mardi 24 novembre 2015
Espagne :pas en notre nom. "Nous nous refusons à être les otages de la haine, de la terreur y de l'intolérance"
En toile de fond d'une éventuelle implication militaire espagnole en Syrie, un groupe de maires - au premier rang desquels Ada Colau, mairesse de Barcelone et José María González, Kichi, maire de Cadix - associé à des grands noms de la culture, lancent un manifeste : "Pas en notre nom". Cherchant reprendre l'esprit des puissantes mobilisations de 2003 contre la guerre en Irak et le gouvernement Aznar, ils veulent relancer un mouvement anti-guerre large et pluraliste.
Pas en notre nom
Les attentats perpétrés à Paris le 13 novembre dernier cherchaient à instaurer un climat et un régime de terreur dans la population en levant des murs de soupçon y de haine entre voisins, en rompant le vivre-ensemble et en instaurant au quotidien la politique de la peur.
Si la réponse à la barbarie passe par la suspension des droits, la réduction les libertés et le renfermement sur soi, la victoire du terrorisme sera total. Si à la souffrance ressentie pour les victimes innocentes, on répond par encore plus de souffrance, la spirale sera imparable. Si l'on cherche des coupables parmi nos voisins pour le simple fait qu'ils s'habillent ou qu'ils pensent différemment, si nous criminalisons ceux qui précisément fuit cette même horreur, nous contribuerons à construire les mêmes murs que le fanatisme veux créer. Nous ne pouvons pas le permettre.
Le terrorisme fanatique de Daesh est fonctionnel, il rétroalimente le raciste fanatique en Europe. Dans le même temps, nos gouvernements réduisent les droits sociaux et les libertés fondamentales, alimentent la xénophobie institutionnelle et bombardent aveuglement - bombardements qui se sont révélés inefficaces. Nous nous refusons à participer à ce marchandage entre droits et sécurité.
dimanche 22 novembre 2015
Liberté pour Koltchenko, Sentsov et Afanassiev
Mardi 24 novembre s'ouvrira le procès en appel d'Alexandr Koltchenko et Oleg Sentsov à Rostov-sur-le-Don (Russie). Ce sont deux citoyens ukrainiens qui se sont mobilisés contre l'annexion de la Crimée par la Russie en 2014 et l'ont payé de leur liberté. A l'issue du procès en première instance en août dernier, Sentsov a écopé d'une peine de 20 ans de détention en colonie pénitentiaire et Koltchenko s'est vu infliger 10 ans de prison sous le même régime.
Le pouvoir russe qui tient la justice de ce pays en laisse leur reproche d'avoir commis des attentats contre les locaux d'officines favorables au régime de Poutine comme Russie unie, d'avoir fait sauter des monuments comme la statue de Lénine à Simféropol (Crimée) ou encore d'être impliqués dans la préparation d'attentats contre des infrastructures économiques... pour le compte de l'organisation d'extrême droite ukrainienne Pravy Sektor (Secteur droit).
Non seulement Koltchenko et Sentsov nient en bloc ces accusations mensongères, mais elles sont d'autant plus grotesques que Koltchenko, syndicaliste étudiant, militant anarchiste et écologiste est connu pour son engagement antifasciste et pour avoir été déjà agressé lui-même par des nervis d'extrême droite précisément pour cette raison.
Quant à Oleg Sentsov, c'est un cinéaste progressiste dont les valeurs et les engagements sont aux antipodes des idées défendues par les ultranationalistes ukrainiens.
Enfin Guenadi Afanassiev, avocat ukrainien, a été condamné à 7 ans de colonie pénitentiaire au printemps dernier à Moscou dans la même affaire après avoir « choisi » de collaborer avec la justice russe. Lors du procès de Koltchenko et Sentsov, il a déclaré avoir faussement accusé ces deux derniers après avoir été torturé. Ce procès qui se voulait exemplaire pour le régime russe a révélé une parodie de justice.
mercredi 18 novembre 2015
Attentats: «De quelle guerre s’agit-il ?», par Etienne Balibar
Nous sommes en guerre. Ou plutôt nous sommes tous désormais dans la guerre. Nous portons des coups, nous en recevons. Après d’autres, avant d’autres, hélas, prévisibles, nous en payons le prix et nous en portons le deuil. Car chaque mort est irremplaçable. Mais de quelle guerre s’agit-il?
Il n’est pas simple de la définir, car elle est faite de plusieurs types, accumulés avec le temps, et qui paraissent inextricables. Guerres d’Etat à Etat (voire à pseudo-Etat, comme Daech). Guerres civiles nationales et transnationales. Guerre de «civilisations», ou du moins se pensant comme telle. Guerre d’intérêts et de clientèles impérialistes. Guerre de religions et de sectes ou justifiées comme telles.
C’est la grande stasis [1] du XXIe siècle, qu’on comparera plus tard – si on en sort – à ses lointains modèles: la guerre du Péloponnèse, la guerre de Trente Ans, ou la «guerre civile européenne» de 1914-1945…
En partie issue des interventions américaines au Moyen-Orient, avant et après le 11 septembre 2001, elle s’est intensifiée par la poursuite de ces interventions, auxquelles participent désormais surtout la Russie et la France, chacune avec ses objectifs. Elle plonge aussi ses racines dans la féroce rivalité entre des Etats qui aspirent tous à l’hégémonie régionale: Iran, Arabie saoudite, Turquie, voire Egypte, et d’une certaine façon Israël – la seule puissance nucléaire pour le moment.
Dans une violente abréaction collective, elle précipite tous les comptes non soldés des colonisations et des empires: minorités opprimées, frontières arbitrairement tracées, ressources minérales expropriées, zones d’influence, gigantesques contrats d’armement. Elle cherche et trouve à l’occasion des soutiens dans les populations adverses.
Le pire, c’est qu’elle réactive les «haines théologiques» millénaires: les schismes de l’islam, l’affrontement des monothéismes et de leurs succédanés laïques.
mardi 17 novembre 2015
Daesh dans Paris, par Tariq Ali
L’historien et romancier britannique Tariq Ali nous a autorisés à traduire un texte publié au lendemain des attentats de Paris. Il s’y interroge sur la pertinence de la politique étrangère française, les origines de Daesh et les fragilités du Moyen-Orient.
Daesh a donc revendiqué les attentats commis à Paris comme une réponse adressée à la France dont les forces, au Moyen-Orient, bombardent le "califat".
Il est indéniable que Hollande et Valls sont des bellicistes. L’ironie de l’histoire veut que ces derniers se soient même apprêtés à renverser le régime d’Assad (jusqu’à ce que Washington n’impose un délai à leurs visées), ce qui aurait fait d’eux des alliés de Daesh dans la région.
lundi 16 novembre 2015
Le terrorisme n’a ni religion ni frontières !, par Front populaire (Tunisie)
La France a été la cible d’une vague d’attentats terroristes qui a frappé plusieurs sites commerciaux et culturels de Paris et sa banlieue, vendredi 13 novembre, et a fait près de 130 morts et des dizaines de blessés en état grave.
A cette douloureuse occasion, le Front Populaire de Tunisie :
- présente ses sincères condoléances au peuple français et l’assure de son soutien total dans cette pénible épreuve ;
- condamne avec la plus grande fermeté ces lâches actes terroristes qui ne font que dévoiler, encore une fois, le vrai visage de ces groupes terroristes ennemis de l’humanité et de la civilisation ;
- considère que les agissements barbares de ces groupes takfiristes n’ont de but que de s’attaquer aux idéaux des lumières, de la liberté et de la coexistence entre les religions, les cultures et les idées ;
- appelle les forces progressistes en France à faire preuve de vigilance afin que l’état d’urgence décrété par les autorités françaises ne soit pas un prétexte pour porter atteinte aux libertés et exacerber les sentiments racistes à l’encontre des millions d’étrangers résidant en France, et en particulier à l’égard de la communauté arabe et musulmane qui n’a aucun rapport avec le terrorisme mené par des groupes terroristes takfiristes, soutenus par des milieux réactionnaires et ennemis des peuples ;
dimanche 15 novembre 2015
Grèce. Avec l’Unité Populaire face à de nouveaux affrontements, par Antonis Ntavanellos
Le débat sur l’orientation de la gauche radicale en Grèce est à un tournant. Il est défini par le commencement du troisième assaut mémorandaire – sous la direction politique du gouvernement de coalition SYRIZA-ANEL (Grecs indépendants), par la question de la possibilité-plausibilité d’une résistance de masse, ouvrière et populaire, et par la question de l’expression politique de cette résistance dans l’ère post-SYRIZA (au sens de post-gouvernement Tsipras, élu en janvier 2015, et de son évolution jusqu’au 13 juillet 2015, date de la proposition qu’il a faite pour un troisième mémorandum).
L’Unité Populaire (UP) est un «lieu» central dans cette discussion. Parce que, malgré la défaite électorale de 20 septembre 2015 [l’UP a réuni 2,86 % des suffrages, n’atteignant pas le seuil de 3 % permettant l’entrée dans le Parlement], l’UP maintient un nombre important des militant·e·s au niveau national, un effectif organisé de façon, même rudimentaire, en « organisations » locales et sectorielles, des forces militantes faisant référence au marxisme (sous des angles divers) et à une perspective socialiste. Dans ses rangs existe un rassemblement de militant·e·s disposant d’une expérience dans l’organisation des luttes et dans une intervention dite de masse.
En même temps, l’UP pourrait et devrait jouer un rôle clef : dans le tournant des hommes et des femmes qui se sont détachés de SYRIZA (et qui vont continuer à s’en détacher…), dans la relation de tous ses militants avec les composantes d’ANTARSYA [Front anticapitaliste], mais aussi dans les liens possibles avec des fractions de la basse militante du KKE (PC). C’est pourquoi la discussion au sein de l’UP, en vue de la première Pré-conférence nationale (de fin 2015), mais aussi de la Première Conférence nationale – début 2016 – est de grande importance. Repérons quelques points fondamentaux de cette discussion.
vendredi 13 novembre 2015
Zoe Konstantopoulou : « Le gouvernement grec a sacrifié la démocratie »
Entretien inédit pour le site de Ballast : http://www.revue-ballast.fr/zoe-konstantopoulou/
On
connaît Zoe Konstantopoulou comme la seconde femme à avoir pris le rôle
de présidente du Parlement grec. Largement élue à ce poste en tant que
membre de Syriza au début du mois de février 2015, elle le quitta le
4 octobre de la même année, cette fois comme membre d'Unité populaire
— un parti formé après l'annonce des élections anticipées. Tout au long
de ces huit mois, Konstantopoulou a marqué les esprits pour son travail
au sein de la Commission pour la vérité sur la dette publique grecque
autant que pour son respect des règles démocratiques, son opposition
forcenée à la capitulation du gouvernement Tsípras et sa pugnacité à
contredire l'affirmation que celui-ci n'avait pas d'autre choix… Elle
s'est moins exprimée sur la question monétaire, sa vision actuelle des «
plans B », ou encore sa courte mais intense expérience de l'exercice du
pouvoir : nous la retrouvons à Bruxelles, dans le hall de son hôtel —
l'échange se fait en français. Un éclairage de l'intérieur sur ces
quelques mois qui ont chamboulé l'Europe et trahi les espoirs du peuple
grec.
On
connaît votre parcours d'avocate spécialisée dans les droits de
l'homme, mais moins votre parcours politique avant de rejoindre Syriza.
Quel a-t-il été ?
En tant qu'étudiante, j'ai été membre des
représentations syndicales des étudiants, au sein de syndicats
indépendants. Dans mon parcours, je n'ai jamais cherché à m'inscrire
dans des partis politiques ; la première fois que j'ai participé à un
processus électoral, c'était lors des élections européennes de 2009, sur
la liste de Syriza dont je n'étais pas membre. Je me suis présentée non
pas pour être élue, mais pour soutenir cette liste. En 2012, j'ai été
élue et c'est alors que je me suis faite membre de Syriza. C'était au
moment où le parti s'était unifié et se concevait comme celui de ses
membres ; c'est justement ce pari qui m'avait incité à rejoindre un
parti politique, pour la première fois. Et c'est l'échec de ce but
proclamé qui, à mon avis, a conduit à la dissolution de Syriza. Car, en
vérité, ce qui apparaît comme Syriza aujourd'hui n'a plus rien à voir
avec le Syriza dont j'ai fait partie.
jeudi 12 novembre 2015
Portugal. Bloco de Esquerda : une stratégie pragmatique et radicale, par Philippe Marlière
En parvenant à un accord de gouvernement historique, les gauches portugaises se sont rapprochées et engagées dans un programme de compromis contre l’austérité, en tirant notamment les leçons de la défaite de Syriza.
Pour la première fois depuis la Révolution des œillets en 1974, la gauche portugaise (Parti socialiste, Bloco de Esquerda et CDU, qui regroupe le Parti communiste et les Verts) est unie. Elle vient de sceller un accord de gouvernement sans participation ministérielle de BE, du PCP et du PVE, qui pose les bases d’une politique antiaustéritaire engageant l’ensemble de la gauche.
Le coup de barre à gauche du PS
Les résultats de l’élection législative du 4 octobre ont été interprétés de manière tendancieuse par la plupart des commentateurs qui ont déclaré la droite victorieuse. La coalition des deux partis de droite (PSD et CDS-PP) a recueilli 38,3% et 107 des 230 sièges. La gauche PS-BE-PCP est, pour sa part, nettement majoritaire au parlement : elle a obtenu 50,8% des voix et dispose de 121 sièges. Les médias ont joué un rôle quasi-séditieux, mettant en garde contre le “péril communiste” dans le pays.
Le 22 octobre, le président Aníbal Cavaco Silva a chargé Pedro Passos Coelho, le premier ministre sortant, de former un gouvernement. Mais il a outrepassé ses prérogatives constitutionnelles en demandant aux députés socialistes de « se rebeller contre leur dirigeant » António Costa. Il a déclaré qu’il « ne laisserait pas des forces eurosceptiques [la gauche radicale] accéder au pouvoir ». Il s’est donc comporté en gardien zélé de l’orthodoxie austéritaire en Europe.
vendredi 6 novembre 2015
Portugal : une nouvelle situation politique, entretien avec Francisco Louça
Economiste
et ancien porte-parole du Bloco de Esquerda (Bloc de gauche), Francisco
Louçã revient sur les élections législatives portugaises qui ont eu
lieu le 4 octobre, et notamment sur l’excellent résultat obtenu par le
Bloco. Il insiste en particulier sur les leçons de l’expérience de
pouvoir de Syriza, notamment le fait qu’ « on ne peut pas négocier une restructuration de la dette sans être préparé à rompre avec l’euro ».
Comment analyses-tu les résultats des élections législatives qui ont eu lieu il y a environ un mois au Portugal ?
Le taux d’abstention de 43% est légèrement supérieur aux chiffres habituels, mais il doit être relativisé : l’abstention est gonflée par l’émigration de près de 400 000 citoyens portugais pendant les années de la troïka, et parmi eux, principalement des jeunes bel et bien inscrits sur les registres électoraux mais dans l’incapacité de voter car résidant à l’étranger. Quant aux résultats, on les connait : la coalition gouvernementale de droite a subi un net recul (elle perd 750 000 voix, soit 12% et 25 députés ; le PSD [Parti social-démocrate, droite] et le CDS [Centre démocratique social, droite] obtiennent ensemble moins de votes que le PSD seul en 2011), mais reste la force politique la plus plébiscitée. Le PS [parti socialiste] augmente son score de 200 000 votes, récupère 12 députés supplémentaires mais reste loin de la droite (7 points de moins). Le PCP [Parti communiste portugais] gagne 4000 votes et un député. Enfin le Bloco [Bloc de gauche] voit son score s’améliorer de 260 000 voix et obtient 19 députés, devenant ainsi le troisième plus grand parti du pays, derrière le PSD et le PS, mais devançant le CDS et le PCP. En plus d’avoir doublé sa représentation dans les districts de Lisboa, Porto et Setúbal, le Bloco est la seule force politique de gauche qui est parvenue à élire des députés dans ceux de Madère, Leiria, Coimbra et Aveiro.
Comment la situation politique a évolué au Portugal ces dernières semaines, après les élections ? Est-ce que la décision prise par le président de la République Cavaco Silva, membre du PSD (droite), de demander à la droite de former un gouvernement alors qu’elle est minoritaire par rapport à l’ensemble des partis de gauche (PS, PCP et Bloco), constitue un coup d’État constitutionnel (comme on l’a entendu) ?
Non, d’un point de vue institutionnel la décision de Cavaco Silva est normale. Il invite le leader du parti qui a obtenu le score le plus élevé de former un gouvernement. Il est certain qu’il aide ainsi son propre parti à dramatiser le conflit politique et que ce gouvernement sera plombé au parlement, mais c’est une tactique de court terme. En contrepartie, les négociations entre le PS et la gauche se poursuivent et sont difficiles. Le PS a déjà accepté de mettre fin aux processus de privatisations et de revenir sur les coupes dans les salaires et les pensions de retraite, mais il y a des divergences importantes concernant la gestion de la dette publique et de la dette extérieure, qui conditionne la politique d’investissement et de création d’emploi. Pour les deux partis de gauche [le PCP et le Bloc de gauche], participer à ces négociations était l’unique solution possible, car dans le cas contraire ils auraient permis le maintien du gouvernement qui a conduit la politique de la Troïka. Mais le PS a donné bien peu de garanties d’une stratégie alternative, et c’est pour cela que la négociation est complexe. Le Bloc de gauche maintient les conditions qu’il avait formulées durant la campagne électorale et qui représentent un gain important pour les conditions de vie des travailleurs•ses et pour le combat contre les inégalités.
Le taux d’abstention de 43% est légèrement supérieur aux chiffres habituels, mais il doit être relativisé : l’abstention est gonflée par l’émigration de près de 400 000 citoyens portugais pendant les années de la troïka, et parmi eux, principalement des jeunes bel et bien inscrits sur les registres électoraux mais dans l’incapacité de voter car résidant à l’étranger. Quant aux résultats, on les connait : la coalition gouvernementale de droite a subi un net recul (elle perd 750 000 voix, soit 12% et 25 députés ; le PSD [Parti social-démocrate, droite] et le CDS [Centre démocratique social, droite] obtiennent ensemble moins de votes que le PSD seul en 2011), mais reste la force politique la plus plébiscitée. Le PS [parti socialiste] augmente son score de 200 000 votes, récupère 12 députés supplémentaires mais reste loin de la droite (7 points de moins). Le PCP [Parti communiste portugais] gagne 4000 votes et un député. Enfin le Bloco [Bloc de gauche] voit son score s’améliorer de 260 000 voix et obtient 19 députés, devenant ainsi le troisième plus grand parti du pays, derrière le PSD et le PS, mais devançant le CDS et le PCP. En plus d’avoir doublé sa représentation dans les districts de Lisboa, Porto et Setúbal, le Bloco est la seule force politique de gauche qui est parvenue à élire des députés dans ceux de Madère, Leiria, Coimbra et Aveiro.
Comment la situation politique a évolué au Portugal ces dernières semaines, après les élections ? Est-ce que la décision prise par le président de la République Cavaco Silva, membre du PSD (droite), de demander à la droite de former un gouvernement alors qu’elle est minoritaire par rapport à l’ensemble des partis de gauche (PS, PCP et Bloco), constitue un coup d’État constitutionnel (comme on l’a entendu) ?
Non, d’un point de vue institutionnel la décision de Cavaco Silva est normale. Il invite le leader du parti qui a obtenu le score le plus élevé de former un gouvernement. Il est certain qu’il aide ainsi son propre parti à dramatiser le conflit politique et que ce gouvernement sera plombé au parlement, mais c’est une tactique de court terme. En contrepartie, les négociations entre le PS et la gauche se poursuivent et sont difficiles. Le PS a déjà accepté de mettre fin aux processus de privatisations et de revenir sur les coupes dans les salaires et les pensions de retraite, mais il y a des divergences importantes concernant la gestion de la dette publique et de la dette extérieure, qui conditionne la politique d’investissement et de création d’emploi. Pour les deux partis de gauche [le PCP et le Bloc de gauche], participer à ces négociations était l’unique solution possible, car dans le cas contraire ils auraient permis le maintien du gouvernement qui a conduit la politique de la Troïka. Mais le PS a donné bien peu de garanties d’une stratégie alternative, et c’est pour cela que la négociation est complexe. Le Bloc de gauche maintient les conditions qu’il avait formulées durant la campagne électorale et qui représentent un gain important pour les conditions de vie des travailleurs•ses et pour le combat contre les inégalités.
jeudi 5 novembre 2015
Grèce : grève générale le 12 novembre. Appel d'Unité Populaire
CONTRE L’AUSTÉRITÉ ET LES MEMORANDA ORGANISONS DES LUTTES UNITAIRES DE MASSE
Le gouvernement SYRIZA-ANEL, avec l’application des mesures du 3e mémorandum et le vote des pré requis, poursuit maintenant dans l’application d’une tornade de mesures contre la classe ouvrière et les couches populaires les plus pauvres.
Le rapport de la Commission des « Sages » pour le système de couverture sociale constitue un véritable manifeste thatchériste au caractère antisocial virulent, prônant le démantèlement intégral de la couverture sociale, la suppression des retraites et la paupérisation extrême des retraités.
Le gouvernement réserve à la Commission des « Sages » le rôle du « lièvre » pour la destruction des retraites et des droits de couverture sociale, promue par cette commission et convenue avec la Troïka dans le cadre du 3e mémorandum.
Le hold-up fiscal continu, à des niveaux jamais atteints auparavant, les baisses de salaires et de retraites induites par la nouvelle grille, la suppression des conventions collectives et la nouvelle attaque à venir pour réduire à néant les droits des travailleurs et les droits syndicaux, voilà la réalité et le futur qu’ils préparent.
Santé publique et enseignement se délitent. Les postes vacants, dans les écoles de toute la Grèce, demeurent non pourvus ; de nombreuses cliniques, dans les hôpitaux publics, se retrouvent sans médecins, sans personnel soignant ; les hôpitaux sont menacés de fermeture. Les ports, les aéroports, l’énergie, l’eau sont bradés tout comme d’immenses parcelles de terre de l’État.
Etat espagnol/Catalogne: «Droit de décider, maintenant», face au «front anti-sécessionniste», par Jaime Pastor
Parmi les dénonciations, celles accusant la déclaration de constituer un «coup d’Etat» (Alfonso Guerra – membre du PSOE et vice-président du gouvernement de décembre 1982 à janvier 1991 – dixit) ou un « coup porté à l’Etat » (El Pais) sont parmi les plus clémentes. Nous avons rapidement constaté une brutale réactivation de ce qu’il y a de pire dans le nationalisme espagnol face à ce qu’ils considèrent comme une menace à «l’unité de l’Espagne». Il y a même eu des appels à la suspension immédiate de l’autonomie catalane et, comme on pouvait s’y attendre, une diabolisation de la CUP à cause de son anticapitalisme.
Malgré la réponse initiale de Mariano Rajoy (PP) et le fait qu’il se présente comme étant le seul président pouvant garantir la défense de l’Espagne, il a dû, au cours d’une campagne préélectorale, faire face à la forte propension des dirigeants du PSOE et de Ciudadanos à le concurrencer en ce qui concerne la «responsabilité de l’Etat». Cela a obligé le président du gouvernement à conclure un «pacte national contre le sécessionnisme». Le dirigeant de Podemos, Pablo Iglesias, s’est distancié de ce pacte en manifestant sa volonté de reconnaître le droit des citoyens et citoyennes de Catalogne à décider de leur avenir. Il a ainsi insisté sur le fait qu’il souhaite chercher l’emboîtement constitutionnel de la Catalogne dans une Espagne unie afin de les persuader de ne pas partir.
lundi 2 novembre 2015
Turquie : les élections de la terreur et de la fraude, par Emre Ongün
Le voyage en bus depuis Istanbul s’était bien passé, entre
camarades, entre jeunes qui voulaient participer à ce grand moment. Tout le
monde le confirmait : cela allait être énorme ; une marée humaine
pour la Paix, la Démocratie et le Travail. On avait concentré toutes les forces
pour un rassemblement, mais de masse, contre Erdogan et sa clique. De plus, il
faisait plutôt bon à Ankara bien qu’on était au mois d’octobre. Avant de
rejoindre son cortège, elle passa voir son père qui était avec son syndicat.
Ils étaient brouillés ces derniers temps. Ils se réconcilièrent, se dirent
qu’ils s’aimaient, c’était un bon jour pour cela. Puis elle rejoignit ses
camarades, environ 50 mètres plus loin. C’est là où son corps fut déchiqueté par l’explosion de la bombe sous les yeux de son père. DicleDeli
est une parmi la centaine de camarades tués à Ankara par l’attentat suicide
commis par l’Etat Islamique sous la bienveillance du gouvernement turc. Elle
aurait eu 18 ans hier, 1er novembre 2015, jour des élections
législatives en Turquie.
L’ombre de sa mort porte sur cette date pour ses proches
comme l’ombre des 6 mois d’intense terreur d’Etat a porté sur les élections
législatives turques.
dimanche 1 novembre 2015
Uruguay : un processus historique de récupération d’entreprises par les travailleur-se-s, par Richard Neuville
« Une partie des mouvements sociaux
ne se limitent pas à la défense de l’emploi et à l’augmentation des
salaires ou bien à la consommation mais ils essaient d’aller au-delà et
cherchent, soit par conviction ou par nécessité, à dépasser le lien de
subordination que leur a assigné la société » (Zibechi, 2010).
Le mouvement des entreprises
récupérées par les travailleurs uruguayens s’inscrit dans une tradition
de luttes pour « l’émancipation économique et sociale »1. Il puise ses
racines dans l’histoire du mouvement ouvrier qui, à partir de la seconde
moitié du XIXe siècle, a su articuler la formation de syndicats et la
constitution d’un mouvement coopératif puissant. Tout au long de son
existence, le mouvement coopératif a su conserver une indépendance
vis-à-vis des pouvoirs publics. Il existe près de 300 coopératives de
travail en Uruguay2 (Guerra, 2013 : 28).
La récupération d’entreprises par les
travailleur-e-s (ERT) sous la forme coopérative n’est pas une nouveauté
dans l’histoire économique uruguayenne. En remontant dans l’histoire des
coopératives, nous trouvons des antécédents qui remontent au milieu du
XXe siècle. Il est donc possible de parler de processus historique dans
ce pays, même s’il intervient principalement dans des périodes de crise.
Si le phénomène de récupération
d’entreprises reste limité d’un point de vue quantitatif, il n’en
demeure pas moins qu’il s’agit d’un mouvement important avec des unités
de production stratégiques dans la sphère productive et l’économie du
pays. L’importance de ces expériences autogestionnaires ne saurait se
réduire au nombre d’entreprises et de travailleurs impliqués mais bel et
bien dans la portée symbolique que comporte l’autogestion ouvrière
(Riero, 2012).
En cohérence avec la culture ouvrière
uruguayenne, il est parvenu à se structurer ces dernières années et à
devenir un interlocuteur des pouvoirs publics et à nouer des relations
étroites avec la centrale syndicale. Il a également participé à une
tentative de fédérer les organisations autogestionnaires avec une visée
de transformation sociale sur des bases de l’autogestion.
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