jeudi 25 septembre 2014

Le Brésil vote le 5 octobre prochain, par Rémy Querbouët


L'élection présidentielle brésilienne de 2014 se tiendra le 5 octobre prochain, avec, si nécessaire, un second tour le 26 octobre. Ce même jour seront également élus les gouverneurs des états, les sénateurs et les députés fédéraux et des états car il s'agit, comme tout les 4 ans, d'une élection générale. 

Initialement annoncée comme une formalité pour l’actuelle présidente Dilma Roussef, cette élection s’avère chaque jour plus incertaine, notamment depuis la mort accidentelle d’Eduardo Campos, candidat du petit PSB (Parti Socialiste Brésilien) et son remplacement par sa colistière l’écologiste Marina Silva. Rappelons que Marina Silva, alors candidat du Partido Verde, avait recueilli près de 20% des suffrages lors de la précédente présidentielle de 2010, et Dilma Roussef 47%. Mais depuis lors, les quatre années de présidence Roussef ont nourri beaucoup de désillusion. 

Les derniers sondages éloignent la possibilité d'une réélection au 1er tour et annoncent un face à face Roussef – Silva serré pour le second tour. Aécio Neves , candidat du Parti Social Démocrate Brésilien (PSDB) droite, est annoncé comme numéro trois. La gauche radicale se présente divisée avec pas moins de trois candidat-e-s : Luciana Genro pour le PSOL, J.M de Almeida pour le PSTU et Mauro Iasi pour le Parti Communiste. Quatre autres candidats participent à l’élection. 


Douze ans après l’élection du candidat du parti des Travailleurs, Lula, si Marine Silva arrive à fédérer les votes de droite et des mécontents de tous ordres autour du thème « tout sauf le PT », son élection s’avère possible. Mais pour quelle politique ? 

Les sondages éloignent maintenant les possibilités d'une réélection dès le premier tour et annoncent une menace pour Dilma au second. Dans cet État fédéral de 200 millions d'habitants, dont 25% de la population à moins de 15 ans, l'éducation est un enjeu majeur, mais elle est du ressort des Etats et non de la Fédération, comme les transports urbains, tous deux, rappelons-nous étaient au coeur des protestations de 2013.

Les sujets de la campagne présidentielle sont autres. Après une période de forte croissance au début des années 2000, le Brésil est aujourd’hui entré en récession, réduisant d’autant les marges de manœuvre d’une équipe gouvernementale qui s’est totalement adaptée au système. Conséquence : l’image de Dilma Rousseff est largement érodée au près des couches populaires. Ajoutons que l’un des débats au cœur de la campagne concerne « l’indépendance » de la Banque Centrale brésilienne et que son écho est, hélas, grandement renforcé par la corruption qui touche le fonctionnement de la vie politique et le financement des partis. 

Tous les candidat-e-s parlent de « réforme politique », mais les citoyen-ne-s voient surtout les scandales qui se succèdent, le dernier en date, certes actuellement sans preuve, concernant la compagnie pétrolière nationale Petrobras et éclaboussant des proches de la présidence de la République. 

Fortement critiquée, à droite, pour sa politique de rapprochement avec des pays du Sud comme l’Égypte, les Palestiniens ou Cuba et avec les fameux "BRICS" (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), Dilma Rousseff est également contestée en raison du chômage (qui croit) , de la pauvreté (qui a pourtant reculé) et, surtout, de l'écart croissant entre les classes aisées qui se sont considérablement enrichies et les classes populaires. 

Le Brésil peut il dépendre du souffle du Saint-Esprit ? 

Comme Heloisa Helena, candidate de l'extrême gauche lors de la précédente consultation, Marina Silva assume le fait que son engagement politique est guidé par sa foi évangéliste. Elle a ainsi déclaré que certaines de ces décisions étaient suggérées par la lecture de versets de la Bible. Cette immixtion de la religion dans les affaires publiques prend une dimension dont on mesure mal encore l’importance. Les candidats et candidates à la présidence sont-ils en voie de devenir les « otages » des églises évangélistes ? La question se pose y compris pour la présidente Dilma Rousseff qui, au Parlement, à plusieurs reprises, fit marche arrière sur des sujets touchant les droits des homosexuels par exemple sous la pression du Front Evangélique. 

Aujourd’hui, la question du mariage homosexuel est au centre de la campagne présidentielle et la plupart des candidat-e-s (présidents, députés, sénateurs) et des partis contactent les principaux leaders évangélistes pour négocier un appui publique. Les députés regroupés au sein du Front Evangélique sont aujourd’hui 73, plus trois sénateurs, mais leur nombre pourrait augmenter lors de la prochaine élection. La majorité est élue sur les listes du Parti Social Chrétien et s'intéresse quasi exclusivement aux questions sociétales comme le mariage gay, l'avortement etc......

La candidate Marina Silva est, depuis 2004, fidèle de l'église Assemblée de Dieu du plan pilote (Novo Dia), liée à l'Assemblée de Dieu du Brésil; la plus importante du pays. Celle ci est passée en 10 ans de 9 à 13 millions de fidèles. (Précédemment elle dépendait de l'Assemblée Biblique de la Grâce). Aujourd’hui au Brésil, près de 22% des citoyens et citoyennes se déclarent évangélistes (43 millions). Ce nombre a cru de 61% en 10 ans. Et une partie notable des évangélistes suit le principe « un frère votent pour un frère » ! Cependant les évangélistes ne sont pas homogènes et, contrairement à l'église catholique, également et encore très influente, la religion évangélique n’a pas de leader unique et n'est pas unifiée dans ses règles et ses dogmes. 

Autre illustration de l'importance de cette poussée obscurantiste évangéliste : dans les universités, on commence à voir des étudiants qui refusent de lire tel ou tel livre car on leur a expliqué que l’auteur était homosexuel (Proust, Guimarães Rosa, Rimbaud etc....) 

Heureusement, beaucoup, y compris dans l'équipes de campagne de Marina Silva et au PSB, refusent cette intervention directe du religieux en politique qui détourne l’attention des principaux problèmes du pays : la santé, l’éducation universelle et publique, le transport, la sécurité. Et l'engagement religieux affirmé de Marina Silva pourrait aussi faire peur à une classe moyenne qui ne souhaitent pas voir les religions investir la vie publique. 

Les 12 années de gestion pétiste du pouvoir central à Brasilia ont généré beaucoup de déception et nombreu-ses sont les militant-es progressistes qui se sont détourné-es du PT. Cependant face au recul que représenterai une victoire de Marina Silva à l'élection présidentielle la grande majorité des forces de gauche, ne voyant d'autres alternatives, serrent les rangs derrière la candidature de Dilma Rousseff. 

Le rôle grandissant que joue le Brésil sur la scène latino-américaine et mondiale donne une importance centrale à cette échéance que nous devons suivre avec grand intérêt. Rendez-vous donc le 5 octobre. 

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Pour une Constituante exclusive et souveraine
 

Du 1er au 7 septembre, dans tout le Brésil, plus de 7 700 000 citoyen-ennes lors d'un vote populaire, ont affirmé leur volonté d’un changement radical de politique en participant au référendum « pour une Constituante exclusive et souveraine, pour la réforme du système politique ».

Les mobilisations de juin et juillet 2013 contre la corruption, pour l'éducation et pour des transports publiques accessibles et de qualité ont mis à jour la nécessité de changements dans le système politique pour débloquer un ensemble de réformes structurelles, comme la réforme agraire, celle des impôts, du financement de la vie politique .......
"Nous voulons une Constituante exclusive et souveraine" réclament les 450 organisations à l' initiative de la consultation populaire. Parmi elles on trouve les grands partis de la gauche comme le PSOL ou le PT, les syndicats comme la CUT, les mouvements sociaux comme le Mouvement des Travailleurs Sans Terre. Aucun changement positif ne pourra être obtenu sans les réformes de fond refusées jusqu' à aujourd'hui par le congrès suite à la sollicitation de la présidente en réponse aux mouvement de Juin 2013.

Luiz Inacio Lula da Silva, et de nombreux candidats aux élections générales ont voté «oui» au référendum populaire pour une constituante exclusive et souveraine.

Les organisateurs s'adressent à la présidente Dilma Rousseff, candidate à sa réélection, et à tous les candidats à tous les niveaux de ces élections, pour qu’ils "s’engagent à respecter les résultats du référendum populaire".

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