lundi 26 septembre 2016

Jeremy Corbyn réélu à la tête du Parti travailliste, réactions dans la gauche britannique, par François Coustal

Après le référendum sur la sortie de l’Union européenne – le fameux « Brexit » – la droite du Parti travailliste a tenté de remettre en cause la légitimité de Jeremy Corbyn, premier leader élu directement par les militants et les sympathisants.

Officiellement, il lui était reproché de ne pas s’être suffisamment investi en faveur du maintien de la Grande-Bretagne dans l’UE. En pratique, l’appareil du Parti travailliste et son groupe parlementaire - qui se revendiquent directement de l’héritage de Tony Blair – n’ont jamais admis le désaveu qu’a constitué l’élection de Jeremy Corbyn, après l’échec électoral de 2015. Il faut d’ailleurs rappeler que la proposition de faire élire le dirigeant du Parti directement par les adhérents et les sympathisants (recensés ou affiliés) avait pour but de restreindre l’influence, réelle ou supposée, des syndicats sur le Parti travailliste, dans la mesure où cette influence était considérée par les héritiers de Blair comme le vestige d’un passé révolu, celui des origines « ouvrières » du Parti travailliste. Las ! L’affaire s’est totalement retournée.


En 2015 puis à nouveau en 2016, des dizaines de milliers de nouveaux adhérents – ou sympathisants – se sont investis dans ce processus d’élection interne avec, exactement, l’objectif inverse : réinvestir le Parti travailliste pour mener un combat contre la droite conservatrice, contre l’austérité et, pour une partie d’entre eux, pour renouer avec la lutte pour le socialisme.

La tentative de la droite du Parti travailliste de fermer la « parenthèse Corbyn » vient d’échouer.

Samedi 24 septembre, les résultats de la consultation interne viennent d’être publiés. Ils sont sans appel : malgré la défiance du groupe parlementaire, le contrôle des blairistes sur l’appareil travailliste et l’invalidation de dizaines de milliers de nouveaux adhérents, Corbyn recueille 62% des suffrages, dont 59% des membres du parti, 70% des « sympathisants enregistrés » et 60% des « sympathisants affiliés ».

Cet évènement ne peut manquer de percuter la gauche radicale. Celle-ci a, de façon assez unanime, salué cette réélection, considérée comme la manifestation d’un fort sentiment hostile à la droite conservatrice et à ses politiques d’austérité. Pour autant, il existe bien un débat sur la manière dont la gauche radicale doit se situer par rapport au « phénomène Corbyn », par rapport à Momentum – « L’élan », le mouvement politique créé pour soutenir Corbyn - voire par rapport au Parti travailliste lui-même.

Pour nourrir la réflexion, on trouvera ci-dessous la traduction de deux articles publiés par Socialist Resistance (http://socialistresistance.org/inside-labour-is-the-heart-of-the-class-struggle/9002 ) et par le Socialist Workers Party (https://www.swp.org.uk/corbyn-re-elected-labour-party-leader%20).

François Coustal

C’est au sein du Parti travailliste que se situe le cœur du combat de classe

Andy Stowe - Article publié sur le site de Socialist Resistance

La droite du Parti travailliste, ses amis dans la presse, les éditorialistes et leurs alliés ont déversé tout ce qu’ils ont pu trouver sur Jeremy Corbyn et il les a écrasés. Lui et ses supporters ont été accusés d’antisémitisme, de harcèlement et de misogynie, au moyen d’allégations sans rapport avec la vérité, répétées en boucle par tous les grands médias.

Rarement une campagne de désinformation aussi mensongère et disposant d’autant de moyens a été aussi massivement rejetée par ceux qui en étaient la cible. Corbyn a accru son score, qui est passé de 59.5% à 62%. Il a obtenu le soutien de 59% des membres du parti, de 70% des sympathisants enregistrés et de 60% des sympathisants affiliés. Et ceci malgré la mise à l’écart de plusieurs dizaines de milliers de personnes qui auraient voté pour lui.

Ce n’est pas tout. En Juillet, en deux jours, plus de 183.000 personnes ont versé 25 livres pour pouvoir voter. Et 128.000 ont adhéré dans les quinze jours qui ont suivi le référendum sur l’Union européenne. Depuis les élections législatives de 2015, le Parti travailliste est passé de 200.000 membres à près de 515.000 aujourd’hui. Ainsi quand, dans son discours de victoire, affirme qu’il veut un Parti travailliste d’un million d’adhérents, il ne s’agit pas d’une rêverie fantaisiste : c’est un objectif ambitieux, mais atteignable.

Il a également appelé les membres du Parti travailliste à mener une campagne de masse contre les projets des Conservateurs de renforcer la sélection dans l’éducation. Il a bien l’intention de transformer le Parti travailliste en un mouvement social profondément enraciné à la base, luttant pour modifier la situation politique. Bien qu’il l’ait expliqué à de nombreuses reprises, c’est quelque chose que ne semblent pas comprendre ses opposants au sein du groupe parlementaire travailliste, au sein de l’appareil du Parti et parmi les dirigeants syndicaux qui lui sont hostiles.

Cette transformation rapide du Parti travailliste se produit à un moment où la mobilisation sociale se situe à un niveau historiquement bas. On assiste à un afflux de travailleurs - dont plusieurs dizaines de milliers de jeunes – dans un parti dont beaucoup avaient commencé à désespérer. Et la lutte entre ces centaines de milliers de nouveaux membres et la Droite travailliste, démoralisée et auto-satisfaite, est maintenant le centre de la lutte des classes en Angleterre, la situation au Pays de Galles et surtout en Ecosse étant assez différente.

La Droite travailliste s’accroche toujours aux vaches sacrées de l’époque de Blair ; mais elle a également montré, lors de cette campagne électorale interne, qu’elle savait se battre salement et utiliser son contrôle sur l’appareil du Parti. La prochaine grande bataille va porter sur la tentative d’entraver la direction Corbyn en transférant aux députés la prérogative d’élire le Cabinet fantôme. Cela ne doit pas se produire ; nous sommes confiants dans la capacité à résister à cette offensive, à chaque étape et sur la base du mandat sans équivoque qui vient d’être donné au dirigeant fraichement réélu.

Owen Smith, le challenger battu, était une coquille vide. Il avait rassemblé un ramassis d’idées de gauche pour lesquelles il n’avait auparavant manifesté aucun enthousiasme. Sa plus grande contribution au processus est d’avoir, par son défi incongru, rendu plus difficile pour tout autre opposant de monter sur le ring contre Corbyn. On peut le remercier pour cela !

Socialist Resistance salue avec enthousiasme la réélection de Jeremy Corbyn. Pour les progressistes et les partisans du socialisme, c’est une victoire considérable. Elle démontre qu’un réel mouvement de masse peut triompher des opposants les plus déterminés, les mieux connectés et disposant des ressources les plus importantes. 

Tous ceux qui le soutiennent et sont disponibles doivent répondre à son appel à arpenter les rues pour mener campagne avec le Parti travailliste contre la sélection dans l’éducation.

Nous encourageons tous nos lecteurs à s’impliquer dans les activités militantes de Momentum.

Le Parti travailliste est désormais en passe de devenir un mouvement social de masse. Ceux qui luttent pour le socialisme ne peuvent plus se contenter d’observer depuis le banc de touche.

La droite travailliste enrage, nous applaudissons !

Article publié sur le site du Socialist Workers Party

Le Parti socialiste des Travailleurs (SWP) félicite Jeremy Corbyn pour sa réélection à la tête du Parti travailliste.

Son succès illustre clairement le sentiment qui existe contre l’austérité, le racisme et la guerre. Sa victoire peut être une rampe de lancement pour accroître la résistance dans les lieux de travail et les rues.

Nous espérons continuer le travail commun avec Jeremy Corbyn et ses partisans contre les politiques désastreuses des Conservateurs qui menacent de détruire les principaux services publics, d’aggraver la pauvreté, de stimuler le racisme et de plonger les forces armées britanniques dans de nouvelles guerres impérialistes.

Le co-secrétaire du SWP, Charlie Kimber, indique : « Bien joué, Corbyn ! C’est un nouveau coup contre la droite et l’héritage pourri des Blairistes »

Amy Leather, co-secrétaire du SWP, déclare « La victoire de Jeremy Corbyn ne peut que stimuler tous ceux qui détestent l’austérité et le racisme. Les meetings de Corbyn ont rassemblé un public nombreux et enthousiasme venu applaudir un message en faveur du socialisme. Tous ces gens doivent devenir un mouvement dans les rues et sur les lieux de travail, pour combattre et chasser le gouvernement travailliste ».

Le SWP ne fait pas partie du Parti travailliste. Mais Dimanche prochain, nous participerons, aux côtés des membres du Parti travailliste, à la manifestation dontre la Conférence du Parti conservateur, à Birmingham. Et nous serons également, le samedi 8 octobre, à la conférence « Debout contre le racisme » dont l’objectif est de construire un mouvement de masse antiraciste en Grande-Bretagne. Jeremy Corbyn sera l’un des orateurs ».

Nous allons travailler ensemble, avec tous les partisans de Corbyn, aussi bien au sein du Parti travailliste qu’à l’extérieur, pour combattre l’austérité, le racisme et la guerre. Le soutien à la grève des internes qui commence le 5 octobre va constituer une échéance particulière pour nous tous.

Nous demandons instamment à Jeremy Corbyn d’appeler à une manifestation nationale de soutien aux internes et de défense du Système de santé (NHS).

La Droite travailliste qui a essayé avec autant de zèle d’éliminer Corbyn ne va interrompre ses manœuvres. Elle n’acceptera l’unité que selon ses propres termes pourris. Une grande majorité des 172 députés travaillistes qui ont voté la défiance contre Corbyn restent ses ennemis acharnés.

Charlie Kimber le réaffirme : « il va y avoir des pressions considérables sur Corbyn pour qu’il passe des compromis et qu’il apaise l’aile droite. Ce serait un désastre. Ce sont le courage et la rupture avec la politique traditionnelle qui ont permis à Corbyn de conquérir le soutien dont il bénéficie. Il ne doit pas céder. »

Pour un véritable changement, il faut s’en prendre aux riches et aux puissants. L’élection du gouvernement Syriza, en Grèce, en janvier 2015, avait envoyé un message d’espoir à travers le monde. Mais ce gouvernement a été confronté une brutale pression financière, économique et politique de la part des institutions de l’Union européenne, des banquiers et des riches. Ce gouvernement est aujourd’hui en train de mettre en œuvre un plan d’austérité pire que ceux imposés par ses prédécesseurs conservateurs.

C’est une raison évidente pour laquelle nous défendons la nécessité d’un mouvement indépendant du Parti Travailliste.

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