mercredi 30 septembre 2015

Hollande le bombardier errant, par Jean-Luc Mélenchon


Sans mandat du Parlement  français ni d'aucune instance internationale, François Hollande a décidé depuis dimanche des bombardements dans l'Ouest de la Syrie. Le concept de « légitime défense » invoqué par Valls pour les justifier est sans aucun fondement juridique sérieux. Mais il créé un précédent extrêmement dangereux dans la région comme dans le reste du monde.

Ces frappes sont aussi inutiles qu'illégales. Voir les 215 frappes effectuées en Irak. 800 militaires français sont mobilisés pour cela. Aucune amélioration n’est constatée. Pourrait-il y en avoir en l’absence de pouvoir politique stable et légitime depuis la destruction de l'État irakien par les États-uniens ? Le militaire sans le politique ne règle jamais rien. Mais on voit bien quelle escalade est commencée. À peine les frappes françaises avaient-elles commencé que PS et droite évoquaient la nécessité d’envoyer des troupes au sol ! C'est avouer dès le début que les frappes ne permettront pas d'atteindre les objectifs recherchés. D'ailleurs, on peine à identifier un objectif concret dans le puits sans fond que représente « la guerre contre le terrorisme » là où se déroule un conflit entre puissances régionales. La ligne d’action de François Hollande est donc une suite de virevoltes que les faits rattrapent pour ridiculiser notre pays. Après avoir voulu bombarder l’armée syrienne de Bachar el Assad qui affrontait les bandes armées du type Daech, le voici rendu à bombarder Daech tout en reprenant à son compte ses objectifs de renversement du pouvoir en place ! 

Comme l'a noté Hubert Védrine sur France-Inter, « la stratégie occidentale en Syrie est un échec ». Il a raison d'ajouter qu'« on n'aurait jamais dû écarter la Russie d'un éventuel processus ». Et de pointer la responsabilité de la Turquie d'Erdogan et des familles régnantes du Golfe dans le financement de Daech. Les Etats-Unis pensaient régler les problèmes en armant 5000 supplétifs locaux. C’est d’ores et déjà un échec humiliant. Instables et confus, 25 % de l'équipement de ces « rebelles » est désormais aux mains de groupes alliés avec Daech de l’aveu de l’armée américaine.

Etat espagnol - Catalogne. Un tremblement de terre qui n’en restera pas là, par Josep Maria Antentas

 
Le 27S [27 septembre 2015, date des élections autonomiques catalanes] confirme le tremblement de terre au ralenti qui a secoué la société catalane au cours des quatre dernières années, ébranlée par les politiques d’austérité et l’explosion, tout d’abord, du 15M [le mouvement des indigné·e·s] et, ensuite, du mouvement indépendantiste. Le système traditionnel des partis a éclaté. Des urnes sort une feuille de route qui indique que ce qui est à venir sera aussi fort ou plus profond que ce qui s’est produit. 

Junts pel sí, refondation de Convergencia et aspirations unitaires

Junts pel Sí [Ensemble pour le Oui, formé du parti d’Artur Mas, Convergència i Unió (CiU), d’ERC, Gauche républicaine catalane ainsi que de personnalités indépendantes] obtient un bon résultat, 1 616 962 voix (39,6 %) et 62 députés (bien que ce chiffre soit au-dessous de la somme de CiU et d’ERC en 2012 : 1 614 383, 44,4 % et 72 députés), soit suffisamment pour que cette coalition s’affirme comme la claire force dominante du panorama politique catalan. En termes de pourcentage, son résultat est légèrement supérieur à celui obtenu par Mas en 2010 (38,47 %) et inférieur à ceux obtenus par Convergencia i Unió [jusqu’en juillet 2015, ces deux formations formaient une coalition; Unió est un parti «démocrate-chrétien»] en 1984 (46,8 %), 1988 (45,7 %), 1992 (46,1 %), 1995 (40,95 %), bien qu’en termes de suffrages, il s’agit du chiffre le plus élevé jamais obtenu par une force victorieuse (1 346 729 en 1984, 1 232 514 en 1988, 1 221 233 en 1992 ou encore 1 198 010 en 2010).

dimanche 27 septembre 2015

Déclaration du Conseil Politique de l’Unité Populaire à propos du résultat des élections et au jour suivant


1. Le Conseil Politique de l’Unité Populaire s’est réuni pour faire une première évaluation du résultat électoral et élaborer le programme d’action jusqu’à la fin de l’année.

Le Conseil Politique adresse ses chaleureux remerciements aux 155 000 citoyens qui ont soutenu par leur vote l’Unité Populaire, rejetant ainsi le chantage politique et affectif et dépassant la tentative d’imposition de la terreur sur le corps électoral. Il salue les membres et amis de l’Unité Populaire, qui ont livré la bataille électorale avec abnégation et altruisme. Cette contribution à la lutte nous charge de responsabilités et renforce notre détermination à poursuivre l’effort que nous venons d’amorcer.

2. Le résultat électoral reflète la désillusion et la confusion qu’a suscitées dans une grande partie des couches populaires l’imposition du troisième Mémorandum. Le fait que cette gravissime défaite soit survenue tout de suite après le grand … du « OXI » et ait été conclue par des dirigeants qui parlent au nom de la Gauche, a donné plus encore de force à la logique du « il n’existe pas d’alternative ».

Le Parlement actuel est dominé, de façon écrasante, par les forces qui soutiendront la mise en œuvre du troisième Mémorandum et des lois d’application. L’augmentation du pourcentage de voix données à l’Aube Dorée néonazie constitue une mise en garde inquiétante. La force qui lutte pour une solution militante, radicale, alternative pour aujourd’hui et non pour un lointain avenir, l’Unité Populaire, est restée, pour peu de voix, hors du Parlement.

3. Le résultat électoral de l’Unité Populaire est fort loin de nos attentes. Cela s’explique par d’évidents facteurs objectifs. Il était inévitable qu’une formation politique née 28 jours tout juste avant les élections express, sans moyens financiers, faisant face à l’hostilité de la quasi-totalité des medias, rencontre d’énormes problèmes d’organisation et de communication. 

samedi 26 septembre 2015

Premières réflexions sur les élections grecques, par Panagiotis Sotiris

« La politique de gauche, c’est construire un bateau quand on est déjà au milieu d’une mer démontée »

Nous publions un article de Panagiotis Sotiris, militant d’Unité Populaire, qui tire un premier des élections et des résultats décevants d’Unité Populaire.



Cela n’a pas été une bonne soirée électorale. Je ne parle pas principalement du fait qu’Unité Populaire a échoué à atteindre le seuil de 3% qui lui aurait permis d’avoir une représentation parlementaire, mais bien du fait que les résultats électoraux semblent être une justification de la capitulation de Syriza face à l’Union Européenne et de la signature du nouveau memorandum. Ce nouvel accord de prêt impliquera des coupes dévastatrices et des réformes néo-libérales, et, maintenant, nous avons un Parlement dominé par les forces pro-memorandum. Ce qui est en opposition frontale avec le référendum de juillet, quand des millions de personnes ont massivement rejeté l’austérité imposée par la troïka et la dévastation sociale qui l’accompagne.

Le pari cynique de Tsipras a été de placer les élections sur le terrain du débat de quel parti (et quel Premier Ministre) allait être le mieux à même de mettre en œuvre le memorandum qui avait déjà approuvé par Syriza et les partis du système le 14 août. Sa stratégie a été de présenter le mémorandum comme inévitable, inéluctable. Il a évité presque toutes les références à l’accord, en ne présentant que le choix entre lui et Vangelis Meimarakis, le leader du parti de centre droit Nouvelle Démocratie. Finalement, les Grecs ont choisi de donner une seconde chance à Syriza plutôt qu’aux autres partis systémiques, pro-mémorandum. Il ne s’agit pas d’un vote d’espoir, mais d’un vote pour le « moindre mal ».

jeudi 24 septembre 2015

Portugal : entretien avec Fernando Rosas (Bloc de Gauche)


Dirigeant national du Bloc de gauche, Fernando Rosas analyse la situation politique du Portugal et expose les positions de son parti sur les alliances électorales, la lutte contre l’austérité et la sortie de l'euro.

Le 4 octobre prochain, les Portugais éliront leurs députés. Le gouvernement de droite de Pedro Passos Coelho (PSD et CDS-PP), au pouvoir depuis 2011, est en passe d’être reconduit. Il devance aujourd’hui dans les sondages le PS qui, en charge entre 2009 et 2011, avait demandé en 2010 l’assistance financière de la Troïka. Partout où elle est intervenue, celle-cia imposé des politiques d’austérité extrêmement sévères : hausse des impôts (notamment de la TVA), baisse des salaires et des retraites, privatisations et précarisation sur le marché du travail.

Cette situation pose un défi à une gauche radicale portugaise, forte mais éclatée. J’ai interrogé cet été Fernando Rosas, l’une des grandes figures du Bloc de gauche (Bloco de Esquerda), dont il a été l’un des cofondateurs en 1999. Né en 1946, il a milité dans sa jeunesse au PC portugais – qu’il a quitté en 1968 au moment de l’intervention de l’URSS en Tchécoslovaquie. Militant antifasciste, il a été arrêté et emprisonné à plusieurs reprises sous le régime de Salazar. Il a été candidat à l’élection présidentielle de 2001 pour le Bloc, et est devenu député entre 1999 et 2002 et entre 2005 et 2009. Historien, il enseigne à l’Université nouvelle de Lisbonne.

Philippe Marlière. Pourrais-tu commencer par décrire la situation sociale et politique au Portugal ?

Fernando Rosas. Nous avons eu quatre années d’austérité violente. Le PIB a baissé de 6% et nous avons 300.000 chômeurs supplémentaires, même si les chiffres du chômage sont manipulés par le gouvernement qui ne compte pas, par exemple, les demandeurs d’emploi qui effectuent des stages. Depuis le début de la crise, 500.000 Portugais ont émigré à l’étranger – c’est un retour aux chiffres de l’émigration des années 70. C’est presque 100.000 personnes qui quittent le pays chaque année. C’est une immigration qualifiée, de jeunes diplômés sans emploi. Le chômage touche environ 40% de la jeunesse. C’est une situation sociale marquée par la baisse réelle des salaires et des retraites. 

L’austérité a permis au capital de transférer le paiement de la dette des entreprises vers les salariés. Nous avons une dette publique de 130% du PIB, équivalente au budget national de la santé. En plus de l’austérité qui a diminué les salaires, les retraites et l’aide sociale, nous sommes contraints de ne pas dépasser la barre des 3% de dépenses publiques imposée par l’Union européenne. Nous avons des contraintes financières qui vont nous empêcher de retrouver la croissance dans les vingt années à venir.

mardi 22 septembre 2015

Catalogne versus Etat espagnol. Mise en perspective, par Jaime Pastor


Afin de comprendre pourquoi nous en sommes arrivés à un moment comme celui d’aujourd’hui, où – ainsi que nous venons de le vérifier une fois encore lors de la récente Diada du 11 septembre [1] et dans la perspective des élections du 27 septembre – un puissant mouvement souverainiste propose la séparation avec l’Etat espagnol se consolide, rares sont les observations extérieures à la Catalogne qui sortent d’une appréciation habituellement belliqueuse face à cette aspiration, y compris au sein de la gauche.

Généralement, la majorité des prétendus analystes et des dirigeants politiques espagnols tendent à centrer l’explication de l’essor indépendantiste sur les intérêts et l’attitude des élites politiques et culturelles catalanes, soulignant leur plus ou moins grande capacité de manipulation des couches moyennes de ce pays face à «l’ennemi commun», c’est-à-dire l’Espagne ou l’Etat espagnol.

Il me semble plus adéquat de se centrer, en contraste avec cette interprétation si biaisée, sur quelles ont été les réponses données lors de moment historiques clés par des élites espagnoles, non seulement celles traditionnelles de droite mais aussi celles qui paraissaient disposées à reconnaître le «fait différentiel» catalan. Je me référerai pour cela à certaines personnalités éminentes qui se montrèrent plus ouvertes… avant d’accéder ou gouvernement ou au parlement de l’Etat espagnol, pour ensuite décevoir très vite les espoirs suscités. 

Grâce à ce bref survol du passé, il sera peut-être possible de mieux comprendre pour quelles raisons une frustration croissante s’est manifestée en Catalogne face au blocage permanent auquel s’est affronté un réformisme fédéralisant et pourquoi de nouveaux secteurs sociaux souhaitent aller au-delà de ces moments: en résumé, le pari d’un processus constituant propre – qui ne soit donc pas soumis à celui qui pourrait s’ouvrir à l’avenir dans le cadre de l’Etat espagnol – et celui de l’indépendance qui s’affirmerait comme la conséquence du fait que cette autre voie se soit fermée.

Grèce : l'analyse de Yanis Varoufakis


Alexis Tsipras a arraché une  victoire retentissante après la défaite humiliante de Juillet devant la Troïka des créanciers de la Grèce. Défiant les partis d'opposition, les sondeurs d'opinion et les critiques dans ses rangs (y compris de moi-même), il a obtenu une majorité réduite mais réelle.  La question est de savoir s'il peut à la fois rester à son poste et exercer le  pouvoir.

Les plus grands perdants ont été  les petits partis représentant les extrêmes du débat après le référendum. Unité Populaire n’est pas parvenu à exploiter la souffrance ressentie par une majorité des électeurs du « Non » après que Tsipras  eut adopté un accord qui réduit la souveraineté nationale et accroît le niveau déjà terrible  de l'austérité. Potami, un  parti réformiste chéri de la Troïka, a également échoué à rallier le plus petit vote «Oui». Avec Tsipras conquérant d'un nouveau genre, maintenant fermement la barre du programme de la Troïka, les partis pro-Troïka n'avaient rien à offrir.

Le plus grand gagnant est la Troïka elle-même. Au cours des cinq dernières années, les projets de loi de la  Troïka sont passés par le parlement avec des majorités ultra-minces,  procurant des nuits blanches à leurs auteurs. Maintenant, les projets de loi nécessaires au troisième Mémorandum passent avec de confortables majorités, car Syriza s’y est engagé. Presque tous les députés de l'opposition (à l'exception des communistes du KKE et les nazis de l'Aube dorée) votent pour eux.

Bien sûr, pour en arriver là,  il a fallu meurtrir profondément la démocratie grecque. Un million 600.000 Grecs qui avaient voté lors du référendum de Juillet n'ont pas pris la peine de se présenter aux bureaux de vote dimanche -  ce n'est pas une grande perte pour les bureaucrates de Bruxelles, Francfort et Washington,  qui semblent concevoir  la démocratie comme une nuisance.

dimanche 20 septembre 2015

La victoire de Syriza souligne une volonté de résistance, par Romaric Godin (la Tribune)

 
Si les Grecs n’ont pas voulu reprendre la lutte contre les créanciers et se montrent déçus de la politique, ils leur ont envoyé un message de résistance. A Alexis Tsipras d’en prendre compte, désormais. 
 
Le premier enseignement de ce premier scrutin grec est celui de la lassitude. Le niveau de l’abstention (près de 45 %) est le principal fait de la soirée. C’est dix points de plus qu’en janvier et si l’on ajoute les bulletins blancs ou nuls (2,5 % des suffrages contre 0,5 % en janvier), on peut prendre la mesure du désaveu de la politique en Grèce. On aurait tort de n’y voir qu’un rejet d’un énième scrutin anticipé. C’est bien l’acceptation, le 13 juillet dernier, par Alexis Tsipras des conditions des créanciers qui est à l’origine de ce désaveu. Cette capitulation a prouvé que le vote ne pouvait rien changer aux conditions économiques du pays. Dans ces conditions, à quoi bon voter ? On comprend que beaucoup de citoyens grecs aient préféré ne pas se déplacer ce dimanche. Cette première constatation est une défaite pour une classe politique grecque qui a clairement perdu en crédibilité. Mais c’est d’abord une défaite pour les créanciers qui, pendant six mois, ont tout fait pour effacer le vote du 25 janvier. Ils récoltent ici, par un désaveu de l’acte démocratique, les fruits de leur politique.

L’échec d’Unité populaire

vendredi 18 septembre 2015

Corbyn, la révolution démocratique, par Philippe Marlière


Socialiste intègre et démocrate authentique, le nouveau leader du Parti travailliste a imposé un discours et une méthode qui peuvent bouleverser la donne, pour construire une alternative politique aussi bien en Grande-Bretagne qu’en Europe.

La victoire triomphale de Jeremy Corbyn constitue le camouflet le plus sévère infligé aux tenants de l’ordre néolibéral depuis plus de trente ans en Europe. Le nouveau leader du Parti travailliste a largement distancé ses adversaires dans trois catégories de l’électorat : les adhérents du parti, les membres des syndicats et les sympathisants. Corbyn a reçu un solide mandat populaire au terme du processus électoral le plus transparent et le plus démocratique dans l’histoire du parti.

Il faut insister sur les caractéristiques de la "méthode Corbyn". Pas plus qu’il n’était un candidat, le nouveau leader n’est devenu un "chef" depuis son élection. Jeremy Corbyn incarne un mouvement ; son succès a remis en selle un travaillisme social qu’on avait enterré depuis la période blairiste. Le socialisme qui a refait surface avec Corbyn est d’un ordre nouveau : plus collégial, plus jeune, plus multiethnique et plus démocratique que son prédécesseur des années 70.

Anti-tribun et anti-démagogue

C’est une vague populaire et militante qui a porté le député d’Islington à la tête de son parti. Il a accepté à regret de se présenter, car son entourage tenait à ce que les valeurs socialistes soient présentes pendant la campagne. Il a simplement fait son devoir, pour les siens. C’est l’un des traits les plus encourageants de cette campagne : Corbyn est l’anti-tribun et l’anti-démagogue. La gauche française ferait bien de s’inspirer d’une telle démarche, et de se libérer de son tropisme césariste. Celui-ci l’incline sans cesse à rechercher un mythique "homme providentiel".

jeudi 17 septembre 2015

En Grèce, la campagne sans saveur d'un Syriza en mutation, par Amélie Poinssot (Médiapart)


Athènes (Grèce), de notre envoyée spéciale.-  

« Allons-nous payer cette dette ? » « Noooonnn ! » « Allons-nous payer cette dette ? » « Noooonnn ! » La foule répond d'une seule et même voix. À la tribune : Zoi Konstantopolou, celle qui fut pendant sept mois présidente de la Vouli, le parlement grec. Celle, aussi, qui fut à l'origine d'un audit sur la dette publique grecque. Depuis fin août, elle a quitté le parti d'Alexis Tsipras. Puis elle a rejoint le tout nouveau parti formé par l'aile gauche de Syriza qui prônait la sortie de la zone euro, Unité populaire. Personnalité aussi agaçante pour les uns qu'elle est adulée par les autres, Zoi Konstantopoulou soulève des salves d'applaudissements ce mardi soir sur Omonia, l'une des places centrales d'Athènes. Les formules sont appuyées et font mouche. « Au dilemme entre mémorandum ou démocratie, nous répondons : démocratie ! Au dilemme entre soumission ou démocratie, nous répondons : démocratie ! Au dilemme entre euro et démocratie, nous répondons : démocratie ! » Alexis Tsipras et Εvanguelos Meïmarakis (le chef de la droite, qui a pris la suite d'Antonis Samaras après sa démission en juillet) sont renvoyés dos à dos. Syriza, diabolisé, concentre les attaques et la candidate invite les électeurs à ne pas voter pour « les plus à droite que la droite, les plus pro-austérité que les fidèles de l'austérité »… On a peine à croire qu'il y a encore deux mois, Zoi Konstantopoulou était membre de ce parti. 
 
La foule en réalité n'est pas bien dense et l'ambiance, plutôt terne. La circulation n'a pas été coupée, à peine la moitié de la place est occupée par le rassemblement. L'opposition de gauche à Syriza peine à mobiliser ? La lassitude des électeurs doit atteindre des sommets. Il est loin, le temps des grands meetings politiques qui rythmaient les campagnes électorales en Grèce. Et elle est déjà loin, aussi, cette époque où la gauche grecque mobilisait des foules combatives et pleines d'espoir. C'était pourtant… il y a neuf mois. Alexis Tsipras emmenait Syriza autour d'un programme fondamentalement radical : retrait de toutes les mesures d'austérité votées depuis 2010, fin de la supervision de la Troïka, restructuration de la dette publique. Les meetings étaient pleins, les candidats enchaînaient les réunions publiques. « L'espoir arrive », disait le slogan du parti de la gauche radicale. Aujourd'hui, le parti assure qu'il va pouvoir « renégocier » le mémorandum. Personne n'a l'air d'y croire. C'est à peine si les députés Syriza candidats à leur réélection décrochent leur téléphone à l'appel d'une journaliste. Seul Tsipras remplit les salles et parcourt le pays. Pour le reste, la campagne se résume à des spots télévisés et des interviews des principaux responsables politiques.

mercredi 16 septembre 2015

Europe et réfugiés : l’élargissement par Etienne Balibar

 
Alors que les ministres des 28 pays membres de l’Union Européenne, qui se réunissaient lundi 14 septembre à Bruxelles, ont échoué à se mettre d’accord sur la mise en œuvre du plan de répartition proposé par la Commission Européenne (lui-même de toute façon insuffisant, étant donné le rythme auquel arrivent désormais les réfugiés, venant en particulier de Syrie), le moment est sans doute venu de prendre la mesure de l’événement historique auquel est confrontée la « communauté » des nations européennes, et des contradictions que cet événement a mises au jour entre elles et au sein de chacune.
 
Etendant à l’Europe tout entière le pronostic que la Chancelière Angela Merkel a formulé pour son pays : « ces événements vont changer notre pays », je dirai pour ma part : ils vont changer l’Europe. Mais dans quel sens ? La question n’est pas encore tranchée, bien qu’elle puisse l’être rapidement. Nous entrons dans une zone de fluctuations brutales, où il faut faire preuve de lucidité autant que de résolution.
 
Ce qui est en train de se produire, c’est en fait un élargissement  de l’Union, et de la construction européenne elle-même. Mais à la différence des précédents « élargissements », voulus ou acceptés par des Etats, préparés par des négociations et sanctionnés par des traités, celui-ci est imposé par les événements dans le cadre d’un « état d’exception », et il ne fait pas l’unanimité. 

Respecter le droit international pour tous les migrants, par Marie-Christine Vergiat, député européenne Front de Gauche


Les conflits qui perdurent dans plusieurs zones du monde provoquent une crise humanitaire sans précédent. Plus de 60 millions de déplacés en 2014 dans le monde, 42 500 personnes par jour selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Dans ce contexte international dramatique, le continent européen devient le plus mortifère du monde pour les migrants. Cet été, les drames humains se sont succédés sans empêcher les mouvements de population. 

Alors oui cela suffit. Les politiques de fermetures des frontières sont les principales responsables de cette hécatombe car elles poussent les migrants dans les bras des passeurs, à défaut de trouver des voies légales pour arriver en Europe. Les réfugiés et demandeurs d’asile ont des droits reconnus internationalement qui doivent être enfin respectés. 

Mais cela ne suffira pas. La frontière entre migrants et réfugiés est de plus en plus poreuse et dépend assez largement du traitement des demandes d’asile par les États. Seulement un quart des demandes sont acceptées au sein des États européens. Que deviendront les déboutés de ce droit d’asile notamment en France, championne des mesures d’expulsion en Europe ? Et quelle sera la conséquence de la révision de la liste des pays sûrs notamment vis-à-vis des réfugiés qui arrivent des Balkans en nombre croissant ? 

lundi 14 septembre 2015

Grande-Bretagne : après l’élection de Jeremy Corbyn, par Left Unity


Fondée en novembre 2013 à la suite de l’appel lancé par Ken Loach en faveur de la création d’un nouveau parti, Left Unity défend la perspective d’un parti large de la gauche radicale. Dans la déclaration suivante, Left Unity analyse à chaud l’élection de Jeremy Corbyn et dégage quelques indications sur la manière dont la gauche radicale doit concevoir ses rapports avec le mouvement qui s’est créé au cours de cette campagne pour la direction du Parti travailliste. 

Jeremy Corbyn est donc le nouveau leader du Parti travailliste. Qui aurait pu s’imaginer écrire une telle phrase, il y a simplement quelques semaines ? Sa victoire a brisé le consensus en faveur de l’austérité qui a dominé la politique britannique ces cinq dernières années. C’est une victoire pour le mouvement pris dans sa globalité.

C’est une victoire pour tous ceux qui ont combattu les coupes budgétaires dans la protection sociale, pour tous ceux qui ont mené campagne contre la guerre et le racisme, pour tous ceux qui luttent pour défendre le système public de Santé (NHS) et c’est un point d’entrée pour d’autres questions. 

L’élection de Jeremy va avoir l’effet d’une rupture de digue dans la vie politique britannique. Elle va faire glisser son centre de gravité vers la gauche. Derrière la progression spectaculaire de la campagne Corbyn, il y a deux courants qui se recoupent. D’abord, il y a eu le ressentiment longtemps refoulé contre l’aile blairiste du parti, un ressentiment qui a pu se déployer grâce aux nouvelles règles de désignation du leader du Parti. 

Malgré le flot ininterrompu de barons du parti annonçant l’apocalypse qui ne manquerait pas devait de s’abattre sur le Parti travailliste en cas de victoire de Corbyn, la campagne de Jeremy a été la seule à mobiliser les militants travaillistes. Les blairistes n’ont suscité qu’indifférence et Jeremy a gagné, bien que des milliers de ses partisans aient été écartés du scrutin. On aimerait toujours bien savoir pourquoi le dirigeant syndical Marc Serwotka et bien d’autres n’ont pas pu voter… 

dimanche 13 septembre 2015

Corbyn, un nouvel élan ?, par Pierre Khalfa


L’élection de Jeremy Corbin à la tête du Parti travailliste a été sans appel. Élu au premier tour de scrutin par 59,5 % des voix, contre la nomenklatura travailliste, majoritaire dans les trois collèges électoraux - les membres du parti, les sympathisants, les adhérents des syndicats historiquement liés au Labour -, avec une participation électorale massive, sa victoire ne peut être contestée, d’autant plus qu’elle s’est traduite par un engouement populaire inédit pour une élection de ce type. 

Après plus de deux décennies de blairisme, d’abord triomphant puis honteux, cette victoire est un tournant non seulement pour le Royaume Uni mais aussi pour les pays européens. 

Cette victoire est historique à deux titres. La plupart des commentateurs britanniques ont insisté sur le fait que la victoire de Corbyn aurait pour conséquence une prochaine défaite du Labour aux élections législatives, et le premier ministre David Cameron s’en est félicité. C’est faire peu de cas du fait de la situation d’un pays qui a vu, année après année, les inégalités sociales et la pauvreté exploser, la précarité devenir la règle, la protection sociale être déchirée en lambeaux et où aucun espoir n’est envisageable pour l’avenir. 

Mais c’est surtout le fait que, dans cette situation, l’antienne du TINA - there is no alternative - a perdu sa force originelle. Car que vaut une telle affirmation alors que, après des décennies, la situation ne fait qu’empirer ? 

samedi 12 septembre 2015

Réfugiés, bienvenue! Du nouveau en Allemagne…, par Manuel Kellner


Ces dernières semaines l’affluence de réfugiés en Allemagne a suscité un mouvement de masse d’accueil, de soutien et de solidarité. A la une des journaux allemands et dans les médias électroniques allemands et internationaux on peut voir la nouvelle culture du «bienvenue». Des centaines de personnes se rassemblent dans les gares de Munich, de Francfort, de Cologne et dans de nombreuses autres villes. Ils applaudissent les réfugié·e·s arrivant en train. Ils apportent des fleurs, des boissons, des victuailles. Ils font des dons en espèces. Un grand nombre de personnes se portent volontaires pour trier et distribuer les vêtements, pour s’occuper des enfants, pour donner des cours d’allemand et pour rendre mille et un services.


C’est un processus qui s’exprime en profondeur. Des clubs de football organisent des équipes internationales composées de réfugiés et les intègrent dans les ligues à différents niveaux. Des milliers de gens, en dehors des structures établies des associations et des organisations politiques, s’organisent spontanément pour organiser l’aide aux réfugiés. Coude à coude avec des membres d’associations antiracistes, avec des militants antifascistes [1] et de la gauche radicale. Beaucoup de jeunes – parmi lesquels de nombreux jeunes immigrés ou issus de la «seconde génération» – s’engagent dans ce mouvement de solidarité de manière très concrète, axée sur l’aide pratique aux réfugié·e·s.

Dans les programmes des chaînes publiques comme dans ceux des grandes chaînes privées, les reportages, les débats, les émissions de tous genres en faveur des réfugiés et de leur intégration se multiplient. Et toujours c’est l’enthousiasme pour l’intégration des réfugié·e·s qui prime. Les échanges tournent autour des questions: comment peut-on faite encore mieux pour alléger le sort des réfugiés; comment faut-il se comporter pour vivre ensemble avec eux; comment le gouvernement allemand pourrait-il imposer au sein de l’Union européenne (UE) la généralisation d’un accueil généreux, d’une aide immédiate et efficace et d’une intégration des réfugiés. «Refugees welcome», ce slogan, jusqu’à nouvel ordre, est devenu dominant dans le débat public en Allemagne.

Zoe Konstantopoulou : « Tsipras a accepté de dissoudre Syriza »


De retour de New York où elle s’est exprimée devant l’ONU, la présidente du parlement grec Zoe Konstantopoulou explique sa rupture avec Alexis Tsipras et rappelle qu’en Grèce comme au sein de l’Europe, « la première question est celle de la démocratie ».
 
Dix-huit heures de vol aller et retour, un programme chargé ne laissant que peu de temps au sommeil... En se rendant à New York, pour la quatrième Conférence mondiale des présidents de parlement sous l’égide des Nations unies, Zoe Konstantopoulou, la présidente de la Vouli, n’avait pas de temps à perdre : le parlement grec vient en effet d’être dissout. Mais elle tenait à participer à cette « occasion unique de dialogue et de coopération qui s’offre aux parlements au plus haut niveau » pour faire passer un message : la dette est utilisée comme moyen de pression sur les peuples – quand bien même l’audit mené a démontré qu’elle était illégitime, odieuse et illégale.

« Il est capital que la situation grecque soit connue par les parlementaires du monde et qu’il soit révélé à la face du monde qu’en ce moment, en Grèce, la démocratie est attaquée », confie-t-elle. Elle a voulu défendre ses engagements de campagne et son mandat : avec trente autres députés élus en janvier, elle est critiquée. Alors qu’elle ne sera pas sur les listes établies par l’état-major de Syriza pour les élections du 20 septembre, elle livre son analyse sur la situation grecque à son retour de New York.

Regards. Comment faire reconnaître les conclusions présentées dans le rapport sur l’audit de la dette et, ensuite, obtenir l’annulation d’une part de la dette ?

vendredi 11 septembre 2015

Grèce : une capitulation porteuse de menaces mortifères, par Yorgos Mitralias


L 'échec de Syriza, la défaite interne de la ligne de la Plate-Forme de Gauche, l'annonce des élections anticipées et la création d'Unité Populaire soulèvent de très nombreuses questions stratégiques, relancent les débats au sein de la Gauche radicale européenne sur les orientations européennes et le type d'organisation à construire. Au sein de la gauche grecque, les interrogations et les déchirements sont nombreux. Yorgos Mitralias, militant historique de Syriza livre, dans un article publié sur le site de Médiapart , son analyse des responsabilités au sein de la gauche grecque et des dangers que font peser tant le sectarisme que la complaisance envers la gauche de capitulation. 

Ce qui est le plus effrayant dans l’actuelle situation grecque est que l’ensemble des dirigeants de la gauche grecque donnent l’impression de ne pas réaliser ni l’étendue ni la profondeur de la catastrophe déjà accomplie par la capitulation du gouvernement Tsipras devant les créditeurs du pays. En effet, la campagne électorale se poursuit avec ses invectives et ses croches pieds en suivant les traditions bien établies, sans que personne ne fasse référence à cette catastrophe, et surtout a ses conséquences à moyen et à plus long terme. Et plus grave, sans que personne ne fasse la moindre référence  aux taches concrètes et urgentes que cette catastrophe impose à la gauche grecque et ses militants.

Et pourtant, il est impossible que l’actuelle grisaille du paysage de la gauche grecque passe inaperçue car elle crève les yeux. D’un coté, l’hémorragie dont souffre l’actuel Syriza « génétiquement modifié » dépasse déjà les pires craintes des promoteurs de sa « normalisation ». Jour après jour, des centaines de ses cadres, députées,  membres du Bureau Politique, du Comite Central, de la direction de sa Jeunesse, de sa fraction syndicale et des autres organes du parti claquent la porte et prennent le large, en dénonçant violemment la « trahison » du gouvernement Tsipras.

Frappes française en Syrie : un engrenage dangereux, par François Calaret


Pendant sa conférence de presse du lundi 7 septembre, François Hollande a annoncé l’engagement de l’armée française dans des frappes aériennes en Syrie contre les positions de l’État islamique (Daech). Fin août, le discours du Président de la République aux Ambassadeurs, censée présenter les grands axes de la politique étrangère française, n’avait pourtant nullement laissé entrevoir cette éventualité. 
 
S’agit-il de « gesticulations » ou d’une « fuite en avant » comme l’on décrit certains médias ? Ou bien serait-ce une mise en scène précipitée d’un activisme censée répondre à la crise des migrants qui affluent notamment de Syrie ? Il y a tout juste un an, en septembre 2014, le ministre de la défense Jean Yves le Drian déclarait à propos de l’éventualité de frappes françaises en Syrie : « c’est une opportunité qui ne se présente pas aujourd'hui » Il semble que maintenant « l’opportunité » se soit présentée…

Un tournant dans la politique française ?

Les conséquences militaires seront de toute façon minimes. Les avions français n’effectuent qu’un petit nombre de sorties dans le cadre d’une opération essentiellement menée par les États-Unis. Mais les conséquences politiques de l’implication de l’armée française en Syrie sont par contre beaucoup plus importantes. Cela peut annoncer un revirement dans la politique étrangère française. Le bon déroulement des frappes militaires françaises ne peut en effet se faire qu’avec un minimum de coordination avec l’armée syrienne, donc avec le régime de Bachar El Assad.

mercredi 9 septembre 2015

Attaques de foules coordonnées et lynchages contre les Kurdes dans l’ouest de la Turquie, appel du Congrès National du Kurdistan (KNK)


Des centaines de civils kurdes ont été blessés dans l’ouest de la Turquie et plusieurs ont été tués dans des attaques commises par des foules auxquelles la police a participé. 

Le Président turc Erdogan et son parti, l’AKP, ont incité des groupes racistes, nationalistes et fascistes à des manifestations violentes. Ceux-ci ont entrepris des actions de terreur contre les civils kurdes dans de nombreuses villes de l’ouest de la Turquie, notamment à Istanbul, Ankara, Kirsehir, Kocaeli, İzmir, Balikesir, Malatya, Mulga, Mersin, Keçiören, Tuzluçayır, Beypazarı, Balgat, Isparta, Konya et Antalya. Ils ont mené des attaques coordonnées contre les maisons, commerces et établissements des Kurdes, ainsi que contre les bureaux du HDP. 

Ces attaques durent depuis 48 heures. Des centaines de civils kurdes ont été blessés au cours de ces attaques et plusieurs ont été tués. Des centaines de Kurdes sont par ailleurs bloqués dans différents bureau du HDP où ils se sont réfugiés pour se protéger des lynchages de foule. Les groupes racistes ont démoli les enseignes, cassé les vitres et scandé des slogans contre les Kurdes et le HDP. Cependant, la police turque n’est pas intervenue pour faire cesser ces actes de terreur et de vandalisme. 

Depuis le début de la guerre menée par la Turquie contre les Kurdes, soit depuis 32 ans, c’est la première fois que l’on assiste à des violences commises à une aussi large échelle. Ces violences racistes et nationalistes sont directement et délibérément provoquées par Erdogan et l’AKP. 

Il y a deux jours, Erdogan a officiellement ordonné aux forces de police de tirer à vue sur tout civil considéré comme représentant une « menace ». Il a par ailleurs appelé la population à dénoncer tout individu jugé « suspect ». Ceci reflète une volonté de diviser la société, d’attiser les conflits interethniques et de stimuler le racisme anti-kurde. 

mardi 8 septembre 2015

Grèce : le programme de l'Unité Populaire




La création d’Unité populaire a pour point de départ le NON massif du peuple grec lors du référendum du 5 juillet. Au terrorisme des forces dominantes dans l’Union Européenne et en Grèce, une vaste majorité sociale, avec une présence forte des jeunes, a opposé une véritable révolte populaire. La résistance du peuple grec, une résistance sans précédent du fait de sa durée comme de son caractère massif – surtout les deux premières années d’imposition des memoranda – constitue également un héritage précieux pour l’Unité Populaire. Notre parti a constitué l’expression de la résistance généralisée contre le plan stratégique d’imposition d’une austérité permanente, de dépouillement de tout droit du travail, d’accaparement des biens publics, de démantèlement de la démocratie et d’imposition d’un régime de souveraineté limitée.

Pas plus d’un mois après le « OXI » du peuple grec au référendum, l’adoption du Troisième Mémorandum a causé un bouleversement dans le champ politique. L’équipe dirigeante du gouvernement, portée au pouvoir par les élections du 25 janvier, a brutalement mis en pièces le contrat social qui la liait à la majorité populaire, semant la désolation et attisant de nouveau la peur. Elle est passée sur la rive opposée, celle des Forces des memoranda, bombardant les couches ouvrières et moyennes de nouvelles mesures dirigées contre le peuple. Ce retournement a permis aux créanciers d’avancer encore, avec un coup d’État politique en violation de toute notion de souveraineté populaire. Avec le Troisième mémorandum, la surveillance internationale devient plus étouffante encore, l’illustration la plus flagrante de cette humiliation étant la création du fameux « fund », du Fonds chargé de procéder à la mise sous hypothèque des biens nationaux et de la richesse sociale pour des générations entières.

Mais le Troisième mémorandum n’est qu’un début. Á l’ordre du jour sont déjà inscrits le démantèlement complet du droit du travail et des relations professionnelles, une nouvelle réduction, jusqu’à des niveaux ridicules, des pensions de retraites principales et complémentaires, une razzia fiscale sur les revenus des agriculteurs ainsi que des strates sociales basses et moyennes, tout comme une série d’autres mesures dont l’application sera mise en œuvre dans les prochains mois.

C’est précisément pour cette raison, et pour empêcher la formation d’un front anti-mémorandum de politique alternative, que le gouvernement a été poussé à démissionner et à entraîner le pays vers des élections express. Il s’agit d’une tentative d’accaparement du vote populaire, avant que le peuple ne puisse s’informer et ne ressente, dans son quotidien et dans toute leur ampleur, les effets du Troisième mémorandum. Ces tentatives ont bénéficié du soutien inconditionnel des dominants de l’Europe – Merkel, Junker, Moscovici, Dijsselbloem – lesquels ont tout fait, il y a deux mois, pour empêcher que ne s’exerce le droit d’expression démocratique du peuple grec via un référendum.

dimanche 6 septembre 2015

Pour une conférence européenne de la résistance sociale et politique, par Olivier Besancenot, Antonis Ntavanellos et Miguel Urban


Les derniers mois qui se sont écoulés ont été riches en commentaires à propos du bras de fer qui oppose la troïka au peuple grec. Certains économistes se sont donné beaucoup de peine, ne ménageant pas les efforts, s’époumonant parfois, pour propager la bonne parole, l’officielle s’entend, aux quatre coins de l’Europe. Ces avocats des créanciers de l’Union Européenne ont saturé nos écrans télé de données comptables afin de ne pas laisser de doutes possibles quant à l’idée que les plans d’austérité étaient l’unique option envisageable pour remettre l’économie grecque d’aplomb. D’abord avec l’air navré de ceux qui s’en veulent un peu de réclamer des sacrifices supplémentaires aux classes populaires, ils nous ont dit que ces nouveaux tours de vis étaient tragiquement nécessaires. 

samedi 5 septembre 2015

Etat espagnol : le dilemme de Podemos – « Podemos court le risque d’être une sorte de nouvelle Izquierda Unida », par Rafael Escudero

 
Depuis sa naissance, Podemos a prêté beaucoup d’attention aux sondages d’opinion successifs qui ont été publiés au sujet de ses possibles résultats électoraux. Ce n’est pas un hasard dans la mesure où une grande partie des personnes qui composent son cercle dirigeant sont formées avec sérieux, rigueur et professionnalisme dans ce domaine de la recherche. Au vu de ces données, il n’est donc pas surprenant qu’au sein de ce cercle une certaine préoccupation soit apparue. En effet, la dernière enquête du CIS [Centro de investigaciones sociólogicas, rattaché au ministère de la Présidence] place Podemos face à un dilemme compliqué.
 
S’il y a bien une chose que les résultats de cette enquête indiquent clairement, c’est la fin de la stratégie désirée de prendre « d’assaut le ciel » [1]. Selon le CIS [enquête réalisée en juillet], Podemos obtiendrait 15,7% des suffrages. Un résultat manifestement insuffisant – même si l’on tient compte de la « cuisine » que le CIS aurait pu réaliser pour manipuler les données – afin de prendre démocratiquement le pouvoir [plus exactement accéder au gouvernement…] et initier ce processus constituant avec lequel Podemos a enthousiasmé les gens à ses débuts. Peut-être que la nécessité d’un tel processus n’a pas été expliquée suffisamment, ou peut-être que l’on s’est éloigné de ce dernier trop rapidement.

Quoi qu’il en soit, il reste encore beaucoup de pédagogie et de travail collectif pour atteindre cette hégémonie [terme fréquemment utilisé par ce même noyau dirigeant] qui, le cas échéant, permettrait d’ouvrir les cadenas du régime de 1978 [terme générique servant à désigner les institutions, les accords de la Moncloa de 1977 – dans le domaine des relations de travail – ainsi que la Constitution adoptée cette année-là, ce qui renvoie à la Transición].

Le scénario d’une victoire électorale étant donc écarté, il reste à Podemos à scruter de près le paysage. Ce dernier fait apparaître la possibilité perturbante d’un nouveau gouvernement du Parti populaire (PP) : non pas en solitaire [2], mais avec le soutien – ainsi que cela s’est produit suite aux élections à la Communauté autonome de Madrid [en mai 2015] – de Ciudadanos (sans exclure, de plus, étant donné l’expérience historique, celui de ses vieux amis nationalistes [3]. Si cette possibilité devait se réaliser : « on éteint et on y va », comme dirait un puriste. Un nouveau gouvernement PP supposerait, outre le couronnement de ses politiques libérales dans le domaine économique et « fascistes » dans le social, un coup très fort pour cette partie de la population qui aspire à bâtir une démocratie plus participative, égalitaire et juste. Un coup qui coûtera sans aucun doute beaucoup pour s’en remettre tant en termes de moral,d’idéologie que d’organisation.

jeudi 3 septembre 2015

Zoé Konstantopoulou à l’ONU : « La dette souveraine est actuellement utilisée contre la population grecque et le Parlement Hellénique pour affaiblir la démocratie




Mesdames et messieurs, leaders des parlements du monde, en cette occasion du 70e anniversaire de l’ONU, marquant également les 70 ans depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, en cette 4e conférence mondiale des Présidents de Parlements |1| plaçant la démocratie au service de la paix, du développement durable et de la construction d’un monde tel que les peuples le veulent, je me tiens devant vous et parmi vous, en tant que Présidente du Parlement Hellénique récemment dissous pour vous adresser un appel à la solidarité envers le peuple grec et envers la Grèce, terre où la démocratie naquit, et où elle est aujourd’hui brutalement attaquée et violée. 

La Grèce et son peuple sont les victimes, depuis cinq ans, de politiques supposées offrir une solution durable au surendettement du pays et une voie pour sortir de la crise économique, ces politiques contenues dans des accords appelés « Memoranda - Protocoles d’Accord », conclus par le gouvernement grec et un trio d’institutions internationales, à savoir le FMI, la Commission Européenne et la Banque Centrale Européenne, connu sous le nom de Troïka, et agissant au titre de créanciers de la Grèce, ont eu pour résultat de graves violations des droits humains, et particulièrement des droits sociaux, des libertés fondamentales et de l’Etat de droit lui-même.

Ce qui a été présenté comme un accord de renflouement a eu pour effet la misère, le chômage à des taux jamais vus jusque-là, 72% parmi les jeunes femmes et 60% parmi les jeunes hommes, des centaines de milliers de jeunes gens poussés à l’émigration, une explosion des suicides, la marginalisation des jeunes, des vieux, des faibles, des immigrés, des réfugiés, avec la moitié des enfants du pays vivant sous le seuil de pauvreté, une situation relevant d’une crise humanitaire, documenté dans les rapports et les déclarations des experts indépendants de l’ONU sur la dette et les droits de l’homme aussi bien que dans toute une série de décisions de justice et de rapports.

Etats-Unis. Les opulents imprésarios du cirque électoral, par Lance Selfa (socialistworker.org)


Dans la plupart des démocraties parlementaires, les campagnes en vue des élections nationales se déroulent durant plusieurs semaines et conduisent à un vote et, quelques jours plus tard, à la formation d’un gouvernement. 

Aux Etats-Unis les choses se passent différemment. Il reste 14 mois avant les élections de novembre 2016 et plus de 16 mois avant qu’une autre administration ne reprenne le pouvoir du président Barack Obama. Or, la campagne présidentielle de 2016 – ou ce qui prétend l’être – bat déjà son plein. Au cours de l’été 2015, les experts au plan national se sont employés à évaluer les quelque 17 candidats présidentiels républicains annoncés, avec à leur tête le milliardaire burlesque Donald Trump. Plutôt que d’étudier ce que représentaient ces candidats en tant que tels, ces spécialistes ont été obnubilés par le serveur de courrier électronique de Hillary Clinton [elle a utilisé dans ses fonctions de secrétaire d’Etat son mail personnel] et par ce que les foules qui participent aux rassemblements de Bernie Sanders [sénateur du Vermont, candidat social-démocrate qui dispose d’une audience en mettant l’accent sur les «questions sociales»] pourrait signifier pour les chances de la favorite démocrate.

On ne peut pas trop en vouloir aux médias de vouloir insuffler un peu de vie dans le processus des primaires. Quels que soient le spectacle et les drames qu’elles vont offrir au cours de l’année à venir, les primaires des partis ont pour objectif de choisir entre deux candidats qui sont tous les deux foncièrement pro-business pour représenter aussi bien le Parti démocrate que le Parti républicain, qui sont tous les deux foncièrement pro-business.

Il est possible que Trump prenne la décision de promouvoir son «ticket» au moyen d’un troisième parti, comme l’avait fait le milliardaire Ross Perot en son temps [en 1992, il a réuni 19 millions de voix, contre 44 à Bill Clinton et 39 millions à Bush père]. Et il y aura une alternative radicale du Parti vert et peut-être d’autres forces qui proposeront un choix à ceux de gauche qui sont dégoûtés par le candidat que les démocrates vont tenter de leur imposer.