lundi 22 octobre 2012
« Le peuple grec se trouve aujourd’hui à l’épicentre de la crise du capitalisme » Intervention au festival de la jeunesse de Syriza à Athènes par Eric TOUSSAINT (CADTM)
Plus de 3000 personnes étaient présentes pour écouter 4 conférenciers dans l’ordre suivant : Marisa Matias, eurodéputée du Bloc de Gauche (Portugal) ; Lisaro Fernandez, dirigeant syndical des mineurs (Asturies, Espagne) ; Alexis Tsipras, président de Syriza (Grèce) ; Eric Toussaint, président du CADTM (Belgique, www.cadtm.org ).
« Nous vivons et traversons une des pires crises du système capitaliste mondial. Mais le capitalisme ne va pas mourir de mort naturelle dans son lit. Les crises font partie du métabolisme du capitalisme. Seule l’action consciente des peuples peut détruire et dépasser le capitalisme pour ouvrir la voie au socialisme démocratique.
Le peuple grec se trouve aujourd’hui à l’épicentre de la crise du capitalisme. La façon dont le peuple grec, avec ses mobilisations, pourra affronter et donner une réponse à cette crise capitaliste est déterminante pour offrir une solution au niveau international. Vous vous trouvez dans l’épicentre de la crise et de la solution à cette crise. Il y a 6 ou 7 ans, l’épicentre de l’alternative au capitalisme se trouvait en Amérique du Sud : au Venezuela, en Équateur, en Bolivie, quand Hugo Chavez disait en 2004 qu’il ne croyait plus à la troisième voie, qu’il pensait qu’il fallait au niveau mondial un socialisme du 21e siècle.
Aujourd’hui, l’épicentre des alternatives - qui n’ont toujours pas vu le jour, comme l’indiquent bien le titre de cette conférence – s’est déplacé vers l’Europe. Ce que les peuples du Venezuela, d’Équateur et de Bolivie ont montré au niveau mondial, c’est qu’il est parfaitement possible de résister à l’offensive capitaliste, qu’il est parfaitement possible d’appliquer une politique de redistribution de la richesse, de socialiser les grandes entreprises stratégiques, qu’il est absolument possible et nécessaire de récupérer le contrôle sur les biens communs comme les ressources naturelles. Ils l’ont fait, ils sont toujours au gouvernement et espérons que demain, le 7 octobre à l’occasion des élections présidentielles, Hugo Chavez sera de nouveau réélu comme président du Venezuela.
Nous vivons aujourd’hui en Europe un moment historique. Jamais au cours des 70 dernières années, dans les pays européens, nous n’avons vécu une offensive aussi brutale qu’aujourd’hui. Partout en Europe, on utilise le prétexte de la dette, pas seulement en Grèce, mais dans tous les pays européens, pour appliquer des politiques d’austérité budgétaire. En Grèce, nous voyons clairement les résultats dans la version la plus brutale, mais la Grèce est seulement le début d’une offensive qui affecte déjà les peuples du Portugal, d’Irlande, d’Espagne et d’autres pays européens. C’est pour cela que nous devons la combattre et unifier nos efforts pour suspendre le paiement et répudier la dette illégitime. C’est un objectif fondamental pour nous au niveau du continent.
Le peuple grec a donné une grande leçon à l’Europe ces trois dernières années. D’abord, il résiste, s’est organisé et a pris part à au moins 14 grèves générales. Mais, tout aussi fondamental, et malgré la défaite électorale, c’est que le peuple grec a voté tout de même massivement pour l’initiative radicale proposée par Syriza. C’est une leçon fondamentale pour le reste de l’Europe où trop souvent la gauche est trop timide. L’exemple grec montre la force d’une gauche unie, d’une gauche qui rassemble, qui crée une coalition entre 12 organisations politiques différentes et cherche à les unifier dans Syriza.
L’exemple grec montre que quand un parti ou une coalition dit « Non », dit : « Si nous arrivons au gouvernement, nous allons désobéir à la Troïka », une telle attitude courageuse et combative peut obtenir le soutien populaire. C’est une leçon pour tous et pour toutes. La réduction de la dette grecque en mars 2012 est une arnaque et un piège. Il est très important de montrer à l’opinion publique internationale que la dette réclamée par la Troïka, qui représente aujourd’hui 150 milliards d’euros - c’est la dette de la Grèce avec la Troïka -, que toute cette dette est une dette illégitime qui doit être annulée par l’action du peuple, grâce à la désobéissance d’un gouvernement populaire. Ils essayent de vous convaincre que suspendre le remboursement amènera le chaos dans le pays.
Mais dans les 10 dernières années, trois exemples contredisent totalement l’affirmation selon laquelle il n’y a pas de salut possible en dehors du remboursement de la dette.
L’Argentine a suspendu le paiement de sa dette en décembre 2001 pour une somme de 90 milliards de dollars et l’Argentine connaît une croissance économique de 4 à 7% chaque année depuis 2003.
L’Équateur a suspendu le paiement de sa dette commerciale de novembre 2008 jusqu’à juin 2009 et a pu imposer à ses créanciers une réduction de la dette de 65%. Et l’Équateur va économiquement très bien.
L’Islande, ce modèle néolibéral, a connu de graves difficultés en septembre 2008 avec la banqueroute de tout son système bancaire. L’Islande a alors refusé de rembourser la dette de ses banques au Royaume-Uni et aux Pays-Bas. L’Islande va très bien avec une croissance économique de 3% chaque année.
Il est clair que la Grèce n’est pas l’Islande, ni l’Argentine ou l’Équateur. Il y a de réelles différences, mais la leçon est la suivante : ici ou ailleurs, si des gouvernements ayant obtenu un soutien populaire décident de suspendre le payement d’une dette illégitime, ils peuvent obtenir une amélioration des conditions de vie de leur peuple. C’est un exemple à suivre. Il est clair qu’une annulation de la dette est nécessaire mais pas suffisante.
Annuler la dette de la Grèce sans changer le reste de l’économie et du modèle social et économique injuste ne permettra pas à la Grèce de construire une alternative en faveur du peuple. L’annulation, la suspension de payement de la dette est nécessaire, mais la socialisation du système bancaire, un autre système fiscal pour que les riches payent davantage d’impôts et pour la réduction d’impôts sur les services et les biens de première nécessité, font partie d’un modèle alternatif absolument nécessaire.
Chers amis, chères amies, l’histoire n’est pas pré-écrite. Plusieurs scénarios restent ouverts devant nous. On peut continuer dans la situation chaotique actuelle où il y a de plus en plus d’autoritarisme avec des gouvernements qui sont au service des banques. Ça peut encore durer des années. Un autre scénario est possible et pire : un scénario autoritaire néofasciste. C’est un grave danger qui menace réellement. Mais il y existe deux autres scénarios : sous pression populaire, il peut y avoir un capitalisme régulé, un capitalisme comme dans les années 1950-1960, un capitalisme de type keynésien. C’est une issue possible.
Mais si nous sommes autant à s’être réunis ici ce soir, c’est parce que nous pensons que cela ne vaut pas la peine de limiter notre lutte à essayer de discipliner le capitalisme. Nous voulons dépasser le capitalisme. Nous voulons un socialisme démocratique, autogestionnaire du 21e siècle. Vive le socialisme international. Vive le socialisme autogestionnaire. Vive Syriza. Vive le peuple grec. Vive la résistance des peuples. Vive la révolution, camarades ! »
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