vendredi 5 janvier 2018

Iran. L’ensemble du régime en point de mire, par Babak Kia

Depuis le jeudi 28 décembre, la République Islamique d’Iran est secouée par une vague de contestation sociale inédite depuis le mouvement de 2009 contre la réélection d’Ahmadinejad. Les manifestations actuelles ont éclaté à Mashhad, deuxième ville du pays située à l’ouest, avant de s’étendre à de nombreuses villes et régions iraniennes. Depuis jeudi, les manifestations sont quotidiennes, elles s’amplifient et touchent désormais plus d’une quarantaine de villes petites, moyennes et grandes. 

Contrairement à la mobilisation de 2009 qui se situait d’abord sur le terrain démocratique, ce sont bien les questions sociales qui sont au centre de la vague actuelle et Téhéran n’est pas l’épicentre de la contestation. 

Autre différence majeure, la mobilisation actuelle se situe en extériorité totale aux « débats » qui opposent les différentes factions du pouvoir. C’est bien l’ensemble du régime qui est dans la ligne de mire de la contestation. 


Ces manifestations expriment d’abord un ras-le-bol profond face à la dégradation continue des conditions de vie, la vie chère, la corruption du régime et de ses dignitaires qui se sont enrichis considérablement. 

Face à la machine répressive de la mollahrchie et aux Gardiens de la révolution, la mobilisation s’est radicalisée et touche désormais les institutions et les symboles de la République Islamique. Les slogans hostiles au Guide et au président de la république sont repris en masse et cela dans l’ensemble des villes où la population se mobilise. 

La passivité des autorités lors du tremblement de terre de Kermanshah (à l’ouest, à 80 km de la frontière irakienne), qui a fait environ 500 morts à la mi-novembre 2017, les vols et la corruption ont aggravé l’hostilité de la population contre le pouvoir non seulement de la région, mais dans diverses régions où la population s’est identifiée aux milliers de personnes frappées par le désastre. Les manifestants n’hésitent pas à s’en prendre aux portraits du président de la république Rohani, du Guide actuel Khamenei ou de Khomeiny. Ils n’hésitent pas à s’en prendre aux bâtiments publics et aux véhicules des forces de sécurité dès que cela est possible. 

Le pouvoir a vite compris que cette mobilisation était particulièrement dangereuse. Certes, par sa politique de redistribution clientéliste de la rente pétrolière, la mollahrchie a toujours « acheté » le soutien de certains secteurs de la population. Mais la dégradation des conditions de vie, l’inflation galopante, les pénuries, le chômage de masse, la misère et l’absence d’espoir frappent les classes moyennes et populaires, y compris une partie de la base sociale du régime théocratique. La « géographie » de la mobilisation indique d’ailleurs un détachement de ces secteurs des classes populaires, cela explique les manifestations dans les petites villes de province notamment. 

Le pouvoir tente d’éteindre l’incendie en réprimant massivement les manifestations et en bridant les canaux de communication, notamment les réseaux sociaux qui jouent un rôle important dans la propagation de la contestation. Les forces de sécurité et notamment les Gardiens de la révolution multiplient les provocations et infiltrent les manifestants afin de faciliter la répression. Déjà de nombreux morts sont à déplorer et les arrestations se multiplient à Téhéran et en province. 

Tout en accusant les « ennemis extérieurs du pays » d’être responsables de la situation et en disant que les manifestants sont manipulés, le pouvoir feint d’entendre la légitimité du débat posé par la rue et promet des « espaces de dialogue » pour que s’expriment les revendications populaires. Rohani a annoncé que « la critique était un droit de la population ». Cela constitue clairement un signe de faiblesse de la part du pouvoir, et personne en Iran ne peut croire à de telles promesses. 

La jeunesse iranienne, les femmes, les travailleurs sont soumis depuis 1979 à un régime théocratique réactionnaire qui réprime, torture et élimine physiquement et systématiquement ses opposants. 

La contestation populaire actuelle entre en résonance avec le combat acharné des militants syndicaux iraniens qui luttent pour le droit de s’organiser et pour les droits élémentaires des travailleurs. Soixante-sept organisations syndicales et réseaux syndicaux internationaux se mobilisent dans le cadre d’une campagne pour la libération de Reza Shahabi, dirigeant du Syndicat Vahed (Syndicat des travailleurs de la compagnie de bus de Téhéran et de sa banlieue). La vie de Reza Shahabi est en danger1. 

Il est primordial que la gauche radicale et internationaliste s’engage dans le soutien à la vague de contestation sociale actuelle en Iran. Il faut amplifier la solidarité pour faire reculer la mollarchie et soutenir ceux qui luttent en Iran pour la satisfaction des revendications sociales et démocratiques et pour le renversement de la République Islamique. 

Babak Kia. Publié sur le site A l’Encontre.

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