mardi 3 février 2015
« Nous n’avons pas peur du peuple, nous sommes de leur côté », l'édito de Rouge et Vert
Avec un peu plus de 36% des voix, soit une progression de près de 10% par rapport à juin 2012, SYRIZA a gagné de haute lutte les législatives du 25 janvier dernier, permettant à Alexis Tsipras de devenir, à 41 ans, le plus jeune Premier Ministre qu’ait connu la Grèce.
L’échec de la coalition Nouvelle Démocratie/PASOK, précédemment au pouvoir, est « avant tout une victoire politique des forces de la résistance sociale.C’est-à-dire les forces de la classe ouvrière et des masses populaires qui, en Grèce, se sont battues depuis le déclenchement de la crise et le début des mémorandums (2010) contre les accords passés par la classe dirigeante grecque avec la troïka (BCE, UE, FMI) et contre les créanciers qui ont imposé une politique d’austérité brutale… Durant cette période, ceux et celles qui luttaient depuis « en bas » ont constitué un ensemble de revendications, de souhaits et d’espoirs qui possède encore un caractère actif. La vigueur de ce cadre revendicatif réside dans l’exigence d’une politique anti-austerité qui, malgré les coups portés par les médias dominants, s’est exprimée en confiant et en déposant leurs espoirs dans et à la gauche. Cela constitue le fondement de la victoire politique de SYRIZA, qui a pris des dimensions massives ». (1)
Si le choix immédiat de la direction de SYRIZA de nouer une alliance gouvernementale avec ANEL Grecs Indépendants, la coalition souverainiste de Kammenos, pourtant en fort repli électoral avec 4,7% contre 7,5% en juin 2012, répondait à la nécessité de rassembler une majorité parlementaire, il apparaît cependant comme politiquement à risque.
Sitôt nommé, le gouvernement Tsipras – dont on doit regretter qu’il soit si peu paritaire avec seulement six femmes sur une quarantaine de ministres - a confirmé sa volonté d’agir autour de quatre priorités :
- Faire face à la crise humanitaire.
- Soutenir l’économie afin d’assurer sa reprise.
- Ouvrir une nouvelle négociation avec l’Europe afin d’aboutir à une solution juste, mutuellement bénéfique et viable, pour sortir du cercle vicieux de la dette.
- Combattre les mœurs et les habitudes installées abusivement depuis des décennies dans les domaines publics et fiscaux.
Ses premières décisions concrétisent effectivement et positivement ces priorités
- Arrêt de la privatisation du port du Pirée et de la compagnie nationale d’électricité
- Obtention automatique de la citoyenneté grecque pour les enfants d’immigrés ayant grandi en Grèce
- Relèvement du salaire minimum et des retraites
- Réintégration des femmes de ménage (en grève l’an dernier avec fort soutien populaire) de l’administration des finances du pays
Très symbolique aussi, cette décision du gouvernement Tsipras de faire enlever les les barbelés installés par le gouvernement précédent autour de l’Assemblée, en affirmant : « Nous n’avons pas peur du peuple, nous sommes de leur côté »
Mais c’est bien la question de la dette va conditionner les marges de manœuvre du nouveau gouvernement et donc sa réussite. Face aux porte-flingue du capital financier, aux rangs desquels le Président Hollande - qui dès lendemain de l’élection a tenu à rappeler que la Grèce devait « tenir ses engagements » face à la dette ! - tient toute sa place, cette (re)négociation sera un bras de fer qui passera inévitablement par un affrontement au niveau européen. Parce que le peuple grec ne veut ni ne peut payer une dette dont il n’est nullement responsable.
Fort de la confiance et de la mobilisation de son peuple, mais politiquement isolé au niveau européen, Alexis Tsipras a sans doute aujourd’hui raison d’adopter une posture diplomatique alliant rappel ferme sur ses engagements électoraux et affirmation de sa disponibilité pour négocier « raisonnablement » avec les dirigeants européens.
A condition de se préparer - et de préparer son peuple – à l’étape suivante, quand les capitalistes européens et grecs le sommeront de se soumettre en même temps qu’ils feront tout pour l’étouffer. C’est là que la solidarité active avec le peuple grec doit peser. En France et dans toute l’Europe. Aux côtés de SYRIZA. Et les yeux rivés sur les mobilisations et les échéances électorales prochaines en Espagne, avec PODEMOS.
En démontrant qu’une vraie gauche qui s’oppose à l’austérité et aux diktats de la troïka peut convaincre le peuple et arriver au gouvernement , la victoire de Syriza nourrit un réel courant de sympathie en France et dans toute l’Europe, mâtiné cependant d’un scepticisme, largement entretenu par les médias, sur la capacité du gouvernement Tsipras à tenir ses engagements. Un atout et une évidente fragilité qui doivent être compris de chacun-e de nous comme un appel à construire un mouvement unitaire de solidarité avec le peuple grec, contre l’austérité, pour l’annulation de la dette, pour la démocratie.
Julien Douillard
1. Extraits de la déclaration de DEA, la Gauche Internationaliste Ouvrière, l’aile gauche de SYRIZA.
2. http://syriza-fr.org . Le site de SYRIZA Paris permet d’accéder à beaucoup des textes et déclarations de Syriza et du gouvernement Tsipras en français.
« Le nouveau gouvernement grec démentira tous ceux qui jouaient les Cassandre à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Il n’y aura pas de rupture catastrophique mais il n’y aura pas non plus de consentement pour la poursuite d’une politique d’assujettissement.
Une grande opportunité se présente devant nous d’ un nouveau départ pour la Grèce et pour l’ Europe. Pour une nouvelle politique, pour un nouveau paradigme de relations fondées sur la confiance, le respect mutuel, la solidarité et la responsabilité.
Amies et amis, notre priorité dès demain sera l’apaisement et la cicatrisation des grandes plaies de la crise.
Notre priorité sera la restauration de la souveraineté populaire et de la justice. Notre priorité sera la rupture avec les intérêts établis et les pathogénies qui sévissent depuis des décennies en Grèce.
Notre priorité sera la rupture avec la collusion des intérêts privés et la corruption.
Notre priorité sera l’entreprise des réformes radicales concernant l’organisation de l’État, de l’administration publique, des réformes globales.
Mais notre priorité principale est de rétablir la dignité de notre pays et de notre peuple. C’est cela le message de la victoire d’aujourd’hui remportée par notre peuple.
Nous retrouvons l’espoir, nous retrouvons le sourire, nous retrouvons l’optimisme, nous retrouvons la dignité perdue de notre peuple. »
(Extrait du discours d’Alexis Tsipras au soir de la victoire électorale).
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