jeudi 27 mars 2014

Slovénie : congrès fondateur de la Gauche unie - « Il faut une solidarité active des pays pauvres des marges de l’UE »


« Sans solidarité des classes ouvrières et des États marginalisés de la périphérie de l’Union européenne, nous ne sortirons pas de la crise », estime Luka Mesec, coordinateur de la Gauche unie slovène. Celle-ci vient de tenir son congrès fondateur, en vue des élections européennes du 25 mai. En présence d’Alexis Tsipras, le candidat de la gauche à la présidence de l’UE. Le Congrès de la Gauche unie a eu lieu début mars à l’hôtel Union de Ljubljana. Initiative pour le socialisme démocratique (IDS), Parti démocratique du travail (DSD) et Parti pour le développement durable de la Slovénie et l’écosocialisme (TSR) se présenteront ensemble aux élections européennes le 25 mai prochain. « Espérons que ce ne soit là qu’un premier projet commun, car nous souhaitons construire un mouvement socialiste en Slovénie… » 


 Forum (F.) : Que propose d’autre Gauche unie aux électeurs ? 

Luka Mesec (L.M.) : En Slovénie comme en Croatie, la gauche parlementaire n’a de gauche que le nom. Elle ne fait qu’emprunter les sentiers frayés par la droite. Elle inscrit le droit fiscal dans la Constitution, change les clauses sur le référendum rendant impossible de se prononcer sur des affaires « aux conséquences fiscales », et fonde une soi-disant banque pour couvrir les pertes du secteur financier. Son plan est simple : procéder à une privatisation massive des biens nationaux. Une braderie où seront liquidés Telecom, Elan, Mercator, Luka Kopar ou encore Aéroport de Ljubljana… Tout l’opposé d’une politique de gauche. Ma réponse est donc brève. Gauche unie fera tout. 

F. : Quelles sont vos réponses par rapport à la crise ? Avez-vous un modèle pour sortir de la récession ? Vous évoquez le socialisme démocratique… 

L.M. : L’Initiative pour le socialisme démocratique a présenté un programme intitulé Modèle de développement pour la Slovénie et l’UE. Voici ce que nous proposons. Les entreprises et les banques slovènes soldent leurs dettes via la soi-disant banque d’État, et se retrouvent nationalisées, sachant que trois grandes banques sont déjà propriétés de l’État. Au contraire du gouvernement actuel qui procède par privatisations, nous maintiendrons la propriété étatique. La gestion des banques sera confiée à un holding d’État, en accord avec les travailleurs, tandis qu’une administration de crise sera mise en place dans les entreprises. Le rôle des travailleurs s’intensifiera par l’introduction de la politique du livre ouvert. Tout le monde aura un droit de regard sur la gestion de l’entreprise, les administrations seront sous le contrôle des travailleurs, un vote sera organisé pour élire les dirigeants… Nous tenterons de procéder de même dans le privé en élargissant les mécanismes de gestion. Les biens étatiques concentrés dans le holding d’État seront utilisés pour la coordination de l’économie, la politique industrielle et la construction de chaînes commerciales dans des secteurs où la Slovénie a des atouts, comme l’industrie du bois et de l’électronique. Nous encouragerons enfin les ouvriers à s’associer dans des collectivités d’autogestion. Bien sûr, ces solutions ne sont qu’un programme de transition. Des mesures qui permettront dans un court délai de reconstruire les capacités industrielles, de créer des postes d’emploi, de réduire le chômage, d’introduire une démocratie ouvrière dans les entreprises et de démocratiser la gestion de l’économie. 

F. : Comment voyez-vous la Slovénie dans un avenir proche ? 

L.M. : Une Slovénie qui ne s’incline plus face aux intérêts de Bruxelles et des marchés financiers. Une Slovénie qui mette un terme aux politiques libérales néfastes, privatisations et autres mesures d’austérité qui conduisent à une plus grande pauvreté. Une Slovénie qui rejoint les pays d’Europe et du monde qui résistent au capitalisme en s’orientant vers une voie alternative de démocratie, de solidarité internationale et de socialisme. Construire ensemble, dans une perspective sociétale et écologique, un monde où les moyens de production ne sont plus entre les mains d’un petit nombre de riches. 

F. : Alexis Tsipras, leader de la coalition de la gauche radicale grecque Syriza, est venu en personne soutenir votre parti au Congrès. 

L.M. : Nous percevons Syriza comme modèle d’un nouveau parti de gauche. Cette coalition des partis et mouvements de gauche propose une réponse à la question de savoir comment mobiliser une classe ouvrière démantelée, hétérogène, plurale. Syzira a réussi à associer dix-sept partis et mouvements en une même force politique unique. Die Linke en Allemagne et Front de gauche en France y sont aussi parvenus. 

F. : La gauche a-t-elle une chance de s’unir dans les territoires de l’ancienne Yougoslavie ? 

L.M. : L’initiative pour le socialisme démocratique collabore déjà avec des forces similaires dans les Balkans, comme le Centre pour les études ouvrières et BRID en Croatie, le Centre pour les émancipations politiques et Gerusija en Serbie, le parti Lijevi en Bosnie ou le Mouvement Solidarnost en Macédoine… Ces liaisons comptent beaucoup. Au moment où la gauche est en train de s’établir dans la région, il est important d’apprendre les uns des autres. Notre expérience historique, notre situation actuelle, nos problèmes sont les mêmes. Partout, la gauche s’impose de plus en plus comme la seule véritable puissance politique vis-à-vis du capitalisme. 

F. : Il y a bientôt deux ans, des émeutes éclataient en Slovénie. Que pensez-vous aujourd’hui des plénums en Bosnie-Herzégovine ? 

L.M. : En Slovénie comme en Bosnie, la révolte a d’abord éclaté dans des villes industrielles en déshérence, Maribor et Tuzla. Notre histoire, nos problèmes et leurs causes sont les mêmes. Quant aux plénums, on ne peut que s’en réjouir. Les travailleurs ont pris conscience que personne ne les sauvera et qu’ils doivent reprendre les choses en mains. Espérons que le plénum ne soit qu’un début et qu’une politique socialiste parviendra à se réapproprier le pouvoir et à établir une démocratie ouvrière et populaire. 

Publié sur le site du Courrier des Balkans - traduit par Persa Aligrudic

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire