales et économiques pionnières, nous devons compter sur l'appui réel de nos électeurs et le soutien sans failles de gens. Je reconnais que je ne veux pas les votes de ceux qui ont une idéologie ou des intérêts, qui une fois arrivé au pouvoir, font qu'ils arrêtent de nous soutenir. Nous avons des lignes rouges inamovibles, comme la défense des biens publics, de la démocratie participative ou des droits de l'homme comme valeur suprême et contraignante.

Ensemble - Comment vois-tu "l'après élections législatives" en terme de relation avec les autres forces politiques proches de Podemos et d'organisation interne du parti ?

Lola - L'organisation interne du parti a montré qu'elles avaient des failles, comme c'est le cas dans n'importe quelle organisation humaine mais aussi parce que nous nous sommes créés récemment et que nous sommes très exigeants. Sur certains aspects nous devons être très radicales, c'est à dire totalement intolérants avec certains comportements, dynamiques, styles et résultats. S'il faut nous réorganiser mille fois, nous le ferons mais nous ne devons jamais tombés dans ce trou noir qu'est la politique traditionnelle. Comme je le disais, en 2016, au niveau interne, nous devons nous asseoir, dialoguer et inventer. 

La relation avec les autres formations politiques dépendra beaucoup du résultat de celles-ci. Si Podemos obtient un bon résultat et entre avec forces au Congrès, nous serons en position de diriger un front large des forces progressistes de tout l'État qui pourra mettre en place (ou dans le pire des cas influencer significativement) un agenda de politique sociales et économiques alternatives.

Propos recueillis et traduits par Pierre Marion le 17 décembre 2015.

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