dimanche 3 janvier 2016

Etat espagnol : vers la rupture démocratique et la fin de l'austérité, par Anticapitalistas- membre de PODEMOS


Le résultat de la législative du 20 décembre a signifié un grand pas en avant pour Podemos et l’ensemble des forces du changement mais il nous reste encore à faire un grand bond en avant. 

Notre ordre du jour est constitué à court terme, d’une part, par la satisfaction des aspirations des classes travailleuses et des secteurs populaires qui ont enduré l’appauvrissement et l’humiliation générés par les draconiennes politiques de coupes budgétaires que le PSOE et le PP ont imposés et constitutionnalisées par la réforme de l’article 135, d’autre part, par l’opposition frontale aux nouvelles exigences austéritaires de la Troïka pour 2016 et enfin parle reversement d’un régime politique oligarchique et corrompu, pièce clé du système de spoliation du peuple, qui fait de la résistance. 

La fenêtre d’opportunité reste ouverte 

Suite aux élections, les couteaux sont tirés, rien n’est réglé. Mais rien n’est pareil à ce qui prévalait le 19 décembre. Une composante essentielle, certes pas la seule, du régime de 78 [né de la Constitution de 1978 instaurant la monarchie parlementaire], l’alternance « tournante », est touchée mais pas coulée. Il y a là une fenêtre d’opportunité inédite depuis 1978. 

Les résultats obtenus par les forces du changement sont spectaculaires, en particulier là où ont été constituées des candidatures de convergence (En ComúPodem[Catalogne], En Marea[Galice], Compromis-Podemos[Pays valencien]). Il est une fois de plus démontré que l’unité est payante car elle n’induit pas une simple opération arithmétique – d’addition ou de soustraction de votes en fonction de la jonction qui se fait ou pas entre différentes forces – ; il s’agit d’une formule algébrique car elle créé de l’enthousiasme collectif, un sentiment de force et une dynamique expansive imparables. 

Les résultats de Podemosont également été spectaculaires dans les nombreux endroits où il s’est présenté avec « sa marque », en solitaire, et où il a engrangé un soutien inimaginable il y a quelques mois : cela a été le cas en terre basque – que ce soit dans la Communauté Autonome Basque ou en Navarre – où les électeurs orphelins des vieilles forces de gauche en décomposition se sont saisis de notre bulletin de vote. Idem au Baléares où le travail mené rondement au parlement local et l’appui apporté par Podemos à la Marée Verte[structures de luttes dans l’Education], à la culture et à la langue du cru ont trouvé leur pleine expression dans les suffrages recueillis ; même chose aux Canaries ou encore à Madrid grâce au bon travail des élus au parlement de la communauté autonome et à l’appui apporté aux luttes en cours.
 

Le succès de la « remontée » dans les intentions de vote trouve son explication dans la demande populaire en faveurd’une alternative électorale pour le changement, dans le bon travail de terrain mené par de nombreux cercles et militants, dans les démarches de convergence politique, dans l’orientation adoptée par Pablo Iglesias au cours des principaux débats télévisés où il en a appelé au souvenir du 15 M[mouvement des Indigné-es né le 15 mai 2011] et, malgré les insuffisances de construction de la campagne à la base, dans l’interaction enfin qui s’est produite entre Podemos et certains secteurs de la société civile. 

Les défis de l’après-législatives 

La situation d’équilibre au parlement espagnol entre les forces électorales aux projets très divergents, voire antagoniques, entraîne un haut niveau d’instabilité et de volatilité politique. 

Du côté des forces conservatrices, l’objectif immédiat est d’assurer que l’Espagne reste gouvernable dans le cadre des intérêts de l’IBEX 35[principal indice boursier constitué autour de 35 grandes entreprises], ce qui implique que soit instauré le calme plat institutionnel via des formules sur le mode « un gouvernement à large spectre ». D’où l’intensification des pressions pour que soient à tout prix mis en place des « pactes » comme s’ils étaient en soi, indépendamment de leur contenu, une avancée ; d’où également la ridicule comparaison faite entre les accords d’investiture signés dans les communautés autonomes et, en dépit des différences de nature et de compétences, ceux qui permettraient de constituer le gouvernement du pays. 

Pour les classes travailleuses et populaires, l’objectif doit être l’établissement d’un scénario favorable aux intérêts de la majorité sociale en profitant de la faiblesse et du désarroi des forces du régime. La « gouvernabilité » dans l’intérêt de ceux d’en bas est celle qui apporte une solution à leurs problèmes, non celle qui assure la continuité du régime de 78. 

C’est pourquoi nous considérons un bon point de départ que soient posées, comme conditions fondamentales pour toute négociation d’investiture, les questions centrales modifiant réellement le visage du pays, telles, parmi d’autres : 

1. Le droit des peuples à décider, seule garantie d’une solution démocratique satisfaisant les aspirations à la souveraineté qui ont cours dans les nations constituant l’Etat espagnol ; Etat dont l’organisation territoriale, le système des autonomies, est entré en crise. Cette question est centrale dans l’actuelle conjoncture politique ainsi que l’ont exposé Xosé Manuel Beiras[figure historique du nationalisme galicien] et Xavier Domènech[tête de liste d’En ComúPodem]. 

La croisade menée au nom de « l’unité de l’Espagne » par le PP et des dirigeants socialistes de droite comme Susana Díaz[présidente de la Communauté Autonome d’Andalousie]n’est qu’une expression de leur dogmatisme nationaliste espagnol par lequel cherche à s’imposer, à l’intérieur d’un Etat plurinational, une identité nationale homogène ; une expression aussi de leur peur des urnes, de leur faible culture démocratique et de leur incapacité à forger les rapports de solidarité et de coopération entre les peuples. 

2. La loi dite 25[projet de « loi d’urgence sociale » défendu par Podemos à cette législative de décembre dernier prenant appui sur l’article 25 de la Déclaration Universelle des Droits Humains garantissant les droits sociaux de base]permettant de répondre aux situations d’urgence sociale qui propose des solutions pour les expulsions de logement, l’affirmation des droits fondamentaux comme le droit à l’eau et à l’électricité et l’interdiction du ticket modérateur constituent le programme minimum du 15 M et des Marées, le premier pas incontournable pour engager la déconstruction des politiques néolibérales qui infligent des souffrances aux plus larges couches de la population. 

Nous, forces du changement, allons devoir accompagner nos propositions faites depuis le haut de la construction de pouvoirs et de mobilisations depuis le bas pour que notre démarche ne dérive pas vers un processus de négociation entre élites parlementaires et que les débats soient publics au sens le plus fort du terme : autrement dit qu’ils impliquent la participation active des citoyens, de tout le « mouvement réel » afin de dépasser l’état actuel des choses. Voilà pourquoi nous devrons expliquer et défendre nos propositions dans les quartiers, pour organiser les gens à tous les niveaux de la vie sociale et ainsi obtenir satisfaction sur ces revendications de fond que personne ne peut nous dénier. 

Face à l’ingouvernabilité, des élections sur le mode constituant ? 

Vu la situation du « labyrinthe parlementaire » après ces législatives, il est plus que probable que nous aurons des élections anticipées. Il n’y a, par ailleurs, aucun sens à défendre une stabilité institutionnelle qui favorise les intérêts de la droite et de l’oligarchie. D’où la nécessité que les forces du changement se préparent en vue de ces élections et qu’elles le fassent de sorte que ce nouveau défi signifie une avancée pour les intérêts de la majorité sociale, une nouvelle progression de ceux qui, comme nous, proposent le changement en profondeur, soit une nouvelle Constitution rendant possible la participation démocratique et une nouvelle politique économique au service de la majorité. 

Vaincre le PP, cet objectif de la majorité de la population, et engager les processus constituants sont les deux faces d’une même monnaie. Le maintien de l’hégémonie des forces du régime de 78 dépend de deux données : le rapport de force entre les classes et le cadre juridico-politique par lequel ceux d’en face établissent leur position dominante. 

En 2016 les forces du changement devront, sur la base du prestige acquis, favoriser et impulser l’activité, la mobilisation, l’auto-organisation et la participation démocratique du mouvement social pour renverser les positions établies. Elles devront, parallèlement et complémentairement, articuler les processus permettant de modifier le terrain de jeu. 

Nous devrons nous engager dans ces élections avec une volonté constituante pour vaincre le PP, prendre l ‘avantage sur le PSOE et battre à plate couture Ciudadanos, ce cheval de Troie qui vise à permettre au régime de se réformer lui-même pour trouver son salut et que nous devons démasquer avec plus d’énergie que jamais. 

Plus de convergence des forces du changement, plus de Podemos 

La première des questions à nous poser après les derniers résultats est la suivante : « n’aurions-nous pas obtenu plus de voix et de sièges par la mise en œuvre générale, dans tout le pays, d’une politique unitaire permettant de faire converger les différentes forces qui avaient obtenu un grand succès[en mai 2015], à travers les candidatures municipales pour le changement? La question de la convergence sera centrale dans les prochains mois. 

Pour notre part, nous oeuvrerons afin que Podemos et les forces convergentes fassent un saut qualitatif. Il nous faut construire des partis-mouvements pluralistes, démocratiques, agissant au plus près des différentes réalités nationales et territoriales, qui soient profondément participatifs et promouvant la démocratie de base, renforçant en leur sein la coopération et la solidarité face à la concurrence entre individus, se montrant totalement ouverts à l’intégration de nouveaux activistes de gauche et se définissant comme des forces ennemies des misères du système. 

Ces partis-mouvements devront se montrer capables de mettre en place, à l’unisson d’autres forces du changement, les formules unitaires nécessaires, tant dans l’Etat espagnol qu’au niveau international, pour créer la rupture démocratique, dégager des alternatives au service de la majorité et en défense de la souveraineté populaire. Le tout en opposition aux politiques économiques et sociales néolibérales et autoritaires de l’Union Européenne du Pacte de Stabilité.

http://www.anticapitalistas.org

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