Teresa Rodríguez a fait des ravages lors du nouveau processus de
primaires [de Podemos Andalousie], où elle conserve le poste de
secrétaire générale de Podemos Andalousie. Les chiffres sont massifs:
Teresa a obtenu 75,64% des suffrages exprimés, accumulant un total de
13’184 voix, loin devant ses rivales, toutes deux s’inscrivant dans le
sillage de ce que l’on nomme «l’errejonisme, [du nom du numéro deux de
Podemos, Íñigo Errejón]. Carmen Lízarraga a à peine dépassé les 2000
voix (11,59%) alors que Begoña Gutiérrez, désignée par l’équipe de
Sergio Pascual, le secrétaire à l’organisation de Podemos – déposé [en
mars 2016] – doit se contenter d’une pauvre troisième place avec 1946 voix (11,16%). Sergio Pascual lui-même, qui se présentait au Conseil citoyen de
Podemos Andalousie, a été surpris par son triste et éloquent résultat:
3’455 voix, arrivant en 29e position sur les 34 délégués. La
victoire de Teresa Rodríguez est encore plus importante si l’on tient en
compte que la participation à ces élections primaires a triplé par
rapport aux précédentes, passant de 6000 suffrages à 17’622.
Comment vous sentez-vous devant des résultats de ce type?
Je suis contente et estime nécessaire de remercier toute l’équipe
avec laquelle nous avons créé cette alternative, pour son intelligence,
son dévouement, sa patience ainsi que sa capacité à comprendre que ce
qui figure au premier plan, c’est l’Andalousie et les problèmes et défis
auquel fait face sa société. En second lieu, la camaraderie entre les
membres d’une même option politique qui, heureusement, reflète une
pluralité. Je souhaite pour cela remercier les camarades qui ont fait
partie des autres candidatures pour leurs idées, leurs propositions et
leur participation.
A partir d’aujourd’hui, main dans la main, nous
commencerons à créer un nouveau moment pour Podemos avec pour but de
créer un temps nouveau en Andalousie. Le troisième élément consiste à
assumer la responsabilité qui nous a été confiée par un grand nombre de
personnes enthousiasmées par la création d’un espace de changement et de
transformation, des valeurs qui sont des caractéristiques intrinsèques à
Podemos. Nous allons nous dédier à cela afin de démontrer que nous
pouvons les mettre en œuvre.
Quelle est votre évaluation des résultats obtenus lors des primaires de Podemos Andalousie?
Nous avons reçu un soutien qui n’est pas seulement personnel, il est,
avant tout, l’expression du soutien à un projet politique. Les gens ont
soutenu l’émergence d’un Podemos qui ressemble plus à un mouvement qu’à
un parti comme un autre. Un Podemos qui tente d’affirmer que les
mobilisations, descendre dans les rues, l’auto-organisation des gens
constituent des éléments fondamentaux pour changer la réalité. Un
Podemos qui comprend que les institutions doivent être au service des
personnes, de la société, de leurs droits. Un Podemos qui comprend qu’il
est indispensable d’être plus strict quant aux codes éthiques et à la
limitation du nombre de mandats. Un Podemos qui comprend qu’il est
nécessaire de se diriger vers un modèle de direction partagé et
d’engagements collectifs. Un Podemos qui plaide de manière active pour
la décentralisation, dans le sens où nous devons nous constituer dans 52
régions dans l’ensemble de l’Andalousie, tenant compte des milieux
urbains, ruraux et maritimes.
Nous pourrons, de cette façon, devenir une alternative à un parti
socialiste renfermé sur lui-même afin de se perpétuer et de constituer
des réseaux clientélaires supplémentaires. Un parti socialiste
profondément ancré à droite et clairement sur le déclin.
D’un autre côté, au sujet de mes opposantes au sein de Podemos, je
souhaite reconnaître que je dispose d’un avantage relatif, celui d’être
plus connue; selon les sondages, la moitié de la population andalouse me
connaît. Cette situation a son côté pile comme son côté face, dans le
sens que le fait que je sois plus connue pouvait provoquer une plus
grande proximité et une plus large approbation, mais aussi exactement le
contraire.
Heureusement, c’est le premier aspect qui a prévalu. Ce qui est
vraiment magnifique, c’est de voir la façon dont l’équipe complète de Marea Andaluza a
été validée pour représenter une alternative au sein de Podemos, autour
de valeurs clairs de changement, d’égalité, de liberté et de
solidarité. J’en suis très fière et cela représente pour moi une grande
responsabilité.
Dans quelle mesure le résultat des primaires modifiera la situation interne de Podemos Andalousie?
Heureusement, nous ne sommes pas issus de la culture politique de
Susana Díaz [dirigeante du PSOE andalou, à la tête du gouvernement
autonome de cette communauté; elle a joué un rôle clé dans le «coup»
interne au PSOE qui a permis l’investiture de Rajoy grâce à l’abstention
de l’essentiel de ses élus lors de la désignation du chef du
gouvernement] et autres qui craignent d’être validé par les citoyens et,
de ce fait, mettent sur pied des «commissions de gestion» pour opérer
des coups internes et refuser la tenue de congrès ainsi que de processus
démocratiques.
Podemos sort de l’ensemble du cycle électoral, pour lequel nous
avions doté l’organisation d’outils de fonctionnement qui doivent
aujourd’hui être remplacés, afin de pouvoir faire émerger un Podemos
plus horizontal, plus démocratique dont l’orientation politique soit
plus sérieuse et solide.
Je sentais personnellement la nécessité de savoir en faveur de quoi
s’exprimaient les gens et où ils souhaitent que nous nous dirigions ou
même de savoir s’il était souhaitable que je continue à la tête de
Podemos Andalousie en tant que secrétaire générale. Je souhaite, en
outre, apprécier et remercier les deux autres candidatures, Ahora Andalucía et Andalucía Plaza a Plaza,
pour leur travail intense, avec des idées. La nouvelle direction devra
en tenir compte. En outre, je voudrais rappeler que les listes de
Podemos ne peuvent pas être occupées uniquement par les personnes d’une
seule candidature, qu’au maximum elle peut en occuper 80%, ce qui
garanti une certaine pluralité. Quoi qu’il en soit, l’alternative que je
représente aspire à ce que, à l’avenir, une liste ne pourra pas occuper
plus de 60% [des postes d’une direction]. Tout cela a été rendu
possible par l’œuvre de démocratisation impulsée par Pablo Echenique
depuis son poste de secrétaire de l’organisation, ce qui a apporté une
nuance à toute la vision organisationnelle issue du Congrès de Vista
Alegre [en octobre 2014].
Cela dit, il importe d’affirmer que la composition de la nouvelle
direction de Podemos Andalousie mettra un terme à un équilibre des
pouvoirs qui avait conduit à un certain blocage interne. Tout cela est
désormais terminé.
Quelles vont être vos premières décisions en tant que secrétaire générale de Podemos Andalousie?
Je cesserai d’être «secrétaire générale» pour devenir coordinatrice
de Podemos Andalousie. Ce qui était établi dans notre programme et nous
sommes convaincus que c’est une façon de rendre notre parti plus
horizontal. La deuxième décision est de mettre en route les différents
secteurs de travail, tels que le municipalisme, afin de respecter son
autonomie, mais en établissant des processus de coordination, de
formation et de débat autant que les camarades actifs dans les
municipalités le souhaitent.
Quelle sera la politique que développera Podemos Andalousie et vous-même en tant que secrétaire générale?
Ces élections primaires ont fait naître une conception de Podemos plus mouvementiste,
un Podemos disposant d’un plan B pour l’Andalousie, reposant sur une
réflexion sérieuse sur ce que nous ferrions en Andalousie dans le cas où
nous gagnerions les prochaines élections, un Podemos plus collectif,
plus décentralisé, moins patriarcal.
Nous serons un Podemos plus solide et avec une vocation claire de
gagner. Les habitants d’Andalousie sont fatigués d’attendre des
solutions qui n’arrivent jamais. Nous avons besoin que Podemos soit vu
comme un parti disposant d’une véritable alternative face à un PP en
croissance et une qui Susana Díaz est déjà entrée en déclin.
Quel type de Podemos est en train de naître?
Les thèses qui défendent un Podemos plus décentralisé, plus
auto-organisé et dont l’engagement des militants est plus collectif se
consolident. Nous devons devenir à nouveau un mouvement. La réaction
positive d’habitants fatigués de supporter les attaques impitoyables des
puissants. Il est urgent de réaliser une synthèse créative entre les
places, la rue et les institutions pour faire naître des contextes qui
rendent possibles des changements véritablement profonds. Il faut donner
aux gens d’en bas la capacité de créer des réseaux de solidarité. Il
faut se préparer pour la bataille suivante.
Vista Alegre 2 [le prochain congrès de Podemos] doit changer le
Podemos tacticien et récupérer les valeurs et des capacités
d’organisation afin de faire naître un véritable pouvoir populaire. Nous
allons nous y employer et, toutes et tous ensemble, nous y arriverons.
Vous considérez-vous, ainsi que l’ont pointé certains médias, comme la personne de Pablo Iglesias en Andalousie?
Pablo Iglesias est notre secrétaire général et sa valeur pour Podemos
est indiscutable. Je dois, cependant, réaffirmer mon indépendance
vis-à-vis de certaines étiquettes créées par des médias qui, parfois,
sont fortement hostiles. Des étiquettes qui sont fortement centralistes
(qui représentent Madrid comme un prétendu centre de contrôle) et
fortement patriarcales. Nous ne sommes pas favorables, au sein de
Podemos, à la création ou à la consolidation de familles d’intérêts. On
discute, on débat, on réalise des alliances qui se croisent et sont
transversales. Podemos est bien autre chose et nous voulons qu’il en
reste ainsi.
Sur ce, arrive Donald Trump…
Trump n’est pas arrivé par hasard, c’est la conséquence de décennies
de politiques néolibérales qui ont fait naître une hégémonie culturelle
qui renforce des valeurs d’individualisme, de machisme, de violence,
d’enrichissement à tout prix, de racisme, de xénophobie, etc. Nous
sommes fortement redevables au 15 M 2011 pour qu’une chose similaire ne
se soit pas affirmée ici, mais il est fondamental de continuer à
travailler avec les personnes les plus frappées par ce système en crise,
pour que l’alternative qui surgira de l’indignation et du désespoir
permette l’intégration du plus grand nombre, soit fraternelle,
égalitaire et solidaire.
(Article publié le 12 novembre 2016 sur le site
VientoSur. info, traduction A l’Encontre)
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