mardi 15 novembre 2016

Etat espagnol. «Les habitants d’Andalousie sont fatigués d’attendre des solutions qui n’arrivent jamais». Entretien avec Teresa Rodriguez

Teresa Rodríguez a fait des ravages lors du nouveau processus de primaires [de Podemos Andalousie], où elle conserve le poste de secrétaire générale de Podemos Andalousie. Les chiffres sont massifs: Teresa a obtenu 75,64% des suffrages exprimés, accumulant un total de 13’184 voix, loin devant ses rivales, toutes deux s’inscrivant dans le sillage de ce que l’on nomme «l’errejonisme, [du nom du numéro deux de Podemos, Íñigo Errejón]. Carmen Lízarraga a à peine dépassé les 2000 voix (11,59%) alors que Begoña Gutiérrez, désignée par l’équipe de Sergio Pascual, le secrétaire à l’organisation de Podemos – déposé [en mars 2016] – doit se contenter d’une pauvre troisième place avec 1946 voix (11,16%). Sergio Pascual lui-même, qui se présentait au Conseil citoyen de Podemos Andalousie, a été surpris par son triste et éloquent résultat: 3’455 voix, arrivant en 29e position sur les 34 délégués. La victoire de Teresa Rodríguez est encore plus importante si l’on tient en compte que la participation à ces élections primaires a triplé par rapport aux précédentes, passant de 6000 suffrages à 17’622.


Comment vous sentez-vous devant des résultats de ce type?

Je suis contente et estime nécessaire de remercier toute l’équipe avec laquelle nous avons créé cette alternative, pour son intelligence, son dévouement, sa patience ainsi que sa capacité à comprendre que ce qui figure au premier plan, c’est l’Andalousie et les problèmes et défis auquel fait face sa société. En second lieu, la camaraderie entre les membres d’une même option politique qui, heureusement, reflète une pluralité. Je souhaite pour cela remercier les camarades qui ont fait partie des autres candidatures pour leurs idées, leurs propositions et leur participation. 

A partir d’aujourd’hui, main dans la main, nous commencerons à créer un nouveau moment pour Podemos avec pour but de créer un temps nouveau en Andalousie. Le troisième élément consiste à assumer la responsabilité qui nous a été confiée par un grand nombre de personnes enthousiasmées par la création d’un espace de changement et de transformation, des valeurs qui sont des caractéristiques intrinsèques à Podemos. Nous allons nous dédier à cela afin de démontrer que nous pouvons les mettre en œuvre.

Quelle est votre évaluation des résultats obtenus lors des primaires de Podemos Andalousie?

Nous avons reçu un soutien qui n’est pas seulement personnel, il est, avant tout, l’expression du soutien à un projet politique. Les gens ont soutenu l’émergence d’un Podemos qui ressemble plus à un mouvement qu’à un parti comme un autre. Un Podemos qui tente d’affirmer que les mobilisations, descendre dans les rues, l’auto-organisation des gens constituent des éléments fondamentaux pour changer la réalité. Un Podemos qui comprend que les institutions doivent être au service des personnes, de la société, de leurs droits. Un Podemos qui comprend qu’il est indispensable d’être plus strict quant aux codes éthiques et à la limitation du nombre de mandats. Un Podemos qui comprend qu’il est nécessaire de se diriger vers un modèle de direction partagé et d’engagements collectifs. Un Podemos qui plaide de manière active pour la décentralisation, dans le sens où nous devons nous constituer dans 52 régions dans l’ensemble de l’Andalousie, tenant compte des milieux urbains, ruraux et maritimes.

Nous pourrons, de cette façon, devenir une alternative à un parti socialiste renfermé sur lui-même afin de se perpétuer et de constituer des réseaux clientélaires supplémentaires. Un parti socialiste profondément ancré à droite et clairement sur le déclin.

D’un autre côté, au sujet de mes opposantes au sein de Podemos, je souhaite reconnaître que je dispose d’un avantage relatif, celui d’être plus connue; selon les sondages, la moitié de la population andalouse me connaît. Cette situation a son côté pile comme son côté face, dans le sens que le fait que je sois plus connue pouvait provoquer une plus grande proximité et une plus large approbation, mais aussi exactement le contraire.

Heureusement, c’est le premier aspect qui a prévalu. Ce qui est vraiment magnifique, c’est de voir la façon dont l’équipe complète de Marea Andaluza a été validée pour représenter une alternative au sein de Podemos, autour de valeurs clairs de changement, d’égalité, de liberté et de solidarité. J’en suis très fière et cela représente pour moi une grande responsabilité.

Dans quelle mesure le résultat des primaires modifiera la situation interne de Podemos Andalousie?

Heureusement, nous ne sommes pas issus de la culture politique de Susana Díaz [dirigeante du PSOE andalou, à la tête du gouvernement autonome de cette communauté; elle a joué un rôle clé dans le «coup» interne au PSOE qui a permis l’investiture de Rajoy grâce à l’abstention de l’essentiel de ses élus lors de la désignation du chef du gouvernement] et autres qui craignent d’être validé par les citoyens et, de ce fait, mettent sur pied des «commissions de gestion» pour opérer des coups internes et refuser la tenue de congrès ainsi que de processus démocratiques.

Podemos sort de l’ensemble du cycle électoral, pour lequel nous avions doté l’organisation d’outils de fonctionnement qui doivent aujourd’hui être remplacés, afin de pouvoir faire émerger un Podemos plus horizontal, plus démocratique dont l’orientation politique soit plus sérieuse et solide.
Je sentais personnellement la nécessité de savoir en faveur de quoi s’exprimaient les gens et où ils souhaitent que nous nous dirigions ou même de savoir s’il était souhaitable que je continue à la tête de Podemos Andalousie en tant que secrétaire générale. Je souhaite, en outre, apprécier et remercier les deux autres candidatures, Ahora Andalucía et Andalucía Plaza a Plaza, pour leur travail intense, avec des idées. La nouvelle direction devra en tenir compte. En outre, je voudrais rappeler que les listes de Podemos ne peuvent pas être occupées uniquement par les personnes d’une seule candidature, qu’au maximum elle peut en occuper 80%, ce qui garanti une certaine pluralité. Quoi qu’il en soit, l’alternative que je représente aspire à ce que, à l’avenir, une liste ne pourra pas occuper plus de 60% [des postes d’une direction]. Tout cela a été rendu possible par l’œuvre de démocratisation impulsée par Pablo Echenique depuis son poste de secrétaire de l’organisation, ce qui a apporté une nuance à toute la vision organisationnelle issue du Congrès de Vista Alegre [en octobre 2014].

Cela dit, il importe d’affirmer que la composition de la nouvelle direction de Podemos Andalousie mettra un terme à un équilibre des pouvoirs qui avait conduit à un certain blocage interne. Tout cela est désormais terminé.

Quelles vont être vos premières décisions en tant que secrétaire générale de Podemos Andalousie?

Je cesserai d’être «secrétaire générale» pour devenir coordinatrice de Podemos Andalousie. Ce qui était établi dans notre programme et nous sommes convaincus que c’est une façon de rendre notre parti plus horizontal. La deuxième décision est de mettre en route les différents secteurs de travail, tels que le municipalisme, afin de respecter son autonomie, mais en établissant des processus de coordination, de formation et de débat autant que les camarades actifs dans les municipalités le souhaitent.

Quelle sera la politique que développera Podemos Andalousie et vous-même en tant que secrétaire générale? 

Ces élections primaires ont fait naître une conception de Podemos plus mouvementiste, un Podemos disposant d’un plan B pour l’Andalousie, reposant sur une réflexion sérieuse sur ce que nous ferrions en Andalousie dans le cas où nous gagnerions les prochaines élections, un Podemos plus collectif, plus décentralisé, moins patriarcal.
Nous serons un Podemos plus solide et avec une vocation claire de gagner. Les habitants d’Andalousie sont fatigués d’attendre des solutions qui n’arrivent jamais. Nous avons besoin que Podemos soit vu comme un parti disposant d’une véritable alternative face à un PP en croissance et une qui Susana Díaz est déjà entrée en déclin.

Quel type de Podemos est en train de naître?

Les thèses qui défendent un Podemos plus décentralisé, plus auto-organisé et dont l’engagement des militants est plus collectif se consolident. Nous devons devenir à nouveau un mouvement. La réaction positive d’habitants fatigués de supporter les attaques impitoyables des puissants. Il est urgent de réaliser une synthèse créative entre les places, la rue et les institutions pour faire naître des contextes qui rendent possibles des changements véritablement profonds. Il faut donner aux gens d’en bas la capacité de créer des réseaux de solidarité. Il faut se préparer pour la bataille suivante.

Vista Alegre 2 [le prochain congrès de Podemos] doit changer le Podemos tacticien et récupérer les valeurs et des capacités d’organisation afin de faire naître un véritable pouvoir populaire. Nous allons nous y employer et, toutes et tous ensemble, nous y arriverons.

Vous considérez-vous, ainsi que l’ont pointé certains médias, comme la personne de Pablo Iglesias en Andalousie?

Pablo Iglesias est notre secrétaire général et sa valeur pour Podemos est indiscutable. Je dois, cependant, réaffirmer mon indépendance vis-à-vis de certaines étiquettes créées par des médias qui, parfois, sont fortement hostiles. Des étiquettes qui sont fortement centralistes (qui représentent Madrid comme un prétendu centre de contrôle) et fortement patriarcales. Nous ne sommes pas favorables, au sein de Podemos, à la création ou à la consolidation de familles d’intérêts. On discute, on débat, on réalise des alliances qui se croisent et sont transversales. Podemos est bien autre chose et nous voulons qu’il en reste ainsi.

Sur ce, arrive Donald Trump…

Trump n’est pas arrivé par hasard, c’est la conséquence de décennies de politiques néolibérales qui ont fait naître une hégémonie culturelle qui renforce des valeurs d’individualisme, de machisme, de violence, d’enrichissement à tout prix, de racisme, de xénophobie, etc. Nous sommes fortement redevables au 15 M 2011 pour qu’une chose similaire ne se soit pas affirmée ici, mais il est fondamental de continuer à travailler avec les personnes les plus frappées par ce système en crise, pour que l’alternative qui surgira de l’indignation et du désespoir permette l’intégration du plus grand nombre, soit fraternelle, égalitaire et solidaire.

(Article publié le 12 novembre 2016 sur le site VientoSur. info, traduction A l’Encontre)

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