dimanche 27 novembre 2016

Mobilisation générale contre le monstre Trump !, par Yorgos Mitralias

Personne ne peut prévoir si Trump restera fidèle à ses effrayantes promesses électorales. Par contre, il est déjà plus que certain que son élection à la présidence des Etats Unis donnera des ailes à la pire extrême droite partout au monde, et naturellement en Europe et en Grèce. 

Alors, ne serait-ce que pour cette seule raison, la situation est suffisamment alarmante pour que soit qualifié d’irresponsable et même de criminel tout comportement et prise de position qui sous-estime le danger, fait preuve d’aveuglement et paralyse la réaction des citoyens. 

Pourtant, un simple coup d’œil aux premières réactions des medias nord-américains et européens suffit pour qu’on soit conduit à la triste conclusion qu’on n'a rien appris des tragédies d’hier puisque le présent commence à présenter d’extraordinaires similitudes avec le passé. 


En effet, on assiste déjà à une tentative (coordonnée ?) de bercer l’opinion publique. De quelle manière ? En présentant un Trump en train d’adoucir ses positions car « condamné à s’adapter à la réalité », un Trump qui n’est pas aussi extrémiste qu’il est apparu au début, qui est bien intentionné, bienveillant, coopératif et évidemment,… bon père de famille. 

Comme tout ça nous rappelle quelque chose, nous avons fouillé l’histoire du siècle passé et nous avons constaté aisément que celle-là tend à se répéter, et malheureusement pas toujours en farce. 

Impressionnés par exemple qu’une agence de presse comme Associated Press (AP), qui domine l’information internationale, va ces derniers jours jusqu’à présenter Trump le misogyne comme « entrant dans l’histoire en tant que champion des femmes » ( « history-making champion of women »), on a fait un saut en arrière dans l’histoire et on a découvert que notre bon AP a un long passé d’enjoliveur de monstres. 

 En effet, AP s’était distingué dans les années 30, et même au début des années 40 (!), pour avoir systématiquement fait passer Adolphe Hitler pour le chef bienveillant d’un régime nazi lequel œuvrait uniquement pour le bien être et le bonheur du peuple allemand ! Cet « exploit » de AP a été le fruit de son accord écrit passé avec les autorités nazies, en vertu duquel AP s’engageait à « ne rien publier qui pourrait diminuer la puissance du Reich à l’intérieur comme à l’extérieur de ses frontières ». 

Grace à cet accord, AP a été la seule agence de presse étrangère pouvant travailler en Allemagne nazie. En contrepartie de cette faveur, AP transmettait systématiquement et des années durant la propagande raciste et antisémite la plus extrême des Nazis, allant même jusqu’à faire l’éloge de l’action de la Wermacht en Ukraine quand celle-là semait la mort et assassinait des centaines de milliers de juifs et d’Ukrainiens. Hélas, il ne s’agit pas seulement de l’AP. 

A l’instar de ce qu’ils faisaient alors avec Hitler, la plupart des medias nord-américains et internationaux commencent aujourd’hui à embellir Trump au même moment où leurs patrons semblent oublier la répulsion que leur provoque la vulgarité de ce milliardaire grossier, retenant seulement les superbes « cadeaux » que celui-ci promet de faire au grand capital. 

Et l’aboutissement de cette entreprise d’embellissement du monstre Trump ne fait aucun doute : s’il n’y a pas de résistance immédiate, déterminée et puissante, alors on va très bientôt considérer par exemple Ku-Klux-Klan comme une quelconque… ONG parmi d’autres. Avec tous les malheurs que cela va comporter pour les opprimé-es des USA et du monde entier…(1) 

Ouvrons maintenant une parenthèse pour parler d’un livre récemment paru (Yale University Press, 2015) et qui, selon les critiques dithyrambiques qu’il a reçus, décrit à merveille l’entreprise (réussie) d’embellissement d’Hitler de la part des medias internationaux durant les années 30. Il s’agit du « Hitler at Home » de la professeure à l’Université de Buffalo des Etats Unis Despina Stratigakos, laquelle arrive à la conclusion que grâce à tout ça « ils ont pu changer de fond en comble l’image publique de Hitler ». De quelle manière ? « Ils ont pu le faire en se concentrant sur sa vie privée, le montrant jouer avec ses chiens et avec des enfants, chez lui dans des espaces architecturaux faits pour donner une sensation douillette. Vers la fin des années 30, des nouvelles histoires, qui ont fait le tour du monde, le présentaient comme un être affectueux, doux, au bon gout prononcé pour la décoration des maisons »

Et à Mme Stratigakos de tirer la conclusion suivante, qui vaut d’ailleurs actuellement pour le cas de Donald Trump : « Tout ça était dangereux parce qu’il le rendait adorable. Apres avoir lu ces histoires, les gens allaient croire qu’ils connaissaient le « vrai » Hitler, l’individu privé caché derrière le masque du Führer, et que cet individu n’était pas aussi mauvais que le laissaient entendre les nouvelles venant d’Europe ». 

Pourtant, pendant que la droite et les grands medias embellissent le mal, la gauche internationale reste indifférente, fait preuve d’aveuglement et donne l’impression… qu’elle a d’autres chats à fouetter. 

A l’exception de la gauche nord-américaine, désormais dominée par Bernie Sanders et son mouvement de masse, les directions de la gauche internationale, et plus spécifiquement de la gauche européenne, sont en train de suivre l’exemple de leurs ancêtres de l’entre-deux-guerres et ne semblent pas impressionnés outre mesure par les développements cataclysmiques nord-américains. 

Aujourd’hui comme jadis, elles semblent incapables de se rendre compte de l’importance de la menace et évidemment, elles se limitent à jouer les spectateurs passifs, refusant de participer au gigantesque affrontement de classe qui se dessine déjà à l’horizon. 

Mais, que s’est-il passé dans ce lointain entre-deux-guerres pour qu’on puisse parler maintenant d’épigones dignes d’ancêtres indignes ? Tout d’abord, il faut enfin reconnaitre que tant en l’Italie des années 20 qu’en l’Allemagne des années 30, le fascisme et le nazisme ont vaincu sans qu’ils soient contraints de livrer bataille ! (2) 

Et cela à cause de l’incapacité des directions sociale-démocrates et communistes de comprendre et -par conséquent- de combattre ce qu’était ce nouveau mouvement réactionnaire et violent de masse.

Il est d’ailleurs à noter que même à l’ultime moment, peu avant ou même… après l’arrivée au pouvoir de Mussolini ou d’Hitler, ces directions ont continué à bercer les inquiétudes, à fermer les yeux et à promettre des victoires qui –hélas- ne sont jamais arrivées ! 

Par exemple, seulement deux mois avant que Hitler devienne Chancelier et Goering ministre de l’intérieur de l’Allemagne, Léon Blum l’alors leader des socialistes français et futur premier ministre du gouvernement du Front Populaire (1936), écrivait dans le quotidien de son parti les phrases suivantes qui allaient rester dans l’histoire : « Hitler est désormais exclu du pouvoir : il est même exclu, si je puis dire, de l’espérance même du pouvoir » ! 

Ces mêmes jours de novembre 1932 et juste après le recul des nazis aux élections allemandes, le quotidien de la social-démocratie allemande (SPD) Vorwaerts se vantait que « Voilà dix ans que nous avons prévu la défaite du national-socialisme, noir sur blanc, nous l’avions écrit dans notre journal !… ». Quant au quotidien Rote Fahne du Parti Communiste (KPD), il faisait preuve d’un triomphalisme pour le moins délirant quand il prétendait que « Partout, il y a des S.A (section d’assaut nazis) qui désertent les rangs de l’hitlérisme et se mettent sous le drapeau communiste. On commence à désavouer Hitler dans son propre mouvement » ! 

Et tout ça pendant que les dirigeants du parti, Ernst Thälmann en tête, continuait de déclarer qu’au cas où les Nazis viendraient au pouvoir, « ils n’y resteront que six mois, et après sera notre tour » ! Seulement deux mois plus tard, Hitler sera chancelier et le cauchemar deviendra réalité… 

La conclusion est facile, évidente et crève les yeux : réveillons-nous tout de suite et donnons l’alerte générale car la situation est très critique et nous ne pouvons pas laisser la gauche et les mouvements populaires et ouvriers nord-américains se battre seuls contre le monstre qui est en train de naitre !

Yorgos Mitralias 

Notes 

 Pour une information de première main, riche, détaillée et quotidienne sur tout ce qui se passe aux États-Unis après l’élection de Trump, et qui intéresse les mouvements sociaux et la gauche nord-américaine, il y a le Facebook « Europeans for Bernie’s Mass Movement »:https://www.facebook.com/EuropeansF… A part Trotski qui, faute d’armes matériels, s’est battu contre le fascisme avec ses écrits, à notre connaissance, il y a eu un seul dirigeant du mouvement ouvrier international, l’Italien Guido Picelliqui a combattu et battu - les armes à la main - les fascistes partout où il les a rencontré. D’abord, à Parme durant les mémorables 5 journées des barricades (1922), et ensuite en Espagne à la tête du Bataillon Garibaldi (1937). Le fait que cet immense personnage reste ignoré constitue un énorme scandale et nous comptons y remédier très prochainement car la lutte antifasciste actuelle et à venir a besoin de l’exemple de Guido Picelli.

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